Iran : Ali Khamenei, l’ayatollah au long cours
Le Guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei, menace de fermer le détroit d’Ormuz, par lequel transite plus du tiers du pétrole transporté par voie maritime dans le monde. Une manoeuvre à visée interne alors que le pouvoir paraît divisé, et que la contestation pourrait reprendre à l’occasion des législatives prévues en mars ?
Guide suprême de la République islamique d’Iran depuis vingt-trois ans, l’ayatollah Ali Khamenei, 72 ans, n’a pas dirigé la grande prière du vendredi précédant les obsèques de Mostafa Ahmadi Roshan, scientifique iranien mort le 11 janvier à Téhéran dans une attaque à la bombe magnétique contre la voiture qu’il conduisait. Cela ne l’a pas empêché d’accuser la CIA et le Mossad d’être derrière le quatrième assassinat ciblé, depuis janvier 2010, d’universitaires impliqués dans le programme nucléaire iranien, principale source de préoccupation des puissances occidentales.
Une semaine auparavant, l’ayatollah Khamenei avait menacé de fermer le détroit d’Ormuz, par lequel transitent 35 % du pétrole transporté par voie maritime dans le monde, si l’Union européenne (UE) mettait en oeuvre son projet d’embargo sur l’or noir iranien. Une décision prise par l’Europe après l’annonce de la mise en route du site industriel de Fordow (à 150 km au sud-ouest de Téhéran) pour enrichir de l’uranium à 20 %. Washington, Paris, Londres et Bruxelles prennent très au sérieux la menace : l’éventualité de la fermeture de ce détroit ferait s’envoler les cours du pétrole à quelque 200 dollars le baril. Une très mauvaise nouvelle en cette période de crise financière.
Panique
Autre mauvaise nouvelle, les Pasdaran, gardiens de la révolution, s’y préparent en testant de nouveaux missiles sol-mer et air-mer de fabrication locale. Les États-Unis ont aussitôt pris une mesure préventive en dépêchant un porte-avions de la Ve flotte non loin du détroit d’Ormuz. Moscou n’a pas manqué de réagir à travers le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev, qui a fait part d’un sérieux risque d’escalade militaire. Pourquoi une telle panique ? Ce n’est pas le président Mahmoud Ahmadinejad, connu pour ses provocations, qui a proféré cette menace, mais Ali Khamenei, l’homme le plus puissant de la République islamique, concentrant des pouvoirs religieux et politiques exorbitants, dont celui de chef suprême des forces armées. Artisan de la diplomatie iranienne, il dirige indirectement les principales institutions du pays, de la justice à l’éducation en passant par les services de renseignements, à travers un réseau de fidèles partageant son hostilité à l’Occident et un clergé acquis à ses convictions. Lui seul pourrait ordonner le blocage du détroit d’Ormuz, ce qui déclencherait un conflit armé aux conséquences imprévisibles pour la région, voire au-delà. Convaincu de la « couardise » du Grand Satan américain, l’ayatollah Ali Khamenei ne craint pas une confrontation militaire.
La persistance des bruits de bottes dans le golfe Persique ne semble pas en tout cas avoir détourné le Guide suprême de la cuisine interne : les législatives de mars 2012. Premier scrutin depuis la présidentielle controversée de 2009, Ali Khamenei redoute un retour de la contestation dans la rue à l’occasion de ces élections. Car même à Téhéran, le Printemps arabe a bouleversé la donne. Autre source d’inquiétude : les ambitions démesurées du président Mahmoud Ahmadinejad, qui manoeuvre en coulisses pour dépouiller le clergé de ses larges prérogatives. Coup de sang de Khamenei, qui réplique que l’institution présidentielle est devenue superflue, donc inutile pour la conduite de la révolution. Ces propos, tenus en octobre 2011, au plus fort des tensions entre Ahmadinejad et l’élite cléricale, ont montré que le Guide suprême a choisi son camp, celui des ayatollahs, au détriment de celui qui avait été, jusque-là, son protégé.
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