Sénégal : les déçus du Sopi s’organisent
En 2000, ils croyaient au changement en votant pour le président sénégalais Abdoulaye Wade. Depuis, l’espoir a laissé place à la colère.
En 2000, Alioune Thiaw avait 25 ans. Pour la première fois, cet étudiant sénégalais se rendait aux urnes. Pour voter Abdoulaye Wade évidemment, comme une bonne partie des électeurs de sa génération. « C’est grâce à lui que j’ai décidé de remplir mon devoir de citoyen, assure-t-il. Et tous mes amis aussi. Sous [Abdou] Diouf, nous n’avions pas d’avenir. Notre seul espoir, c’était le changement. » C’est à cette jeunesse désireuse d’en finir avec quarante ans de socialisme que l’opposant historique avait dû la victoire. Mais cette même jeunesse, légèrement défraîchie, pourrait lui coûter sa réélection cette année.
Car de ce premier vote, Alioune en parle avec nostalgie et colère. Aujourd’hui comptable dans une entreprise dakaroise, vivant au Point E, un quartier relativement aisé de Dakar, il se dit « plus que déçu » par les douze années du Sopi (« le changement », en wolof). « Le pays va mal, peste-t-il. Les étudiants ne trouvent pas de boulot, les prix ne cessent d’augmenter, on ne compte plus les coupures d’électricité, et les embouteillages nous pourrissent la vie. Il est où, le développement ? »
"Génération y’en a marre"
Un peu plus d’un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle du 26 février, Alioune ne sait pas encore vers qui ira son choix. Mais il votera pour que Wade « dégage ». Un temps, il a pensé s’abstenir, comme en 2007. Puis il a été convaincu par le discours du mouvement Y’en a marre, qui défend une nouvelle citoyenneté et a prôné l’inscription sur les listes électorales.
Comme lui, les leaders de Y’en a marre ont la trentaine révolue. Comme lui, ils ont voté Wade en 2000. « Nous faisons partie de cette génération qui a découvert la politique avec Wade. La première fois que j’ai voté, c’était en 2000, explique le rappeur Thiat. Douze ans après, on a l’impression de revivre la même chose. Au lieu de créer un nouveau système politique, Wade n’a fait que reproduire celui mis en place par les socialistes. » Thiat et les autres animateurs de Y’en a marre sont devenus les porte-parole des jeunes désoeuvrés.
Certains, ceux qui ont bénéficié des programmes gouvernementaux, ne tarissent pas d’éloges sur le président sortant. C’est le cas de Khady Sène, 42 ans, qui a profité d’un prêt de l’Ofejban (Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue) pour ouvrir un atelier de couture à Pikine, situé à une heure de route du Plateau, le centre de la capitale. « Je lui dois beaucoup, je ne regrette pas mon vote en 2000. C’est le meilleur », dit-elle. Mais ils sont rares dans ce cas. Plus nombreux sont ceux qui, comme Moustapha Da Silva, 35 ans, regrettent un peu plus chaque jour d’avoir cru en Wade. « C’était mon premier vote. Quand il a gagné, j’étais tellement heureux… Je pensais que tout allait changer », raconte cet ancien militaire qui croupit au chômage depuis plusieurs années, dans sa lointaine banlieue de Guédiawaye. S’il n’attend pas grand-chose des autres candidats, Moustapha sait qu’il ne votera pas pour Wade : « Je me suis déjà fait avoir une fois. »
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