Arrêter Poutine ? Le choix cornélien de l’Afrique du Sud
Le porte-parole du président sud-africain vient de reconnaître que l’organisation du prochain sommet des Brics est perturbée par le mandat d’arrêt émis, par la CPI, contre Vladimir Poutine.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 13 avril 2023 Lecture : 2 minutes.
L’équidistance a-t-elle ses limites ? Comme d’autres pays du continent, l’Afrique du Sud a tenté de ménager, depuis un an, la chèvre russe et le chou ukrainien, revendiquant une nouvelle forme de « non-alignement » et refusant, dès mars 2022, de voter la première résolution des Nations unies qui exigeait « que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine ». Cohérence sud-africaine ou contradiction ? Les semaines qui viennent semblent plutôt conduire le pays vers la seconde hypothèse, en voyant se confronter trois faits manifestement inconciliables…
Premier fait : le pays de Cyril Ramaphosa doit accueillir, à Durban en août, un sommet des Brics, le groupe de nations qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Deuxième fait : État signataire et ratificateur du Statut de Rome, le pays de Madiba est membre de la Cour pénale internationale (CPI), donc censé interpeller, à ce titre, toute personne qui viendrait à fouler son sol, si celle-ci fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par celle-ci. Troisième fait : le 17 mars dernier, la juridiction pénale internationale basée à la Haye émettait un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour le crime de guerre présumé de déportation d’enfants ukrainiens.
« Bâtons dans les roues »
Ce mercredi, le porte-parole du président sud-africain, Vincent Magwenya, indiquait que « tous les chefs d’État » concernés « devraient assister » au sommet des Brics. Et d’ajouter que le mandat d’arrêt contre le président russe mettait « des bâtons dans les roues » de son pays. Si Pretoria affirme respecter une position « neutre », favorable au dialogue entre la Russie et l’Ukraine, nombre d’observateurs décrivent une véritable proximité avec Moscou. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait d’ailleurs tenu à intégrer l’Afrique du Sud dans son périple africain de janvier.
Pretoria a déjà été confronté à pareil dilemme, lors du 25e sommet de l’Union africaine, en 2015, sommet auquel était convié le président soudanais de l’époque, Omar el-Béchir, alors sous le coup de deux mandats d’arrêt de la CPI, pour génocide et crimes contre l’humanité. El-Béchir était venu puis reparti, non sans quelques grincements de dents diplomatico-judiciaires.
Blâmée, l’Afrique du Sud avait rappelé le droit de se retirer de la CPI, au profit du renforcement des mécanismes africains de justice internationale. Pour détourner l’attention, les membres africains de la CPI, gênés aux entournures, avaient déporté le débat sur la présumée propension de la Cour de la Haye à cibler essentiellement des ressortissants de leur continent. Argument difficile à soutenir, quand l’homme recherché est russe.
Il reste à l’Afrique du Sud le raisonnement selon lequel un pays ne passe les menottes qu’aux chefs d’États qui ont adhéré à la CPI. Si la Russie a signé le Statut de Rome, Vladimir Poutine ne l’a pas ratifié…
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