Procès en appel d’Ousmane Sonko : une audience prématurée ?

Le parquet général a fixé dans l’urgence la date de l’audience en appel de l’opposant sénégalais. Une décision qui suscite bien des interrogations, en particulier sur sa légalité.

Des partisans du chef de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, dans les rues de Dakar, le 14 mars 2023. © Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA

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Publié le 12 avril 2023 Lecture : 3 minutes.

Ce 12 avril, l’information s’affiche à la une des principaux quotidiens sénégalais : la date du procès en appel d’Ousmane Sonko face au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, qui l’avait fait condamner le 30 mars pour diffamation publique, est fixée au 17 avril prochain.

Une célérité qui a de quoi surprendre quand on sait que la plainte initiale de ce dernier faisait suite à une déclaration publique d’Ousmane Sonko lors d’un point de presse qui s’était tenu le 22 novembre 2022.

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Entretemps, et depuis la citation à prévenu adressée au président des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) par le procureur de la République, le 10 janvier 2023, l’audience a été renvoyée à trois reprises à la demande de la défense – les 2 et 16 février, puis le 16 mars – avant de se tenir finalement le 30 mars, en l’absence d’Ousmane Sonko, dont les avocats n’ont, de ce fait, pas été en mesure de prendre la parole malgré le certificat médical qu’ils invoquaient pour tenter de justifier l’absence de leur client.

Au terme de cette audience tant attendue, la première chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar avait condamné Ousmane Sonko à une peine de deux mois de prison avec sursis, ainsi qu’à verser à Mame Mbaye Niang 200 millions de F CFA (près de 305 000 euros) au titre des dommages et intérêts.

Insatisfaits

Depuis lors, le parquet et le ministre ont interjeté appel, manifestement insatisfaits que la peine de prison infligée à Ousmane Sonko n’ait pas été plus sévère. L’intéressé, lui, disposait en principe d’un mois pour déposer un recours ou y renoncer. Soit jusqu’au 30 avril, au vu des dispositions du code de procédure pénale. Dans ces conditions, pourquoi une date d’audience devant la cour d’appel a-t-elle été fixée au 17 avril, soit bien avant l’expiration du délai dont dispose théoriquement Ousmane Sonko pour prendre sa décision ?

« Comment peut-on fixer une date d’audience mi-avril alors que notre client a jusqu’à la fin du mois pour faire appel ? s’exclame l’un des avocats de l’opposant, Me Saïd Larifou. Non seulement on l’a privé du procès en première instance mais on veut le priver cette fois du droit à interjeter appel ou non. Cela constituerait une provocation grave, qui ferait sans doute réagir les instances régionales et internationales défendant les droits humains et ceux de la défense. »

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Selon nos informations, une telle citation a pourtant bien été rédigée, le 11 avril, par le procureur général près la cour d’appel de Dakar. Sollicités par Jeune Afrique, ni Me El Hadji Diouf ni Me Baboucar Cissé, deux conseils de Mame Mbaye Niang, n’ont donné suite.

Bataille procédurale

Le 17 avril, le feuilleton judiciaire risque donc d’accoucher d’une bataille procédurale acharnée face à cette anomalie dont les avocats d’Ousmane Sonko s’efforceront probablement de démontrer l’illégalité.

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Sans compter qu’une autre bizarrerie juridique vient entacher la condamnation de l’opposant. Au vu des dispositions du code pénal relatives à la diffamation d’un membre du gouvernement, la peine d’emprisonnement encourue par le président des Pastef pour avoir été reconnu coupable de ce délit était de quatre mois. Or l’opposant a été condamné à seulement deux mois de prison avec sursis. « Donc le jugement s’avère illégal quant au quantum de peine », estime un pénaliste sénégalais expérimenté, selon qui « le procureur a eu raison de faire appel ».

Reste qu’en prétendant procéder à une nouvelle audience avant même le délai d’expiration accordé à Ousmane Sonko pour prendre sa décision, la justice s’expose à une polémique tout aussi vive que celle qui avait entouré, le 30 mars, le refus par le tribunal d’examiner le certificat médical brandi par les conseils du prévenu.

Surchargée d’enjeux politiques, la banale affaire de diffamation pourrait donc relancer, au cours des prochains jours, la joute politico-judiciaire qui tient depuis plus de deux mois le Sénégal en haleine.

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