France : Mamedy Doucara, athlète photographe

Champion du monde de taekwondo, Mamedy Doucara, français d’origine malienne, s’est reconverti avec succès dans le portrait d’art.

C’est après une blessure que le sportif s’est tourné vers la photographie. © Mamedy Doucara

C’est après une blessure que le sportif s’est tourné vers la photographie. © Mamedy Doucara

Publié le 31 janvier 2012 Lecture : 4 minutes.

Mamedy Doucara cache son appréhension sous un flot de paroles. « Vous me posez des questions, ou je vous dis tout ? Ça y est, ça a commencé ? Bon… » Puis il se tient coi, les mains croisées sur la table, immobile, comme à l’affût, dans une chaise trop petite pour son mètre quatre-vingt-huit. Passé les premières minutes de tension, le taekwondoïste se livre, sans retenue, révélant les deux Mamedy Doucara qui cohabitent en lui. Il y a d’une part l’athlète français de haut niveau, champion du monde de taekwondo en 2001, neuf fois champion de France de la discipline, qui alterne entraînements et compétitions à un rythme soutenu. De l’autre, il y a Mamedy le photographe malien, dont le studio s’appelle Kelebara (« guerrier » en bambara) et qui fige dans l’instant, selon son inspiration, sportifs de haut niveau et anonymes. Chez les deux, cependant, la même manière de se lancer à corps perdu dans leur passion.

Sa première vie commence vraiment il y a onze ans, lorsqu’à 20 ans il participe aux championnats du monde de taekwondo à Jeju, en Corée du Sud, terre d’origine de l’art martial. Le junior entré quelques mois auparavant dans l’équipe de France comme sparring-partner – partenaire d’entraînement – s’impose en finale, devenant le second Français de l’histoire de la discipline à remporter le titre. Pour le champion, c’est d’abord la récompense de son père, son premier supporteur, grâce à qui il a mis les pieds sur un tatami. « Il entraînait dans un club de Vitry-sur-Seine et je me suis mis au taekwondo pour passer du temps avec lui », confesse Doucara.

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Fonctionnaire de police originaire du Mali, Thieman Doucara pratique les arts martiaux depuis de longues années. Ses six enfants ont eu droit à des cours, mais Mamedy est le seul pour qui cela est devenu plus qu’un passe-temps. Entre le père et son fils aîné, la relation est fusionnelle, et c’est les mains tremblantes et les yeux embués que le taekwondoïste se souvient de la fierté de son père lors de son sacre. « Ce championnat du monde était l’une des seules compétitions où il ne m’avait pas accompagné. On s’est téléphoné juste après, et il m’a dit : "Je savais bien que tu le serais un jour". Ça valait toutes les félicitations du monde. »

À l’euphorie succède vite la pression. Le jeune champion, qui se sent scruté, ne veut pas décevoir. « J’avais le sentiment que le moindre de mes mouvements était observé, décortiqué, analysé. Aussi me suis-je fait une promesse : ne jamais perdre en France ! » raconte-t-il en riant. Une promesse qu’il tiendra, peu ou prou…

Pourtant, en 2005, sa vie prend un tournant imprévu. Immobilisé pendant dix mois par une rupture des ligaments croisés du genou, Mamedy Doucara s’ennuie ferme. Pis, l’arrêt forcé le fait gamberger. « Il n’y a pas d’âge de retraite au taekwondo. Je me suis demandé : "Tu fais quoi si tu es blessé de façon irréversible ?" » Pour « tuer le temps », il assiste un ami photographe, Lamine Sy, qui lui apprend les rudiments du métier. Doucara se prend au jeu, s’achète un appareil photo numérique « un soir, en surfant sur le net ». Cérémonies familiales et moments de vie sont photographiés avec de plus en plus d’audace, au fur et à mesure qu’il gagne en assurance. Les photos circulent, entre amis et collègues de l’équipe de France. Le matériel et la technique, eux, se perfectionnent.

Désormais, Mamedy Doucara préfère rester discret sur ses honoraires.

Puis, un jour, vient la première commande professionnelle : « La fédération m’a proposé de réaliser l’affiche du championnat de France, en 2007, j’étais excité et heureux. Mon premier cachet : 500 euros… J’étais gentil, à l’époque », s’amuse-t-il.

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Désormais, il préfère rester discret sur ses honoraires, mais ils ont bien changé depuis ce « premier job » de 2007. « Ça dépend vraiment du travail, de la mise en scène, mais cela reste abordable dans le milieu, je ne suis pas encore un grand photographe », explique-t-il en riant. Peut-être bien. Mais son travail est suffisamment remarquable pour être sollicité de plus en plus souvent par la presse. La liste des personnalités à être passées devant son objectif ne cesse de s’allonger : les Experts (l’équipe de France de handball), Diego Maradona, Samir Nasri, Yannick Noah, Jonah Lomu… « Maintenant, il n’y a plus de Mamedy Doucara taekwondoïste et de Mamedy Doucara photographe. Les deux ne font qu’un, et je pense que ça, c’est imprimé dans la tête des gens », explique le fondateur de Kelebara Pictures.

Tout comme, pour lui, il n’y a pas de différence entre le sportif tricolore et le Français d’origine malienne. « Là aussi, il n’y a qu’une seule et même personne. Je suis français et malien, les deux ne s’opposent pas, ils se complètent. »

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