Libye : Mustapha Abdeljalil dans la tourmente

Trois mois après la mort de Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT)  ne fait plus l’unanimité. Comme l’a appris à ses dépens son président, Mustapha Abdeljalil, figure jusque-là consensuelle de la révolution libyenne.

Mustapha Abdeljalil pris à partie, le 21 janvier 2012 au siège du CNT, à Benghazi. © Esam al-Fetori/Reuters

Mustapha Abdeljalil pris à partie, le 21 janvier 2012 au siège du CNT, à Benghazi. © Esam al-Fetori/Reuters

Publié le 2 février 2012 Lecture : 2 minutes.

Samedi 21 janvier, à Benghazi. La scène se passe de commentaires. Appelant les manifestants au calme depuis la fenêtre du siège du Conseil national de transition libyen (CNT), le président Mustapha Abdeljalil est accueilli par des jets de bouteilles et un message : « Dégage ! » Dans la confusion, des grenades artisanales auraient même été lancées sur la façade. Que veulent les nouveaux « indignés » de Benghazi ? Depuis la mi-janvier, ils squattent la place de l’Arbre, dans le centre-ville, pour que le CNT « corrige la trajectoire » du CNT. Deux revendications sont martelées : plus de transparence dans l’action du pouvoir transitoire et l’exclusion des ex-collaborateurs du régime Kadhafi. Ceux qui manifestent devant le siège du CNT s’expriment, eux, au nom des blessés de guerre et des laissés-pour-compte, abandonnés depuis la fin des combats.

En début de soirée, à l’intérieur du modeste bâtiment situé dans un quartier résidentiel de Benghazi, l’ancien ministre de la Justice de Kadhafi, devenu le symbole consensuel de la révolution, accorde une audience à une délégation de manifestants venus exposer leurs griefs. La patience du « cheikh », comme l’appelaient affectueusement les jeunes, ne suffit pas à éteindre la colère des protestataires, parmi lesquels de nombreux miliciens. Le ton monte, le dialogue est impossible. Abdeljalil quitte la salle du Conseil, rapidement exfiltré par ses gardes du corps. C’est le signal de l’assaut pour les manifestants, massés à l’extérieur depuis le début de l’après-midi. Le Toyota Land Cruiser du président du CNT est méthodiquement caillassé, les bureaux sont pillés, avant que le service d’ordre ne tente de protéger les archives, notamment celles de l’état civil. Les membres du CNT se seraient envolés dans la soirée pour Tripoli : on annonce la démission du numéro deux et porte-parole du conseil, Abdel Hafiz Ghoga.

Traité d’opportuniste, le numéro deux du CNT jette l’éponge.

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"Racailles"

Le lendemain, c’est dans un hôtel de Benghazi que Mustapha Abdeljalil convoque la presse. « Le moment politique que nous traversons peut entraîner le pays dans un gouffre sans fond », met en garde le président transitoire libyen. Il dément la démission de Ghoga, mais ce dernier la confirmera quelques heures plus tard, en direct sur Al-Jazira, au nom de l’« intérêt de la nation ». Quelques jours plus tôt, le même Ghoga avait déjà tâté du mécontentement des étudiants de l’université de Gar Younès. Invité à rendre hommage aux « combattants de la liberté », il est pris à partie par un groupe de jeunes qui le bousculent et le traitent d’« opportuniste », de « suppôt de Kadhafi ». Affront suprême pour Ghoga, qui fut l’un des premiers à rallier et à structurer le soulèvement contre le dictateur, depuis cette même ville de Benghazi, en février 2011. Le communiqué émis par le CNT après l’incident jette de l’huile sur le feu, son auteur qualifiant les agresseurs de « racailles ». Une partie d’entre eux rejoindra le sit-in devant le siège du Conseil deux jours plus tard. Avec l’issue que l’on connaît…

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