Michel Roussin : « Nous avons intérêt à être dégourdis »

Pour Michel Roussin, ancien ministre français de la Coopération et actuel Conseiller du président d’EDF, les relations d’affaires sont désormais « sans complexe ».

L’ex-président du comité Afrique de Medef International, 74 ans, souligne la nécessité d’améliorer le climat des affaires. © Vincent Fournier/JA

L’ex-président du comité Afrique de Medef International, 74 ans, souligne la nécessité d’améliorer le climat des affaires. © Vincent Fournier/JA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 18 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Jeune afrique : Comment les entreprises françaises abordent-elles le marché africain ?

Michel Roussin : Elles savent qu’il n’y a plus de marché captif, que ce n’est pas parce qu’elles sont françaises qu’elles obtiendront un marché. J’ai accompagné en Côte d’Ivoire 78 de nos chefs d’entreprise intéressés par la reconstruction du pays menée par le président Alassane Ouattara, dont les anciennes responsabilités au FMI [Fonds monétaire international] disent son attachement au développement du secteur privé. Lorsque nous avons pris l’avion de retour, un grand calicot déployé dans l’aérogare souhaitait la bienvenue à 43 patrons… turcs. Nous avons intérêt à être dégourdis !

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On ne pratique plus la langue de bois et on a cessé de parler des « amis de toujours ».

Qu’en est-il de la concurrence chinoise ?

Fini le temps où les termes du marché étaient : « Je te construis un stade et je m’approprie tes phosphates » ou bien « Je t’offre une université et tu me laisses profiter de ton pétrole ». Certes, la concurrence avec les entreprises chinoises est encore faussée, parce que celles-ci bénéficient des facilités de crédit de la China Exim Bank. Mais les choses changent. Au plus haut niveau des États, on sait que les routes construites par les Chinois présentent des fragilités, et on veut qu’Eiffage, Vinci ou Colas soumissionnent aux appels d’offres et apportent leur savoir-faire. Le moins-disant ne marche plus, et la Banque mondiale prône aujourd’hui le mieux-disant. Les Africains veulent, eux aussi, de la qualité. Rappelons tout de même que nous, Français, avons mis fin aux vieilles pratiques de corruption, alors que les Chinois continuent de distribuer de l’argent via leurs ambassades.

Quels sont les obstacles à l’implantation des firmes françaises ?

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Le climat des affaires reste problématique. Mais nos entreprises ne se gênent plus pour demander aux autorités d’un pays pourquoi elles ont subi cinq contrôles fiscaux d’affilée, par exemple. Les relations entre acteurs économiques français et africains sont devenues sans complexe. On ne pratique plus la langue de bois et on a cessé de parler des « amis de toujours ». Le classement des pays où il fait bon investir, présenté chaque année par le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, est pris en compte par les États, qui font des efforts incontestables pour simplifier la vie des investisseurs, notamment en créant des guichets administratifs uniques à leur intention. Depuis 1996, j’ai dû accompagner un bon millier d’entreprises en Afrique, et je constate une évolution positive.

Quels conseils donneriez-vous aux PME désireuses de s’implanter au sud du Sahara ?

De ne pas y aller seules, car elles risquent de tomber sur des partenaires peu recommandables. Pour leur éviter ces mésaventures, le Medef International organise des missions en Afrique en fonction des souhaits formulés par les chefs d’entreprise, qu’ils veuillent ouvrir un pressing ou un restaurant. Avec le concours des services publics locaux ou français, il prépare des rencontres avec les ministres compétents et les chefs d’entreprise du cru. Les relations sont plus fluides et plus rationnelles avec les autorités africaines, parce qu’elles sont maintenant fondées sur les intérêts réciproques. Quant à nos ambassades, on y trouve des gens conscients de l’importance de l’économie et qui ne sont plus allergiques ni à l’entreprise privée ni au profit.

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