Ben Cheikh, El Guerrab, Traverse… Qui l’emportera dans la 9e circonscription des Français de l’étranger ?
Le premier tour de la législative partielle dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest) aura lieu le 2 avril. Parmi les candidats, deux anciens titulaires du poste, et des outsiders insolites.
L’élection législative partielle dans la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest) est entrée dans sa dernière ligne droite. Après l’invalidation, le 20 janvier, de l’élection du député – et candidat à sa réélection – Karim Ben Cheikh, les électeurs sont à nouveau appelés aux urnes le 2 avril pour le premier tour et le 16 pour le second. Le vote électronique, lui, a eu lieu du 24 au 29 mars (midi).
Pour rappel, le Conseil constitutionnel avait estimé qu’une erreur technique lors du vote en ligne était susceptible d’avoir « empêché plusieurs milliers d’électeurs de prendre part au vote au premier tour ».
Tout en précisant que celle-ci n’était « imputable ni au candidat élu ni aux autres candidats », le Conseil a néanmoins estimé que cette erreur était de nature à avoir « porté atteinte à la sincérité du scrutin ».
Le sortant, Karim Ben Cheikh, favori logique
Fort de son score lors de la dernière élection et de l’éparpillement des candidatures adverses, Karim Ben Cheikh entend bien retrouver son siège de parlementaire et redevenir le seul élu de gauche dans les onze circonscriptions des Français établis à l’étranger.
Lors de la dernière élection, l’ancien diplomate, soutenu par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), était arrivé largement en tête au premier tour avec 40 % des voix, devant l’ex-ministre Élisabeth Moreno (28 %), avant de l’emporter au second tour avec 54 % des suffrages, contre 46 % pour sa rivale.
Reconnaissant que la décision du Conseil constitutionnel a constitué une surprise, l’ex-élu Nupes a très vite décidé de repartir en campagne, reprenant les thèmes sur lesquels il a fait campagne lors de sa première élection, principalement centrés autour de l’approfondissement des services publics à destination des Français de l’étranger. « Je ne m’attendais pas à retourner en campagne aussi rapidement, déclare l’intéressé. Cette partielle m’a permis de passer les deux derniers mois sur le terrain. »
Union des gauches
Karim Ben Cheikh peut à nouveau compter sur le soutien de plusieurs associations des Français de l’étranger, dont l’Association démocratique des Français à l’étranger (ADFE) et son noyau de militants actifs dans la circonscription. À cela s’ajoute le soutien exprimé par l’ensemble de sa famille politique et de plusieurs poids lourds de la gauche, faisant de lui le favori de cette élection. En cas de victoire, il devrait également reprendre la présidence du groupe d’amitié France-Maroc.
Le candidat de l’union des gauches doit néanmoins composer avec l’image a priori négative d’un député dont l’élection a été annulée, bien que le Conseil constitutionnel ait précisé que cette annulation n’était imputable à aucun candidat. « De nombreux compatriotes ont été surpris par l’annulation de l’élection. J’ai organisé plus de quarante rencontres, on me parle davantage des retraites, des frais de scolarité, que des SMS ! », poursuit Karim Ben Cheikh.
Car l’erreur technique pointée par le Conseil constitutionnel concerne un problème de réception des SMS nécessaires pour pouvoir voter en ligne. Seuls 38 % des Français établis en Algérie avaient en effet reçu le SMS leur permettant de voter. Une circonstance suffisante, selon le Conseil, pour « annuler les opérations électorales contestées ».
M’jid El Guerrab « confiant »
Élu en 2017, l’ancien député M’jid El Guerrab, qui avait renoncé à se représenter en 2022 en raison de ses déboires judiciaires, a finalement choisi de se représenter. L’ancien député franco-marocain avait été condamné le 12 mai 2022 à trois ans de prison et à deux ans d’inéligibilité pour l’agression de son ancien camarade socialiste Boris Faure.
Les deux hommes ont entre temps conclu un accord aux termes duquel M’jid El Guerrab a reconnu sa responsabilité et s’est acquitté des réparations civiles. Écarté du parti présidentiel, l’ancien député a intégré le groupe parlementaire Agir Ensemble, proche de la majorité.
En cas de victoire, M’jid El Guerrab assure qu’il siègera cette fois au sein du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (LIOT), qui compte une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale. Il a notamment reçu le soutien public du président du groupe, Bertrand Pancher.
LIOT s’est récemment illustré par une motion de censure – rejetée à 9 voix près – qui, en cas d’adoption, aurait fait chuter le gouvernement.
L’ex-député, qui avait pourtant soutenu la majorité présidentielle lors de son mandat précédent, n’y voit aucune contradiction. « Lors de mon mandat de parlementaire, j’ai voté plusieurs textes contre la majorité. J’ai toujours revendiqué ma liberté et mon indépendance », clame l’ancien élu franco-marocain.
Renaissance investit Caroline Traverse
À l’heure où la France est secouée par des manifestations et des grèves de grande ampleur contre la réforme des retraites et où la figure d’Emmanuel Macron est particulièrement clivante, la majorité présidentielle se retrouve dans une position délicate.
Après une période d’hésitation quant à la possibilité d’investir M’jid El Guerrab – hypothèse entre temps écartée par les cadres du parti –, le mouvement Renaissance a finalement investi Caroline Traverse.
Cette avocate de formation âgée de 43 ans se prévaut de son enracinement dans la circonscription. Elle a notamment habité dix ans au Maroc, où elle possède toujours un cabinet de conseil juridique, et réside depuis quatre ans au Sénégal.
La candidate de la majorité présidentielle devra composer avec l’image écornée d’Emmanuel Macron dans plusieurs pays de la circonscription, dont le Maroc, principal réservoir de voix.
« Aucun président n’a jamais fait l’unanimité dans les pays de la circonscription », répond Caroline Traverse, qui n’hésite pas non plus à prendre ses distances avec l’exécutif sur certains sujets. Sur l’épineux dossier des visas, par exemple, la candidate estime que la France « n’a pas mesuré les conséquences des restrictions et a réagi beaucoup trop tard ».
Peu de temps après son investiture, la candidate a dû affronter sa première polémique, lorsqu’elle s’est retrouvée indirectement accusée d’être un ancien soutien d’une sénatrice pro-Polisario, l’entité séparatiste et ennemi juré du Maroc. Des accusations que l’intéressée « dément fermement », ainsi que « toutes les polémiques au sujet du Sahara ». Caroline Traverse dénonce aussi une « instrumentalisation à des fins électoralistes sur des sujets qui ne relèvent pas du rôle d’un député ».
Parmi les mesures phares de son programme, la création d’un fonds d’investissement visant à promouvoir l’entrepreneuriat français à l’étranger, et une « loi d’inclusion » qui prendrait davantage en compte les besoins des Français établis hors de France dans les dispositifs mis en place par l’État.
Abstention et outsiders
Comme lors de l’élection précédente, cette législative partielle compte aussi son lot » d’outsiders », ces candidats moins connus et non soutenus par un parti. Parmi eux, un homme d’affaires implanté en Afrique, Hervé Diaz, qui dirige l’École de commerce de Lyon.
Ce chef d’entreprise de 53 ans possède des sociétés dans plusieurs pays de la circonscription, notamment en Tunisie et en Côte d’Ivoire, principalement dans les domaines de l’édition et de l’enseignement supérieur privé. Son groupe scolaire a vu passer plusieurs décideurs africains désireux d’acquérir une formation commerciale.
Non encarté mais proche du centre et surtout résolument libéral, l’homme d’affaires assume une candidature hétérodoxe, entre autofinancement de sa campagne et promesse de reversement de son indemnité de parlementaire. Hervé Diaz défend lui aussi la création d’un fonds d’investissement à destination des entrepreneurs expatriés, ainsi que la mise en place d’une aide au retour définitif en France.
Le mois de ramadan et la visibilité moindre d’une élection partielle risquent de générer un fort taux d’abstention dans une circonscription déjà caractérisée par un faible taux de participation. En juin 2022, l’abstention s’était élevée à près de 85 % au premier tour et à 82 % au second. Les premiers chiffres issus du vote en ligne laissent présager une baisse du taux de participation.
Mais la candidature la plus insolite est de loin celle de Grégory Zaoui, cerveau de la fraude à la taxe carbone à la fin des années 2000. Ce dispositif avait permis à plusieurs escrocs, dont beaucoup ont trouvé refuge en Israël, de détourner environ 2 milliards d’euros d’argent public.
Alternant périodes de cavale et incarcération, Grégory Zaoui a été relâché en 2020 après avoir passé au total cinq années en prison. Au mois de mars, il a annoncé sa candidature à la députation dans la 9e circonscription des Français de l’étranger.
Après avoir « payé sa dette envers la société », celui qui se dit aujourd’hui repenti assure vouloir « rendre à la France ce qu’il lui a pris », tout en affirmant qu’une fois à l’Assemblée, il planchera sur des mesures anti-fraudes permettant à l’État de faire des économies massives. Et d’ajouter, au cours d’une interview, que « les meilleurs serruriers sont les anciens cambrioleurs ».
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