François Bozizé : « Il suffirait d’un rien pour que la Centrafrique renaisse »
À la tête de la Centrafrique, pays pauvre et fragile auquel les bailleurs de fonds ont coupé le robinet de l’aide depuis un an, le chef de l’État François Bozizé veut avant tout compter sur ses propres forces. Sa solution : « le travail, rien que le travail ». Encore faut-il que ses compatriotes, épuisés par deux décennies de sacrifices, le suivent…
Dans l’hélicoptère présidentiel – un Dauphin blanc acheté d’occasion en Italie – qui vole vers Bossangoa, à 500 km au nord de Bangui, François Bozizé pique un petit somme, ses dossiers sur les genoux. L’harmattan souffle en rafales, faisant tanguer l’appareil, et la savane défile, uniforme, grise et vide. Deux heures plus tard, totalement requinqué, le même nous entraîne sous un soleil de plomb dans une visite au pas de course de ce gros bourg poussiéreux, mal remis encore des pillages de 2003, et qui fut la ville de sa jeunesse. L’école primaire où il apprit à lire, le bar dancing Metroboss où il esquissa ses premiers pas de rumba, les champs de coton de Bo où des paysannes gbayas l’accueillent au cri d’« intanti ! » – que l’on pourrait traduire par « celui qui gagne du premier coup » -, l’usine d’égrenage et le déjeuner sur le pouce préparé par l’épouse du préfet. De retour à Bangui au crépuscule, le voici qui nous convoque chez son ami Ianarelli, un Corse sec comme un légionnaire – qu’il fut, dans une autre vie, avant d’aller barouder au Biafra et en Angola – propriétaire d’une salle de sport où le chef a ses habitudes. Vélo, step, stretching et musculation : Bozizé en jogging Nike ne se ménage pas. Il est 20 heures quand son convoi, étroitement protégé par les bodyguards de la garde républicaine et les éléments tchadiens de sécurité prêtés par Idriss Déby Itno, prend la direction de la présidence. Des audiences l’attendent jusqu’à minuit.
Le message, aisément décryptable, de cette journée de janvier est clair : à 65 ans, le chef veille, le chef travaille et le chef est en forme, contrairement aux méchantes rumeurs qui le disent quasi grabataire. Mise au point utile, tant la Centrafrique, cette cendrillon de l’Afrique centrale, demeure fragile et volatile. Il y a l’opposition, regroupée autour de leaders pugnaces comme Martin Ziguélé et Nicolas Tiangaye, dont l’intitulé de la plateforme commune, Front pour l’annulation et la reprise des élections (celles de janvier 2011, remportées par Bozizé avec 64,3 % des voix), signifie sans ambiguïté qu’elle ne reconnaît pas la légitimité du pouvoir en place. Il y a la situation sécuritaire, toujours instable. À peine la « guerre du diamant », qui a opposé en octobre dernier à Bria deux mouvements d’ex-rebelles – en fait deux ethnies -, s’est-elle éteinte que l’incendie couve dans le Sud-Ouest, où opèrent les tueurs de Joseph Kony, et dans le Nord-Ouest, terrain de chasse du dissident tchadien Baba Laddé. Les éléphants se battent, l’herbe souffre : le peuple est exsangue et l’attitude des bailleurs de fonds, qui ont coupé le robinet de l’aide pendant toute l’année 2011 pour des raisons qui tiennent au non-respect littéral des règles de la bonne gouvernance, a, vue d’ici, quelque chose d’inhumain.
Pourtant, le général François Bozizé veut croire qu’il suffirait d’un rien pour que la Centrafrique rompe son mauvais sort. Pas peu fier, il vante les mérites de l’unique bâtiment d’envergure construit dans sa capitale depuis une décennie : un hôtel cinq étoiles, financement libyen, main-d’oeuvre chinoise, manageur belge. Ouverture dans un mois. Les 166 chambres sont prêtes à accueillir les investisseurs. Viendront-ils ? Bangui en rêve.
Jeune Afrique : Vous venez, début janvier, de dissoudre les conseils d’administration de toutes les sociétés d’État, offices, agences et fonds publics du pays au profit d’un conseil spécial de surveillance et de redressement que vous présidez en personne. Pourquoi un tel coup de balai ?
François Bozizé : C’était indispensable. La plupart des sociétés d’État sont en ruine depuis des décennies, malgré toutes les mesures prises pour les réhabiliter. J’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes comme je l’ai fait avec le comité de trésorerie, que je préside également, et dont la bonne gestion nous permet depuis près de cinq ans de payer les salaires des fonctionnaires. Détournements, absentéisme du personnel, laisser-aller généralisé : le mal dans ces sociétés et offices d’État est profond. Il faut le diagnostiquer et y remédier. Certes, il s’agit là d’une mesure exceptionnelle, mais elle demeurera en vigueur le temps nécessaire à chacune de ces entités publiques pour qu’elles redémarrent sur des bases saines.
Vous avez eu des phrases très dures contre les corrompus et les corrupteurs lors d’un discours devant l’Assemblée nationale fin 2011 et juré de les « mettre hors d’état de nuire ». Là aussi, il était temps…
La Centrafrique a beaucoup d’atouts pour réussir, mais le manque d’honnêteté et de civisme d’un grand nombre de ses cadres pose un vrai problème. En d’autres termes : la récréation est terminée. Les limogeages et arrestations de directeurs généraux ainsi que les poursuites engagées contre certains membres du gouvernement entrent dans ce cadre. À la justice de faire son travail. Personnellement, je n’interférerai pas, quel que soit le degré de proximité avec moi de telle ou telle personnalité mise en cause.
Autant de résolutions qui vont dans le sens de ce que souhaite le Fonds monétaire international (FMI), dont le conseil d’administration doit débattre du cas centrafricain le 31 janvier à Washington. Êtes-vous optimiste ?
Oui. Le FMI nous a reproché de ne pas avoir été suffisamment rigoureux pendant la période électorale et pas assez attentifs au suivi du programme. Il n’avait pas tout à fait tort, mais, depuis, les mesures ont été prises par le ministre d’État aux Finances, et le Premier ministre est allé lui-même en rendre compte à Washington. En toute logique, le conseil d’administration devrait donc déboucher sur une reprise du programme et la mise au point d’une lettre de confort. Cette dernière permettra à la Banque mondiale, à l’Union européenne et à la Banque africaine de développement de se réengager à leur tour. Puisque, apparemment, elles se cachent derrière les décisions du FMI…
François Bozizé au palais présidentiel, à Bangui, lors de l’entretien avec Jeune Afrique le 18 janvier. (Crédit : Vincent Fournier/J.A.)
Pas seulement. L’Union européenne, qui a produit un rapport très critique sur la présidentielle de janvier 2011, semble mettre en avant des conditionnalités d’ordre politique.
Nous avons répondu à ces remarques lors de la table ronde de Bruxelles en juillet dernier, et Catherine Ashton [la chef de la diplomatie européenne] n’y a rien trouvé à redire. Le rapport dont vous parlez était subjectif, incomplet et inutile : il a été rédigé à partir de Bangui, sans enquête de terrain hors de la capitale et sans autre source que les communiqués de l’opposition.
Comment se déroule le dialogue social avec des syndicats que l’on sait pugnaces et parfois politisés ?
Plutôt bien. Le cadre de concertation dirigé par le Premier ministre fonctionne et les syndicats sont des interlocuteurs beaucoup plus responsables que les leaders de l’opposition.
Le groupe français Areva a annoncé en novembre qu’il repoussait de deux ans l’exploitation de la mine d’uranium de Bakouma, sur laquelle vous comptiez énormément pour renflouer les caisses de l’État. Un coup dur ?
Incontestablement. D’autant que cette exploitation aurait dû, aux termes de notre accord, démarrer depuis janvier 2010. Areva nous dit d’attendre, six mois, un an, deux ans… alors nous attendons.
Détournements, absentéisme, incivisme, laisser-aller : la récréation est terminée !
Pensez-vous contester le contrat qui vous lie à Areva et chercher d’autres partenaires, chinois par exemple ?
Non. Areva a entamé des travaux à Bakouma et nous lui faisons confiance. Pour l’instant. Mais j’ai tenu à dire à Sébastien de Montessus, le directeur des mines d’Areva, qui est venu me voir à Bangui, que je comprenais mal les raisons de leur décision : la catastrophe de Fukushima, qui sert d’explication à ce nouveau report, est en effet survenue plus d’un an après la date prévue du début de l’exploitation. Il n’a pas su me répondre sur ce point. Il m’a simplement demandé de patienter jusqu’à l’achèvement de toutes les enquêtes de sécurité post-Fukushima.
Maintenant que votre contentieux avec la société américaine Grynberg est quasiment réglé, quand pourra-t-on enfin entreprendre l’exploration des gisements pétroliers du Nord-Ouest ?
Les Chinois ont entamé l’exploration des zones qui se situent à côté de la concession Grynberg, de loin la plus prometteuse. Dès que nous aurons repris possession de cette dernière, nous verrons quels partenaires pourront nous accompagner. C’est un sujet complexe et sensible sur lequel je ne veux pas en dire trop.
Sur quoi comptez-vous pour améliorer votre trésorerie ? Le bois ?
Le bois subit depuis deux ou trois ans le contrecoup de la crise financière mondiale. Les commandes sont faibles et les recettes presque nulles.
L’or ?
L’or existe partout en Centrafrique, mais son exploitation n’a pas encore dépassé le stade artisanal.
Le diamant ?
Dans une certaine mesure. Des sociétés comme Sodiam ou Badica fonctionnent. Reste la contrebande, que nous ne sommes pas encore parvenus à réduire.
Le coton ?
C’est l’exemple de ce que les Centrafricains peuvent faire seuls, sans aucune aide extérieure. Depuis quatre ou cinq ans, nos cadres de la cellule coton se battent corps et âme pour réhabiliter cette culture vitale pour le pays. Les paysans cotonculteurs sont désormais payés régulièrement, ce qui n’était pas le cas sous l’ancien régime. Les usines ont été rafistolées et la production a triplé : 25 000 tonnes prévues en 2012, 100 000 espérées pour 2015, un record historique pour nous. L’État a injecté 10 milliards de F CFA [15,2 millions d’euros] dans ce secteur, sur ses propres recettes.
Le président Sarkozy m’avait promis une aide pour notre armée. Le résultat est bien maigre.
Il y a un mois, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est dit « inquiet du manque d’autorité de l’État, qui a laissé s’installer un grave vide sécuritaire » en Centrafrique. Comment réagissez-vous à ce diagnostic pour le moins sévère ?
C’est un héritage dont nous ne sommes pas responsables et que nous essayons de résoudre au mieux, en souhaitant que la communauté internationale nous aide davantage. Il y a eu à cet égard plus de promesses que d’engagements concrets. Notre armée et notre administration s’efforcent d’être partout, de Birao à Obo, de Bria à Kaga-Bandoro. Ce n’est donc pas par manque de volonté de la part de l’État si notre contrôle est imparfait, c’est par manque de moyens.
L’opposant franco-centrafricain Jean-Jacques Demafouth, ancien ministre de la Défense, ex-candidat à la présidence et chef d’un mouvement politico-militaire, a été arrêté le 6 janvier à Bangui. Que lui reproche-t-on ?
Ce n’est pas moi qui suis allé interpeller M. Demafouth, c’est la justice. D’après ce qu’on m’en a dit, il cherchait à déstabiliser le régime. Si c’est exact, c’est inadmissible de la part d’une personnalité qui a signé les accords de paix de Libreville en 2008 et qui depuis exerce la fonction de vice-président du comité de désarmement et de démobilisation. Après tous les efforts consentis pour sortir le pays du marasme, je n’accepterai jamais un tel retour en arrière.
Lui nie toute participation à des réunions suspectes…
Évidemment. C’est un avocat et il sait y faire. L’enquête en cours tranchera. Si elle ne donne rien, M. Demafouth sera libéré.
Autre problème : celui posé par le « général » autoproclamé Baba Laddé, un ancien officier de l’armée tchadienne à la tête de quelques centaines de rebelles qui a fait du nord-ouest de la Centrafrique sa base arrière pour, dit-il, renverser le président Idriss Déby Itno. Que comptez-vous faire ?
Baba Laddé est un opposant tchadien qui, après avoir fui au Cameroun, est entré en Centrafrique et s’est installé avec ses hommes armés dans la région de Kaga-Bandoro. Nous avons discuté avec lui à Bangui et obtenu son accord pour qu’il regagne N’Djamena. Puis il a brusquement changé d’avis après avoir exigé, sans l’obtenir, une protection de la part de l’ONU. Il s’est alors mis à racketter les éleveurs peuls pour se procurer des armes et des véhicules. Depuis, il joue au seigneur de la guerre. Pour l’instant, nous voulons encore croire à une solution négociée sous les auspices de deux médiateurs, tchadien et centrafricain, qui l’ont rencontré. Mais s’il nous force à agir autrement, nous le ferons*.
Si l’on en croit ses dires, il fait régner l’ordre dans la région qu’il contrôle en luttant notamment contre les coupeurs de route…
Mais qui l’a autorisé à agir de la sorte ? Qui le lui a demandé ? Personne.
L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), de l’Ougandais Joseph Kony, sévit depuis près de six ans dans l’est de votre pays. L’aide américaine promise pour vous aider à lutter contre ce fléau est-elle effective ?
Un contingent des forces spéciales américaines est présent depuis peu à Obo, dans le Haut-Mbomou. Il est en phase d’installation. Et je suis heureux d’apprendre que l’ONU semble enfin se saisir de ce problème.
Les Français ont une base et deux cents hommes à Bangui. Participent-ils aux opérations contre la LRA ?
Non. Il y a un an et demi, le président Nicolas Sarkozy m’avait pourtant écrit, promettant une aide matérielle aux forces armées centrafricaines. Pour un résultat concret bien maigre.
Pourquoi votre armée n’est-elle toujours pas opérationnelle ?
Les Faca [Forces armées centrafricaines] ont des cadres et des hommes de valeur. Ce n’est pas la motivation qui manque, mais l’équipement et la mobilité. Nous faisons de notre mieux pour y remédier, mais cela coûte cher et nous sommes un pays pauvre.
L’opposition centrafricaine est quasiment absente des institutions de la République, en particulier du Parlement. Déplorez-vous cette situation ?
Cette remarque m’a déjà été faite, particulièrement à Bruxelles, au siège de l’Union européenne. Qu’y puis-je ? Les élections ont été libres et démocratiques, et elles ont donné les résultats que vous savez. Aurais-je dû les fausser ? Notre opposition est composée de gens qui ont déjà exercé le pouvoir et mis ce pays à genoux. Vous-même êtes allé à Bossangoa, vous avez vu comment les Banyamulenge de Jean-Pierre Bemba ont mis cette ville à sac, vous avez entendu les cotonculteurs vous dire que, sous Patassé, ils n’ont pas été payés pendant des années. Pensez-vous que ces gens avaient envie de voter pour les responsables de leurs malheurs passés ? C’est cela le problème. Cela n’a rien à voir avec un Bozizé qui aurait verrouillé je ne sais quoi. L’opposition a échoué. Qu’elle le reconnaisse et redéfinisse sa stratégie plutôt que d’accuser le pouvoir matin, midi et soir.
Vos détracteurs vous reprochent d’avoir tout fait pour que votre prédécesseur, Ange-Félix Patassé, décédé le 5 avril dernier à Douala, ne puisse pas aller se faire soigner à temps à l’étranger. Ce n’est qu’in extremis que vous l’auriez autorisé à quitter le pays. Qu’avez-vous à répondre ?
C’est un mensonge. Ce sont ses alliés de l’opposition qui l’ont en quelque sorte tué, en l’usant jusqu’à la mort. Patassé était leur seule planche de salut, et ils ont tenu nuit et jour des réunions autour de lui alors que son état de santé ne le permettait pas. Cela s’est passé dans sa concession. Que ceux qui étaient là disent la vérité ! Ils l’ont épuisé et la corde s’est cassée. Lorsque j’ai été saisi par la famille, j’ai personnellement écrit à l’ambassade de France pour que Patassé obtienne le visa et les autorisations nécessaires pour aller se faire soigner à Paris. La réponse de l’ambassade a été négative : je l’ai ici. Décision a été finalement prise de le transférer en Guinée équatoriale. À l’escale de Douala, son état a brusquement empiré et il est décédé. Cela ne sert à rien de déformer la vérité. Qu’ils assument leurs responsabilités !
Séance de remise en forme chez Bangui Sports : "Dites à un médecin de m’ausculter et publiez les résultats !"
(Crédit : Vincent Fournier/J.A.)
Il y a quelques mois, des rumeurs alarmistes sur votre état de santé ont circulé à Bangui. Une personnalité de l’opposition, Joseph Bendounga, a même déposé une requête devant la Cour constitutionnelle au motif que vous seriez inapte à gouverner…
Ridicule. C’est cette personne qui est inapte, c’est elle qui est dérangée.
Comment vous portez-vous ?
Bien. Vous en êtes témoin. Vous m’avez vu sur le terrain, dans les champs de coton de l’Ouham. Je reviens d’une tournée en Ouganda, au Nigeria, en Guinée équatoriale et au Tchad. Hier soir, je fréquentais une salle de sport à Bangui. Tout va bien. Si vous en doutez, dites à un médecin de venir m’ausculter et publiez les résultats !
Quel est l’état de votre relation avec la France ?
Elle est ce qu’elle est. Les Français sont nos cousins. Nous cohabitons.
Il n’est un secret pour personne que Paris, mais aussi Bruxelles et Washington ont formulé des réserves à l’égard de votre ministre d’État aux Finances, Sylvain Ndoutingaï. Sa gouvernance et son nationalisme jugé excessif sont mis en cause. Lui maintenez-vous votre confiance ?
Sylvain Ndoutingaï est un jeune ministre qui selon moi fait bien son travail. L’opinion apprécie les réformes courageuses qu’il a entreprises dans les secteurs des mines, de l’énergie et des finances. Il n’a pas sur moi l’influence qu’on lui prête et il fait ce que je lui demande de faire. Si on lui reproche quelque chose, qu’on le prouve et je prendrai les sanctions qui conviennent. Dans le cas contraire, qu’on le laisse tranquille. Jusqu’ici, on ne m’a rien présenté.
Même chose pour votre Premier ministre Faustin-Archange Touadéra. Si vous l’avez reconduit, c’est que vous en êtes satisfait…
La continuité, dans ce type d’emploi, vaut mieux que le changement pour le changement. Lui aussi travaille bien et respecte les consignes que je lui donne. Le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés [PPTE] est le fruit d’un effort collectif dans lequel il a eu sa part. Pourquoi voudriez-vous que je change une équipe qui est en train de gagner ?
Trente-quatre ministres, ça n’est pas trop pour un pays pauvre de 4,5 millions d’habitants ?
C’est possible. Mais c’est la rançon de l’ouverture. Tout le monde veut être ministre, en Centrafrique !
Comment avez-vous réagi à la mort de Kadhafi ?
Ce fut un événement cruel et amer. Mais les hommes passent et les pays demeurent.
Et à l’arrestation de Laurent Gbagbo ?
Là aussi, j’ai vu des images insupportables.
Approuvez-vous son transfèrement à la Cour pénale internationale ?
Cela a déjà eu lieu. Que voulez-vous que je vous dise de plus ?
Quand le chef d’État africain que vous êtes voit ce genre de scène, que pense-t-il ? Que ce sont les risques du métier ?
Sans doute. Pourvu que cela se fasse dans la dignité, il faut l’accepter. Aurait-on agi de la sorte s’il s’agissait de dirigeants américains ou français ? C’est la question que je me pose…
Quel message voudriez-vous adresser à la communauté internationale ?
Celui-ci, et il est très simple. Depuis le changement du 15 mars 2003, nos partenaires et nous avons ensemble hissé la Centrafrique à un niveau acceptable. Il n’est pas question de revenir en arrière. Or, en 2011, nous n’avons plus rien reçu de la part de cette communauté, pas un centime d’aide budgétaire, rien pour le désarmement et la réinsertion. Pourquoi s’arrêter au milieu du gué ? Il suffirait pourtant d’un coup de pouce pour que ce pays démarre.
Et à vos compatriotes centrafricains ?
Un message d’espoir et d’effort. Salaires, routes, énergie, habitat : les résultats sont là. Nous y sommes parvenus en nous serrant la ceinture, mais il n’y a pas d’autre solution que de continuer le travail. Le travail, rien que le travail. N’écoutons pas les ennemis du progrès et maintenons le cap. Construire un pays n’est pas une tâche facile. La récompense est au bout de l’effort.
* Cet entretien a été réalisé quelques jours avant le déclenchement d’une offensive militaire conjointe centrafricano-tchadienne contre les rebelles de Baba Laddé.
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Propos recueillis à Bangui par François Soudan.
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