À L’Ortolan, la gastronomie française sauce dakaroise
Depuis son ouverture, en 2008, le « French bistrot » de Johan Gaudel met à l’honneur des plats traditionnels de France. Tout en les faisant voisiner avec la gastronomie locale.
De l’Alsace, l’une des régions de France où il avait fait ses classes après l’école hôtelière, Johan Gaudel a conservé un grand classique : ce mardi d’avril, en plein ramadan, l’un des clients de L’Ortolan a opté pour une copieuse assiette de choucroute. Chaque jour de la semaine, sur l’ardoise du « French bistrot », voisinent, à l’heure du déjeuner, un plat traditionnel sénégalais et une recette venue de l’Hexagone.
C’est en 2008, quelques années après avoir pris ses quartiers au Pays de la teranga et y avoir fondé une famille, que le Français de 47 ans ouvre son propre restaurant en plein cœur de la capitale sénégalaise, après avoir lui-même officié en cuisine dans plusieurs établissements dakarois. Le nom pourra sembler douteux à certains, celui de ce petit oiseau migrateur qui passe l’hiver en Afrique, mais qui, en France, est devenu une espèce protégée – et largement braconnée. En décembre 2022, Gaudel a lancé par ailleurs à Saly Niakh Niakhal, une ville balnéaire de la Petite-Côte, un nouvel établissement baptisé O’ petits oignons.
À Dakar, c’est dans une ruelle discrète du Point E, un quartier résidentiel où les immeubles de bureau ont essaimé depuis plus d’une décennie, que L’Ortolan a prospéré. « Notre clientèle vient essentiellement par le bouche-à-oreille, ou nous découvre via Facebook ou Instagram », précise Johan Gaudel. Devant la maison aux murs jaune pâle, nulle enseigne tape à l’œil pour signaler l’endroit.
Tieboudienne et fondue
Le profil des habitués est métissé, comprenant à part équivalentes, selon le maître des lieux, clients sénégalais, expatriés venus d’Europe ou d’Amérique du Nord et Africains de toutes origines. Aussi, le porc et le vin y ont droit de cité, même si la raclette peut se décliner avec de la charcuterie halal.
Si quelques autres tables valorisant la gastronomie française existent à Dakar, il est rare, toutefois, de pouvoir déguster en un même lieu, au pays du tieboudiène, de la tête de veau, des rognons, de la fondue savoyarde ou des tripes à la mode de Caen. Autant de plats qui finissent par tenter certains clients sénégalais lorsqu’ils les voient servis à la table d’à côté. « Certains parmi eux ont séjourné longuement en France et restent attachés à diverses spécialités de terroir », explique Johan Gaudel.
Côté approvisionnement, différents produits nécessitent un acheminement par avion ou par bateau, tels la biche, les morilles, le saumon ou certains fromages comme le munster. Il en va de même pour les myrtilles ou les framboises, Johan Gaudel tenant à éviter d’avoir recours aux produits surgelés. Passionné par la pâtisserie durant ses années de formation, le restaurateur adapte aujourd’hui ses gâteaux à la latitude dakaroise, travaillant notamment le bissap, le gingembre ou les fruits de la passion.
Pour ce qui est du vin, des cavistes locaux sont en mesure de fournir les bouteilles issues des principaux vignobles français, même si la taxation élevée de l’alcool au Sénégal – les alcools importés sont taxés à 40 % – contribue à alourdir l’addition.
Le charme discret du Point E
Si la pandémie de Covid-19 et les trois mois de fermeture qui l’ont accompagnée, sans parler du recours accru au télétravail qui a durablement réduit les commandes venues des entreprises du quartier, ont eu un impact sur son chiffre d’affaires, L’Ortolan tient bon la rampe, servant une vingtaine de couverts au déjeuner et une quarantaine lors des bonnes soirées.
Au quartier bling-bling des Almadies, où les clients des restaurants à la mode « préfèrent les grosses assiettes, aiment être vus et n’ont que faire du montant de l’addition », Johan Gaudel continue donc de préférer le charme discret du Point E et l’alliance improbable de la choucroute et du yassa.
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