Abidjan accueille trois expositions majeures à la Rotonde des art, au MuCAT et à la Fondation Donwahi
Jeune Afrique a sélectionné pour vous trois expositions créatives à ne pas manquer durant ce mois d’avril à Abidjan.
1. Les villes africaines à l’honneur à la Rotonde des arts
L’exposition L’art dans la cité met en avant le travail de 22 artistes sur les villes africaines, à la Rotonde des arts, au Plateau. C’est dans ce lieu phare de la culture abidjanaise que la Fondation Dapper a mis en place sa première exposition en Côte d’Ivoire. La salle à l’étage, qui abritait la collection permanente de la galerie, a été spécialement aménagée pour accueillir une exposition qu’il est possible de visiter gratuitement.
Le parcours permet de découvrir le regard des artistes sur les questions liées à l’urbanisation, aux changements climatiques et à la résilience. Il mêle peintures, photographies, installations, performances vidéo, ou encore sculptures. Dans son installation, où elle recouvre entièrement une pièce et ses meubles de sacs Tati de couleur bleu, rouge, gris et blanc, la Sud-Africaine Nobukho Nqaba invite à réfléchir sur l’émigration et l’exode rural des populations à la recherche d’une vie meilleure. Ces sacs sont utilisés pour transporter le strict nécessaire. C’est également ce minimum essentiel qui est montré dans la pièce : un lit, une étagère contenant un peu de vaisselle, une bible. Nobukho Nqaba évoque les espoirs parfois déçus de ces migrants et leurs efforts pour se faire une place dans un nouvel environnement, tout en conservant des éléments de leur identité.
Près de cette œuvre, le regard du visiteur est attiré par les couleurs vives d’une photographie de la Malienne Fatim Diarra. La femme sur yougouyougou semble de prime abord légère comme une image. Une femme pose sur une pile de friperie très colorée. L’artiste interroge la surconsommation et la pollution par l’industrie de la mode, qui déverse chaque année des tonnes de vêtements de seconde main sur le continent, et plus précisément sur sa ville, Bamako. D’autres artistes plasticiens, comme les Ivoiriens Aristide Kouamé et Mounou Désiré Koffi ou le Béninois Prince Toffa, créent à partir d’objets recyclés – vieux claviers d’ordinateur, téléphones portables hors d’usage, canettes, déchets plastiques – qui mettent en avant les questions environnementales et l’économie circulaire. Passé par les Beaux-Arts d’Abidjan, et formé notamment par Pascal Konan, Aristide Kouamé collecte sur les plages les tongs en plastique rejetées par l’océan, les trie, les assemble, puis y grave des portraits.
L’un des aspects frappants de cette exposition est le sentiment de résilience qui s’en dégage. La série du photojournaliste John Wessels, réalisée lors des inondations de 2022 à Dakar, en est un exemple. Elle montre notamment des scènes de vie quotidienne et l’adaptation malgré l’adversité. « Je ne voulais pas donner uniquement une image des difficultés, mais transmettre aussi l’optimisme, explique la commissaire de l’exposition Aude Leveau Mac Elhone. C’est un exemple pour tous, dans le monde entier, qui nous invite à trouver des solutions et à continuer d’avancer. »
Plusieurs galeries ont également prêté des œuvres, notamment la galerie Cécile Fakhoury, à Abidjan et la galerie Number 8, à Bruxelles. Pour Aude Leveau Mac Elhone, la thématique de l’exposition permet d’attirer un public éclectique, composé autant de professionnels du monde de l’art que de personnes qui ne fréquentent pas habituellement ces lieux, attirés parfois par la notoriété de certains artistes sur les réseaux sociaux.
L’art dans la cité, Rotonde des Arts, Plaza Nour Al Hayat, Plateau, jusqu’au 22 avril.
2. Peter McCarthy au MuCAT
Du 1er au 23 avril, le Musée des cultures contemporaines Adama Tounkara (MuCAT), situé dans le quartier populaire d’Abobo, accueille l’exposition Autrement de l’artiste australien Peter T. McCarty. Sa création débute en 2020, lorsqu’il reçoit un don de fermetures Éclair d’une ONG dans le cadre d’un programme de formation à des activités génératrices de revenus. « J’ai été frappé par leurs couleurs vives et par l’ironie qu’elles représentaient : les fermetures à glissière ne sont de couleurs vives que pour se fondre dans d’autres tissus et disparaître. Elles sont censées être des serviteurs invisibles qui maintiennent l’objet ou le vêtement ensemble. Je n’ai pas pu résister à l’envie de jouer avec cette dualité », détaille l’artiste.
Alors que la Côte d’Ivoire, où il réside après avoir vécu quelques années au Burkina Faso, traverse une crise lors de l’élection présidentielle de 2020, Peter T. McCarthy voit en ces fermetures la métaphore du pouvoir. Il les assemble pour créer un Kita, un pagne royal dans la culture Akan, à travers lequel il exhorte les dirigeants à l’humilité. Il créera par la suite toute une collection associée au pouvoir, notamment à l’histoire de la princesse Yennenga, à celle des pharaons d’Égypte, qui questionne la masculinité. Sa pièce Anthem au nouvel ordre mondial est un N’Zassa (assemblage) de sa version de différents pagnes traditionnels de la sous-région. « Chaque pièce apporte une contribution, rendant l’ensemble plus riche de sa présence », explique-t-il. L’artiste réinvente les étoffes traditionnelles, les objets du quotidien, et interroge notre rapport à la religion à travers ses collections. Une exposition colorée et créative.
Ses œuvres ont plusieurs fois représenté la Côte d’Ivoire lors d’événements internationaux, comme, en 2022, au Contextile, une biennale internationale de l’art textile contemporain organisée au Portugal, et ont été sélectionnées pour le Loewe Craft Prize, dont l’exposition a eu lieu en Corée du Sud la même année.
Autrement de Peter T. McCarty, au Musées des cultures contemporaines Adama Tounkara (MuCAT), rond-point de la Mairie, Abobo, jusqu’au 23 avril.
3. Antoni Clavé à la Fondation Donwahi
Après avoir été exposées à la biennale de Venise en 2022, une vingtaine d’œuvres de l’artiste espagnol font leur arrivée à la Fondation Donwahi, à Abidjan. Peintre, sculpteur, graveur, les créations de l’artiste espagnol, Antoni Clavé, né en 1913, sont parfois difficiles à classer. Ses expériences dans divers domaines tels que le textile, la peinture de bâtiment, l’illustration et la conception d’affiches de cinéma nourrissent son art. Il en résulte, comme pour certains tableaux de l’exposition, des trompe-l’œil dans lesquels il mêle collage et peinture.
Le thème du guerrier se retrouve dès 1958 dans les réalisations de ce contemporain et ami de Pablo Picasso. Certaines interrogent les liens entre les statuettes et entre les masques africains et leur influence sur l’art moderne européen. Souvenir d’un masque africain est la réinterprétation par l’artiste d’un masque dogon avec des assemblages de matériaux divers.
L’exposition tente également de faire le parallèle entre la guerre d’Espagne, qui a marqué l’artiste et l’a poussé à quitter son pays pour la France, et les crises politiques que la Côte d’Ivoire a traversées. Le vernissage de l’exposition s’est tenu le 22 mars en présence de la ministre de la Culture et de la Francophonie, Françoise Remarck, qui s’est réjouie que la Côte d’Ivoire accueille une telle exposition. Le petit-fils de l’artiste, Emmanuel Clavé, était également présent.
Antoni Clavé, l’esprit du guerrier, à la Fondation Donwahi, jusqu’au 27 mai.
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