Sénégal : mention passable en économie pour Wade

Routes, aéroport, production agricole, défi énergétique… Pas de doute, le chef de l’État a été ambitieux pour son pays. De quoi avoir le tournis et s’interroger sur le coût de certains projets.

Le chantier de l’aéroport international Blaise-Diagne. © D.R.

Le chantier de l’aéroport international Blaise-Diagne. © D.R.

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 26 janvier 2012 Lecture : 4 minutes.

Comme souvent chez Wade, la vision est juste et les projets lancés sont nécessaires. Problème, la logistique et les finances ont parfois du mal à suivre. Et au final, le bilan laisse un goût d’inachevé. Avec à la clé une question pour les électeurs sénégalais : faut-il poursuivre ?

Infrastructures : pour qui ?

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Autoroute à péage, aéroport international, corniche… Dakar est un chantier permanent. Ces seuls projets sont évalués à plus de 1 milliard d’euros… « Bien plus cher que ce que l’on peut voir ailleurs », estime ainsi Abdou Diop, expert-comptable dans un cabinet international marocain. Pour lui, si le président Abdoulaye Wade s’est attaqué à juste raison à la mobilité urbaine dakaroise, « on peut se poser la question des priorités ». Ainsi les banlieues surpeuplées ne bénéficient-elles guère de la fluidité gagnée entre l’aéroport et le centre-ville. La transparence des appels d’offres est aussi pointée du doigt. L’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), gérée par le fils du président et ministre d’État, Karim Wade, et à l’origine de l’aménagement de la corniche avec sa quatre-voies, cristallise ainsi les critiques des détracteurs de Wade. En ce qui concerne l’aéroport international Blaise-Diagne, son financement hors budget de l’État restera comme le chantier de l’époque Wade : de l’audace dans l’ingénierie financière et une vision pour son pays.

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Les bons plans de Wade

L’agriculture, qui fait vivre 60 % des Sénégalais, ne parvient pas à nourrir l’ensemble de la population. Les importations de produits alimentaires plombent la balance commerciale (- 16,5 % du PIB en 2011). À juste titre, Wade a voulu s’attaquer à cette situation, qui n’est d’ailleurs par propre au Sénégal. Mais qui se souvient du plan Reva, ou Retour des émigrés vers l’agriculture, lancé en 2006, lors de son premier mandat ? Les 60 millions de dollars ont donné peu de résultats. Après les émeutes de la faim en 2008, il lance la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2012. L’enveloppe est cette fois supérieure à 524 millions d’euros. Quatre ans plus tard, le pays importe encore les quatre cinquièmes de sa consommation de riz, mais, selon les autorités, la production locale de céréales a été multipliée par deux. La tendance est donc impulsée. « En fait, Wade a été trop ambitieux, explique l’économiste Moubarack Lô, un proche de Macky Sall, candidat à la présidentielle. Il est possible que le pays parvienne à l’autosuffisance alimentaire, mais pas avant 2020. » Le plan Takkal, quant à lui, a redressé le secteur énergétique. Les émeutes, en 2011, contre les délestages ont pressé l’État d’élaborer une nouvelle feuille de route. Facture : 1 milliard d’euros. Cela a déjà permis d’augmenter la capacité de production électrique et d’assurer l’alimentation du réseau à Dakar. Et, cette semaine, le gouvernement signe un contrat avec le coréen Kepco pour la construction d’une nouvelle centrale.

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À plusieurs reprise, le Fonds monétaire international a tiré la sonnette d’alarme.

Privatisations à parfaire

Les Industries chimiques du Sénégal (ICS) recapitalisées par les Indiens d’Iffco, la Sonacos (devenue Suneor) rachetée par Advens, du Franco-Sénégalais Abbas Jaber, en passant par la Société africaine de raffinage (SAR) reprise par Saudi Binladin Group… Wade est souvent accusé d’avoir bradé les fleurons du pays. « Ces privatisations ont manqué de transparence et d’encadrement », accuse Abdou Diop, qui pointe les défaillances de Suneor. Sur une production de 500 000 tonnes d’arachides en 2011, la société n’en a raffiné que 150 000 t et importe de l’huile de soja. Cela est vrai. Mais il est vrai également que la Sonacos était exsangue et que la filière devait être restructurée. Pour ICS, le tableau est également mitigé. Les Indiens absorbent la quasi-intégralité de la production alors que le pays a besoin d’engrais. Mais ils ont comblé les dettes d’ICS et réinvesti dans l’outil productif. Enfin, la SAR, à l’arrêt en 2006 pendant neuf mois, n’est pas encore sortie d’affaire. L’un des actionnaires, le français Total, ne cachait pas son scepticisme dès le départ, refusant de participer au programme d’investissements. En comparaison, toutes ces privatisations font pâle figure par rapport à celle de Sonatel, dans les années 1990, première entreprise du pays, devenue leader de la sous-région dans la téléphonie.

Trous dans les finances

« Il y a eu de bonnes années, et d’autres catastrophiques », résume Moubarack Lô. Le volontarisme du chef de l’État, qui a déséquilibré les comptes pour financer ses ambitions pour le Sénégal, est en cause. Résultat : les dépenses publiques sont passées de 20 % à 28 % du PIB en douze ans. « La masse salariale a été multipliée par deux, précise l’économiste. Le PIB et la pauvreté ont pratiquement stagné, ce qui veut dire que les dépenses n’ont pas été productives. » À plusieurs reprises, le Fonds monétaire international (FMI) a tiré la sonnette d’alarme. Néanmoins, « depuis deux ans, il semble que nous soyons revenus à une gestion plus orthodoxe », estime l’économiste. « La gestion des finances publiques s’est améliorée », a récemment tranché le FMI.

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