La rivalité entre les généraux « Hemetti » et Burhane plonge le Soudan dans le chaos

D’importants combats ont éclaté samedi à Khartoum entre les paramilitaires du général Dagalo, qui affirment avoir pris le contrôle de l’aéroport international et du palais présidentiel, et l’armée régulière du général Fattah al-Burhane. Trois civils ont perdu la vie.

Lors du putsch du 25 octobre 2021 à Khartoum. © NICOLAS CORTES/ZEPPELIN/SIPA

Publié le 15 avril 2023 Lecture : 4 minutes.

Près d’un an et demi après le coup d’État militaire du 25 octobre 2021, le chaos règne à Khartoum. En cause : la rivalité entre le chef des paramilitaires, le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemetti », et son rival, le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée et dirigeant de facto du Soudan, qui a dégénéré samedi en combats de rue, raids aériens et menaces par médias interposés.

Les paramilitaires « ne s’arrêteront pas avant d’avoir pris le contrôle de l’ensemble des bases militaires », a menacé,  sur la chaîne al-Jazeera, leur commandant, « Hemetti ». Déployées dans Khartoum depuis samedi matin, ses Forces de soutien rapide (FSR) ont dit avoir pris l’aéroport international et le palais présidentiel. Elles appellent  désormais l’ensemble de la population, parmi laquelle les soldats, à se retourner contre l’armée.

la suite après cette publicité

Le général Abdel Fattah al-Burhane, lui, assure avoir été « surpris à neuf heures du matin » par une attaque sur son QG des FSR, son ancien meilleur allié que l’armée qualifie désormais de « milice soutenue par l’étranger » pour mener sa « trahison » et diffuser des « mensonges ».

Bataille pour le contrôle du siège des médias d’État

Des deux côtés, c’en est fini des négociations feutrées sous l’égide de diplomates et autres discussions policées, l’armée a mobilisé ses avions pour frapper des bases des FSR à Khartoum. Hemetti, lui, a couvert d’insultes son rival sur Al-Jazeera  : c’est un « criminel » qui a « détruit le pays », a-t-il lancé.

Cela faisait des jours que la rue bruissait de rumeurs au sujet d’une guérilla imminente entre les deux camps. La violence allait exploser. Samedi 15 avril, les 45 millions de Soudanais se sont brutalement réveillés en plein cœur du jeûne de Ramadan au son des tirs à l’arme lourde et des explosions quasi-ininterrompues, à Khartoum mais dans plusieurs autres villes également. Selon un premier bilan du syndicat officiel des médecins, trois civils ont été tués, dont deux à Khartoum et un à El-Obeid, dans le sud du pays.

Les deux camps s’affrontent désormais pour le contrôle du siège des médias d’État, selon des témoins, alors que le signal de la télévision semble avoir cessé. L’ONU, l’Union africaine, la Ligue arabe, Washington, tout comme Moscou, ont réclamé une cessation « immédiate » des hostilités.

la suite après cette publicité

La population cloîtrée

En quelques heures, les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport international de Khartoum, en plein cœur de la capitale, puis le palais présidentiel où siège habituellement le général Burhane, ainsi que le palais réservé aux hôtes de l’Etat, un aéroport du nord du pays et « d’autres bases dans différentes provinces ».

L’armée dément la prise de l’aéroport mais assure que les FSR s’y sont « infiltrées et ont incendié des avions civils, dont un de la Saudi Airlines » – un incident confirmé à Ryad. Elle assure en outre avoir toujours le contrôle du QG de son état-major. De leur côté, les FSR appellent la population à « se rallier à elles » et affirment aux militaires qu’elles ne « les visent pas eux, mais leur état-major, qui les utilise pour rester sur son trône, quitte à mettre la stabilité du pays en péril ».

la suite après cette publicité

Les habitants, eux, sont cloîtrés chez eux. « Comme tous les Soudanais, je reste à l’abri », a tweeté l’ambassadeur américain John Godfrey. « L’escalade des tensions entre militaires jusqu’à l’affrontement direct est extrêmement dangereuse. J’appelle les hauts commandants militaires à cesser immédiatement de se battre », a-t-il encore écrit.

Différend sur l’avenir des paramilitaires

L’armée accuse les FSR d’avoir déclenché les hostilités en attaquant des bases de l’armée « à Khartoum et ailleurs », a affirmé à l’AFP son porte-parole, le général Nabil Abdallah. Le général Burhane a ajouté dans un communiqué adressé à al-Jazeera q’il avait été surpris « par une attaque sur (son) QG à neuf heures du matin », sans préciser s’il s’y trouvait ou s’il avait été évacué.

Les FSR disent elles avoir été « surprises au matin par l’arrivée d’un important contingent de l’armée qui a assiégé leur camp de Soba », dans le sud de Khartoum, et les a « attaquées avec toutes sortes d’armes lourdes et légères ».

Lors du putsch d’octobre 2021, Hemetti et Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais, au fil du temps, Hemetti  – dont de nombreux hommes sont des ex-miliciens formés au combat dans la région du Darfour (ouest) – n’a cessé de dénoncer le coup d’État. Ce dernier s’est même récemment rangé du côté des civils – donc contre l’armée dans les négociations politiques – bloquant les discussions et donc toute solution de sortie de crise au Soudan.

Pour les experts, les deux commandants faisaient monter les enchères alors que les civils et la communauté internationale tentent de leur faire signer un accord politique censé relancer la transition démocratique.

Le différend entre les deux hommes forts porte sur l’avenir des paramilitaires: l’armée ne refuse pas leur intégration aux troupes régulières, mais veut imposer ses conditions d’admission et limiter dans le temps leur incorporation. Le général Dagalo, lui, veut une inclusion large et, surtout, sa place au sein de l’état-major.

Avec AFP

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Au Soudan, l’impossible opération séduction d’Hemetti

Au Soudan, les combats répondent aux appels au cessez-le-feu

Contenus partenaires