L’AS Ghardimaou, ce club de foot tunisien qui a vu tous ses joueurs fuir vers l’Europe

Le club tunisien de l’AS Ghardimaou n’a plus d’équipe senior. Tous ses joueurs ont quitté le pays, illégalement ou pas, pour rejoindre l’Europe et notamment, la France.

Au total, 32 joueurs de l’AS Ghardimaou ont fui depuis 3 ans, explique Jamel Meftahi, le président du club tunisien. © Facebook AS Ghardimaou

Alexis Billebault

Publié le 17 avril 2023 Lecture : 3 minutes.

C’est fini. L’Association Sportive de Ghardimaou a liquidé son équipe de football senior, faute de joueurs. Aucun désaccord entre les dirigeants ou les licenciés, pas de problèmes financiers insolubles ou d’épidémie quelconque, mais tout simplement plus de joueurs seniors à aligner face à ses adversaires de la Division 4. « Depuis la fin décembre, ils sont quatorze à avoir quitté le pays. Depuis trois ans, je crois qu’au total 32 joueurs ont fui. Il était impossible de continuer », explique Jamel Meftahi, le président de l’ASG, à Jeune Afrique.

Les joueurs ont quitté le pays clandestinement, le plus souvent par voie maritime. Certains ont rejoint la Serbie, un pays qui n’exige pas de visa pour les ressortissants tunisiens, avant de rejoindre, clandestinement cette fois, l’Italie ou le plus souvent la France, munis de leur licence sportive. «Ils ont souvent de la famille en France. Mais ils sont en situation irrégulière et ils savent qu’ils peuvent se faire arrêter par la police à n’importe quel moment pour être expulsés vers la Tunisie. Ils vivent une situation difficile », poursuit le dirigeant qui affirme être en contact régulier avec la plupart d’entre eux.

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Chômeurs ou étudiants

Les désormais anciens joueurs de l’AS Ghardimaou, qui n’ont pas renoncé à exercer leur passion dans un club amateur français à condition d’être régularisés un jour, cherchent surtout un moyen de subvenir à leurs besoins quotidiens. « Ils essaient de trouver des petits jobs, au noir, mais ils savent qu’ils peuvent être renvoyés en Tunisie à tout moment », intervient un proche du président.

« S’ils sont partis, c’est parce que leur vie en Tunisie devenait trop compliquée. Ici, ils étaient presque tous au chômage ou étudiants, ils avaient l’impression qu’il n’y avait pas d’avenir. À Ghardimaou, (une ville près de la frontière algérienne, dans une région dépendant largement de l’agriculture), il n’y a pas grand-chose. Le foot ne leur rapportait rien puisque le club est amateur. » Ces derniers mois, l’ASG devait faire les fonds de tiroir pour financer les déplacements afin de disputer les matches de championnat. « Il y a bien les aides de la mairie, du gouvernorat, de la fédération, mais elles tardent parfois à arriver. On a du mal à acheter des équipements, à financer les déplacements », reprend Jamel Meftahi quelque peu désabusé.

Le football professionnel également touché

Le dirigeant ne sait pas vraiment de quoi l’avenir sera fait pour son club. Les équipes de jeunes continuent à participer aux championnats de leur catégorie, mais il semble aujourd’hui exclu d’envisager une reprise des activités de l’équipe senior. « Ces joueurs, qui ont pour la plupart entre 17 et 23 ans, auraient sans doute préféré rester dans leur pays pour y vivre et travailler, mais la situation y est tellement difficile qu’ils ont fait le choix de partir, quitte à devenir des clandestins. Ce sont de bonnes personnes, ils connaissent des Tunisiens qui ont quitté le pays après la révolution de 2011, qui se sont installés en France, ont fondé une famille et trouvé un emploi après avoir été régularisés. Ils se disent que c’est peut-être possible pour eux aussi », résume ce proche du président Meftahi.

L’émigration clandestine ne concerne pas seulement les clubs amateurs comme l’AS Ghardimaou. Récemment, l’Avenir Sportif de Rejiche (Ligue 1) a annoncé le départ de son gardien Khalil Zaouli (19 ans) vers l’Italie. En août dernier, Mohamed Ali Chelbi, jeune gardien du but du prestigieux CS sfaxien, avait lui aussi choisi de rejoindre clandestinement l’Italie. Il s’était même photographié sur l’embarcation précaire qui l’emmenait en Europe…

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