Innover pour contrer l’échec scolaire en Afrique
Sur le continent, l’atteinte des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 passe par une amélioration rapide de la qualité de l’enseignement de base. ONG, pouvoirs publics et chercheurs doivent développer ensemble des solutions adaptées, à la hauteur des enjeux. Langues locales, pédagogie différenciée, rattrapage scolaire sont autant d’outils à tester d’urgence.
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Cassandre Pignon
Directrice exécutive régionale Afrique de l’Ouest et Afrique du Nord, IDinsight
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et Mamadou Amadou Ly
Directeur Exécutif, Associates in Research & Education for Development (ARED)
Publié le 5 avril 2023 Lecture : 4 minutes.
D’ici à 2030, toutes les filles et tous les garçons devront suivre, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité, qui débouche sur un apprentissage véritablement utile et pertinent. Tel est l’objectif numéro 4 du programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté, en septembre 2015, par les 193 États membres de l’ONU. Si cet ODD 4 est si important, c’est parce que l’instruction de base est la fondation sur laquelle reposent tous les autres piliers du développement économique et social : santé, innovation, ou encore égalité des genres.
Se mobiliser
Nous sommes aujourd’hui loin du compte. Au Sénégal, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) estime que 20 % des enfants et des jeunes scolarisés âgés de 6 ans à 16 ans sont exposés à un risque de décrochage scolaire. Un fléau qui touche autant les filles que les garçons, autant les ruraux que les urbains. La plupart souffrent de retards criants dès l’enseignement de base. Dans l’ensemble, seuls 40 % d’une classe d’âge finit le cycle collège. Selon les résultats du Pisa 2017, moins de 10 % des élèves de 15 ans atteignent les niveaux de compétence minimum en lecture, en mathématiques et en sciences : autant de jeunes qui, devenus adultes, ne pourront pas contribuer au développement économique de leur pays à la hauteur de leur potentiel. D’où l’urgence pour l’ensemble des acteurs – pouvoirs publics, chercheurs, organisations non gouvernementales et partenaires du développement – de se mobiliser.
Réponse locale au phénomène du décrochage, le programme sénégalais de remédiation accéléré Ndaw Wune est bon marché
Nos voisins anglophones du Kenya, du Ghana et du Libéria utilisent déjà un éventail de techniques et de méthodes éprouvées, dont les effets sont largement documentés par les chercheurs en économie du développement. Parmi ces techniques, la pédagogie différenciée ou Teaching at the Right Level (TARL), popularisée par l’ONG indienne Pratham et adaptée depuis partout dans le monde.
Le rattrapage scolaire ou tutorat, lorsqu’il est institutionnalisé, est un autre de ces outils qui ont également fait leurs preuves. Et dans les régions où la langue utilisée dans l’environnement social n’est pas la même que celle en milieu scolaire, l’utilisation de manuels bilingues dans les premières années d’enseignement permet de limiter le décrochage scolaire, notamment chez les enfants issus des milieux populaires. Ces outils existent, leur incidence est documentée par les chercheurs, et leur coût est suffisamment bas pour rendre possible une utilisation à l’échelle d’un territoire national, même dans nos pays aux budgets contraints.
Les parents en redemandent
L’un des exemples les plus aboutis en Afrique de l’Ouest francophone, c’est le programme de remédiation accéléré Ndaw Wune (Success for all/Réussite pour tous) mis en œuvre au Sénégal par l’ONG ARED (Associates in Research & Education for Development), qui totalise plus de trente ans d’expérience dans le développement de matériels didactiques et pédagogiques en langues nationales et dans la formation d’enseignants bilingues craie en main. Réponse locale au phénomène du décrochage, le programme Ndaw Wune, déjà mis en place dans quatre régions du pays, est bon marché.
Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 4 000 enfants qui en bénéficient. Les parents demandent des classes supplémentaires, et les directeurs d’école voudraient y inscrire plus d’élèves. Pourtant, il n’y a pas d’électronique, pas de gadgets coûteux, pas d’innovation radicale. Le secret, c’est une combinaison de solutions qui fonctionnent : classes à effectifs réduits, groupes d’apprentissage par niveau, enseignement en langues locales, focalisation exclusive sur la lecture et les mathématiques, et coordination entre l’ensemble des acteurs de l’éducation : communautés locales, association et représentants du ministère de l’Éducation nationale. L’autre botte secrète : un partenariat avec les chercheurs, qui permet d’améliorer en continu le programme et son suivi.
La situation de l’éducation au Sénégal n’est pas unique, elle fait écho aux problèmes qui se posent dans l’ensemble de la sous-région. Et la solution est la même partout : il nous faut travailler ensemble – pouvoirs publics, ONG et société civile, chercheurs – pour adapter ces solutions existantes et les mettre à l’échelle, au sein des institutions publiques ou avec leur soutien, en collaboration avec les acteurs de la recherche, pour consolider sur les efforts actuels, que ce soit le programme Lecture pour tous (LPT), de l’USAID et du ministère de l’Éducation au Sénégal, ou à travers le travail de la fondation Sanady et de l’ONG Pratham au Maroc. Pour atteindre l’ODD 4, il nous reste moins de sept ans.
[1] Ndaw Wune est une dénomination hybride qui tient du pulaar (« Que de succès ! ») et du wolof (« Que tout enfant [réussisse ! »]) pour rendre, en une seule expression l’idée de « succès pour tous [les enfants] ».
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