« La Zlecaf peut transformer l’Afrique en une puissance économique mondiale »

Secrétaire d’État à l’Économie de la Suisse depuis août 2022, Hélène Budliger Artieda évoque les grands dossiers africains qui l’attendent ces prochains mois et affiche son ambition de raffermir encore les relations entre Berne et le continent.

Hélène Budliger Artieda a succédé à Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch à la tête du Seco. © Merlin Photography

OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 9 mai 2023 Lecture : 5 minutes.

Issu du dossier

Entre la Suisse et l’Afrique, les premiers fruits de la coopération

La Confédération helvétique se rapproche de plus en plus du continent. Portés par les minerais, les échanges commerciaux s’intensifient et l’intérêt du secteur privé suisse se développe.

Sommaire

Relations commerciales avec l’Afrique, résilience de l’économie helvète, intérêts pour les entreprises privées suisses de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf)… Depuis son arrivée, le 1er août 2022, à la tête du secrétariat d’État à l’Économie (Seco) suisse, c’est elle qui gère les questions de politique économique au niveau confédéral, succédant ainsi à Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, restée plus de onze années en fonction.

Après avoir fait une grande partie de sa carrière au sein du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), où elle fut notamment à la tête de la Direction des ressources et du réseau extérieur à Berne, Budliger Artieda (58 ans) a été ambassadrice en Afrique du Sud entre 2015 et 2019, avant d’occuper le même poste en Thaïlande, jusqu’à l’an passé. Jeune Afrique l’a rencontrée pour l’interroger sur sa feuille de route à court et à moyen terme.

la suite après cette publicité

Jeune Afrique : Quelles sont vos ambitions à la direction du Seco‏ ?

Hélène Budliger Artieda : Celles d’en faire une organisation proche des entreprises et des citoyens. Je m’engage à prendre les meilleures dispositions cadres possibles pour les entreprises suisses présentes sur le marché domestique comme sur le marché international, ainsi qu’à améliorer les conditions d’investissements dans notre pays. Notre travail s’inscrit dans la durée, la durabilité devant être une évidence pour toutes les activités économiques.

Je veux ensuite contribuer aux efforts de la Suisse pour stabiliser sa relation avec l’Union européenne (UE) dans l’avenir. Sans oublier l’actuelle guerre en Ukraine, à laquelle je m’intéresserai particulièrement quant à la mise en œuvre effective des aides accordées par la Suisse et, à plus long terme, aux efforts de reconstruction du pays.

Et concernant l’Afrique, avez-vous reçu une feuille de route particulière ?

la suite après cette publicité

Notre politique économique extérieure fixe le cap stratégique à tenir, à moyen terme et à long terme, pour maintenir et même raffermir la prospérité du pays. Grâce à sa politique d’ouverture, la Suisse est parvenue à intégrer l’économie mondiale et à tirer le meilleur parti des chaînes de valeurs internationales.

La Zlecaf a le potentiel de transformer l’Afrique en une puissance économique mondiale

L’Afrique s’inscrit dans cette logique de résilience de l’économie suisse, en contribuant à la diversification géographique de ses fournisseurs et de ses acheteurs. Nous nous engageons également, à travers notre coopération, à soutenir une intégration efficace des pays émergents et des pays en développement dans l’économie de marché mondiale, en particulier les États africains.

la suite après cette publicité

Quel est l’état des relations économiques de la Suisse avec le continent aujourd’hui ?

Nos relations bilatérales n’ont cessé de se renforcer ces derniers temps. La Suisse reste un investisseur significatif en Afrique, le pays se classant chaque année parmi le top 15 mondial. Nos entreprises démontrent dans le même temps un intérêt croissant pour s’établir sur le continent, au-delà des grands marchés historiques que sont l’Afrique du Sud ou le Nigeria.

Le continent abrite aussi une population jeune et en forte croissance, qui constitue un « dividende démographique » susceptible de faire de l’Afrique l’un des marchés les plus dynamiques du monde. Le potentiel existe donc pour passer d’une simple tendance haussière mais modeste de nos échanges commerciaux à une croissance importante et bénéfique pour toutes les parties impliquées.

Dans ce contexte, que peut attendre la Suisse de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) ?

Elle a le potentiel de transformer le continent en une puissance économique mondiale. Il est évident que sa mise en œuvre aura un impact positif sur la manière dont les entreprises suisses commerceront et investiront sur et avec le continent africain, en réduisant les coûts de conformité et les formalités administratives pour nos exportateurs et investisseurs. Nous suivons donc cette mise en œuvre avec une très grande attention.

Quels sont les principaux domaines d’intervention du Seco sur le continent ?

D’abord, nous tenons compte de la diversité pour considérer les différents marchés de manière différenciée. Ensuite, nous travaillons selon des critères pertinents et propices à la conduite des affaires, comme la stabilité politique, la taille du marché et les infrastructures existantes, la prévisibilité juridique.

Pour sécuriser nos entreprises et renforcer notre économie, en diversifiant ses partenaires commerciaux comme le préconise la stratégie suisse sur la politique économique extérieure, le Seco renforce donc les cadres bilatéraux de protection des investissements ou les conventions contre la double imposition. Les missions économiques que nous menons à travers le continent sont également un outil central dans le développement de nos relations économiques.

Comment qualifiez-vous vos relations avec le secteur privé suisse ?

Pour une meilleure défense des intérêts suisses en Afrique, il est primordial de coordonner nos actions avec notre place économique. Nous entretenons donc une relation régulière et surtout constructive avec les entreprises suisses, en direct ou à travers leurs organisations faîtières comme [l’organisation patronale] ÉconomieSuisse ou les différentes chambres de commerce en Suisse et à l’étranger. La Switzerland Global Enterprise, qui dispose du mandat de la Confédération pour soutenir les PME, représente également un partenaire clé de nos activités sur le continent.

Le Seco a-t-il tissé des partenariats avec certaines grandes institutions financières régionales, comme la Banque africaine de développement (BAD) ?

La Suisse est actionnaire de la BAD depuis 1982 et contribue au Fonds africain de développement (FAD) depuis sa création, dix ans plus tôt. Nous appuyons ses actions dans les domaines des infrastructures, de la promotion et du développement du secteur privé, ainsi qu’en matière de transition énergétique. La Confédération a dernièrement annoncé sa volonté de contribuer au nouveau guichet Climat, destiné à soutenir les pays africains dans la lutte contre le changement climatique.

L’Afrique privilégie une diplomatie économique active

Comptez-vous vous rendre prochainement sur le terrain ?

L’une de mes premières actions en direction de l’Afrique a été de mener, en mars, une mission économique en Tanzanie et au Kenya, accompagnée d’une délégation importante de nos entreprises. Pour cette année, je prévois également de me rendre en Égypte, ainsi qu’à l’Intra-African Trade Fair (IATF), dont la troisième édition se déroulera en Côte d’Ivoire.

Je reste personnellement convaincue que l’Afrique privilégie une diplomatie économique active et que les contacts personnels peuvent donner une impulsion significative en vue de relations économiques durables et prospères.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Dans le même dossier