Le Nigeria inquiète ses voisins
La propagation de l’islamisme radical et la flambée du prix de l’essence constituent les deux motifs d’inquiétude des voisins du Nigeria.
Mali : "Certitudes" sur les connexions entre Aqmi et Boko Haram
« Nous avons relevé, ces derniers temps, une dangereuse interconnexion entre les terroristes évoluant dans les pays du champ [Sahel, NDLR] et certaines sectes extrémistes subsahariennes », reconnaissait en novembre dernier le général Gabriel Poudiougou, chef d’état-major de l’armée malienne. Aujourd’hui, les sources sécuritaires en poste dans le nord du pays sont plus précises. « On avait des doutes, mais à présent, on a la certitude qu’il y a des connexions entre Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique] et Boko Haram », affirme l’une d’elles, sous le couvert de l’anonymat.
Une certitude étayée depuis l’enlèvement, en janvier 2011 à Niamey, de deux jeunes Français, Vincent Delory et Antoine de Léocour (tués lors de l’opération de sauvetage menée par les forces spéciales françaises). L’enquête a rapidement mené à un suspect nigérien ayant séjourné à Maiduguri, le fief de Boko Haram, dans le nord-est du Nigeria, et ayant eu des contacts avec un membre des Shebab somaliens.
En visite au Nigeria en août 2011, le général Carter Ham, commandant des forces américaines pour l’Afrique (Africom), faisait état des inquiétudes de Washington à propos de liens possibles entre Boko Haram et « d’autres organisations extrémistes en Afrique ». « Au sein d’Aqmi aujourd’hui, il y a des jeunes de toute la sous-région », précise notre source malienne.
Des liens confirmés par les Nations unies dans un rapport que Jeune Afrique s’est procuré en marge du 18e sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba (Éthiopie).« Certains de ses membres [originaires] du Nigeria et du Tchad ont été formés dans les camp d’Aqmi au Mali pendant l’été 2011 », affirment les experts de l’ONU.
Bénin : crainte sécuritaire
Au Bénin, la situation au Nigeria inquiète. Mais pas trop. Le pays s’estime éloigné de la sphère d’influence de la secte islamique de Boko Haram. Quant à l’augmentation du prix de l’essence chez le voisin, elle contribue à assécher le trafic de carburant. Cette essence de contrebande, appelée kpayo et disponible à chaque coin de rue, est à présent plus chère qu’à la pompe : entre 800 et 1 200 F CFA le litre, contre 520 F CFA. À Cotonou, les files d’attente ne cessent de s’allonger devant les stations-service, et le ravitaillement des automobilistes et motocyclistes donne parfois lieu à de vigoureuses empoignades. Pas en raison d’un risque de pénurie. Mais les pompistes, n’ayant jamais vu une telle affluence, ont bien du mal à servir tout le monde dans un délai raisonnable.
L’autre souci des autorités concerne le volet sécuritaire. « Quand il y a du désordre à côté, nous constatons à chaque fois une augmentation de la criminalité et du brigandage chez nous », explique un habitué du palais de la Marina. Le tout alors que cette zone côtière connaît déjà un regain de la piraterie maritime.
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Niger : commerce à l’arrêt
Déjà préoccupées par la présence d’AQMI, les autorités nigériennes ont vite pris la mesure de la menace Boko Haram. « Dès que nous avons appris les violences dans le nord du Nigeria, nous avons renforcé les patrouilles aux frontières et la coopération entre les services de sécurité », a confié Mohamed Bazoum, le chef de la diplomatie. À Zinder, Maradi et Diffa, notamment, la Garde nationale et la police ont été envoyées en renfort. Problème : il est impossible de surveiller intégralement cette vaste zone semi-désertique. Et les routes de contrebande sont nombreuses.
Par ailleurs, la fermeture de la frontière complique le commerce. Une grande partie du bétail nigérien en partance vers l’immense marché nigérian est bloquée. Sur les marchés dont le ravitaillement dépend du voisin, les prix flambent. Seul point positif, les stations-service ne souffrent plus de la concurrence de l’essence de contrebande importée du Nigeria : le prix à la pompe est de 579 F CFA, contre 700 F CFA au marché noir.
Tchad : flambée des prix à N’Djamena
Pays dépourvu d’accès à la mer, le Tchad dépend des voies de communication terrestres et aériennes avec ses voisins pour l’ensemble de ses approvisionnements. Les deux portes d’entrée : le Cameroun, avec notamment le port de Douala, et le Nigeria, avec celui de Lagos. Or la série d’attentats perpétrés depuis Noël contre les chrétiens nigérians a provoqué la fermeture de la frontière nigériane, faisant grimper par exemple de 9 000 à 12 500 F CFA le prix du ciment en provenance des usines Dangote. Le gasoil, lui, est quasi introuvable. En dépit de l’inauguration en juin dernier de la raffinerie de Djarmaya – la première du pays, mais actuellement à l’arrêt -, une grosse partie du carburant provient du Nigeria. Fixé à 520 F CFA dans les stations-service de N’Djamena, le litre de gasoil coûte déjà 700 F CFA au marché noir. C’est l’ensemble du transport routier qui est impacté. Le tout dans un contexte inquiétant. Historiquement, les troubles dans la région du lac Tchad se résumaient à des frictions entre communautés ou des conflits opposant agriculteurs et éleveurs. À présent s’y ajoutent une montée de l’islamisme et une inquiétude venue du Nord, avec le désordre libyen et le terrorisme d’Aqmi.
Cameroun : renfort militaire dans le Nord
« Nous savons que des membres de Boko Haram sont entrés sur notre territoire », confie un député de l’Extrême-Nord camerounais, une région riveraine du lac Tchad aux voisinages tumultueux. « Mais nous ne laisserons pas le désordre et la violence s’installer chez nous », ajoute cet élu, qui préfère conserver l’anonymat. Depuis la fermeture de la frontière avec le Nigeria début janvier, les responsables politiques locaux et les lamido (chefs traditionnels) ont réactivé leurs réseaux dans l’État nigérian voisin de Borno (Nord-Est). Les renseignements circulent par le biais des ethnies transfrontalières et des réseaux de contrebandiers. La consigne est de signaler aux autorités la présence de toute personne étrangère à la communauté. C’est ainsi qu’une dizaine de prédicateurs nomades ont été arrêtés en décembre 2011 dans la ville de Lagdo (Nord). Quelque 600 militaires ont été envoyés en renfort à la frontière, en plus du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité spéciale basée à Maroua.
L’autre effet de la fermeture de la frontière est la hausse du prix de l’essence importée en contrebande du Nigeria. De 300 F CFA à Maroua, le litre de zoua-zoua a quasiment rejoint le prix officiel du carburant, fixé à 569 F CFA. Conséquence directe : le prix du sac de mil est passé de 16 000 à 21 000 F CFA. Depuis les émeutes de la vie chère, en 2008, le gouvernement gèle et subventionne les prix à la pompe. En 2011, l’État a ainsi dépensé 323 milliards de F CFA, soit 12,5 % du budget national. Selon une source proche de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), une hausse du prix du carburant à la pompe est à l’étude.
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Malika Groga-Bada et Georges Dougueli
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