Les combats se poursuivent au Soudan, au moins 56 civils tués
Les militaires de Fattah al-Burhane et les paramilitaires de Mohamed Hamdane Daglo s’affrontent ce dimanche pour le deuxième jour consécutif à Khartoum, une lutte de pouvoir entre les deux généraux aux commandes du Soudan. La communauté internationale multiplie les appels au cessez-le-feu.
Depuis des semaines, ils s’opposaient politiquement. Mais ce samedi 15 avril au matin, les divisions entre le général Fattah al-Burhane, chef de l’armée, et le général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti », à la tête des Forces de soutien rapide (FSR) – des milliers d’ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs officiels des troupes régulières – ont dégénéré en violences. Fusils, artillerie, avions de combat, tout a été utilisé dans la capitale et plusieurs villes du Soudan.
La communauté internationale, qui a assisté impuissante au coup d’État d’octobre 2021 et n’est pas parvenue depuis à convaincre les généraux de signer un plan de sortie de crise, multiplie les appels au cessez-le-feu. La Ligue arabe s’est réunie en urgence ce dimanche à 10 heures GMT au Caire, à l’appel de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, deux acteurs influents au Soudan.
Combats à l’arme lourde
« La nuit a été très dure. On n’a pas dormi à cause des bruits d’explosion et de tirs », raconte Ahmed Seif, qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l’est de Khartoum. Pire encore, il redoute que son immeuble ait été touché, mais il dit avoir « peur de sortir vérifier ». Partout dans la capitale, des hommes en treillis, armes en main, quadrillent les rues vides de tout civil, alors que des colonnes de fumée s’élèvent depuis samedi du centre-ville, où se trouvent les principales institutions du pouvoir.
Dimanche, de nouveau, les bombardements résonnent dans les rues désertes de Khartoum, envahies par une forte odeur de poudre. Sur les réseaux sociaux, les médecins n’en finissent plus de réclamer de l’aide, des couloirs sécurisés pour les ambulances et un cessez-le-feu pour soigner les victimes. Selon des médecins prodémocratie, 56 civils ont été tués, pour plus de la moitié à Khartoum et dans ses banlieues, tandis que des « dizaines » de militaires et paramilitaires sont morts sans qu’aucun bilan précis ne soit disponible. En outre, environ 600 personnes ont été blessées.
Trois humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués dans les combats, a annoncé dimanche l’émissaire de l’ONU. Ils ont été tués « samedi en accomplissant leur travail au Darfour-Nord », dans l’ouest près du Tchad, qui a fermé sa frontière samedi à cause des violences, précise Volker Perthes dans un communiqué. Il ajoute que des « bâtiments humanitaires auraient été touchés et d’autres pillés au Darfour », bastion historique des Forces de soutien rapide (FSR).
Les militaires avaient prévenu dans la soirée sur Facebook : « L’armée de l’air va mener des opérations pour en finir avec les milices rebelles du Soutien rapide, les civils doivent rester chez eux ». Des combats à l’arme lourde opposent encore militaires et paramilitaires dans la banlieue nord de la capitale, ainsi que dans le sud de Khartoum, ont rapporté des témoins. D’autres ont également fait état de tirs d’artillerie à Kassala, dans l’est côtier du pays.
La guerre est aussi médiatique
Impossible en l’état de savoir quelle force tient quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport en quelques heures samedi, mais l’armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L’armée a démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum. Quant à la télévision d’État, les deux parties assurent aussi l’avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu’à l’antenne – comme lors du coup d’État – seuls des chants patriotiques sont diffusés sans aucun commentaire.
Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique : samedi, Hemetti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévisions du Golfe, dont plusieurs États sont ses grands alliés, multipliant les injures contre son rival, le général al-Burhane, qui, lui, n’est jusqu’ici pas apparu. Hemetti n’a cessé de réclamer le départ de « Burhane le criminel », alors que l’armée, elle, publiait sur son compte Facebook un « avis de recherche » contre Hemetti.
Les deux hommes toutefois ont répondu au téléphone quand le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé pour réclamer « un arrêt immédiat de la violence ». Il a également exhorté le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, grand voisin influent, à agir alors que depuis samedi Le Caire s’inquiète d’une vidéo montrant plusieurs de ses soldats apparemment aux mains d’hommes des FSR.
(avec AFP)
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