Ces start-up africaines qui séduisent les investisseurs, championnes de la tech de demain

Notre enquête, menée auprès d’une trentaine d’investisseurs, permet de déterminer assez précisément les caractéristiques des jeunes pousses du continent qui attirent le plus de fonds. 

Les résultats de notre enquête révèlent surtout à quel point les VC sont attentifs aux parcours des fondateurs. © Montage JA

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Publié le 27 avril 2023 Lecture : 5 minutes.

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Les 20 futurs champions de la tech africaine

Fintech, e-commerce, healthtech… Dans quels secteurs les start-up africaines les plus prometteuses se distinguent-elles ?

Sommaire

LES 20 FUTURS CHAMPIONS DE LA TECH – En cette année de relative atonie du financement de la tech mondiale et continentale, Jeune Afrique a décidé de transformer son classement annuel des champions de la tech afin de vous proposer désormais une enquête resserrée et inédite sur les start-up baptisée « Les 20 futurs champions de la tech ».

L’objectif de cette étude de plusieurs mois est de parvenir à être toujours plus en phase avec le bouillonnement et l’impact de l’écosystème innovant, en vous présentant 20 jeunes pousses parmi les plus prometteuses d’Afrique.

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Trois mois d’enquête

Durant les trois premiers mois de l’année 2023, nous avons soumis aux 30 investisseurs (VC) les plus actifs sur le continent (en nombre de transactions) un questionnaire détaillé afin de déterminer qui sont les jeunes pousses africaines appelées à devenir les stars de demain. Parmi eux, 22 VC ont joué le jeu, nous communiquant les noms d’une soixantaine de start-up qui répondaient aux critères que nous leur avions imposés, qu’elles fassent partie de leur portefeuille ou non.

Ces entreprises devaient avoir été créées depuis moins de cinq ans et ne pas avoir dépassé la phase de séries A, qui correspond bien souvent à un modèle d’affaires rodé, qui permet une expansion géographique et une quête de premiers profits. Le nombre de réponses nous a permis de resserrer encore ces critères en ne conservant que les start-up ayant entamé une levée de fonds après 2019.

En fonction de leur secteur, de leur modèle d’affaires, de leur connexion avec le reste de la chaîne de valeur du numérique, et de leur capacité à transformer véritablement certains aspects de l’économie réelle, nous avons tenté d’en tirer la quintessence et ainsi d’en dresser la liste que nous vous présentons dans ce numéro.

Et le résultat vient confirmer certaines tendances déjà évoquées dans les nombreuses analyses publiées tout au long de l’année par des acteurs comme l’investisseur Partech, par des cabinets de conseil comme Briter Bridges, ou des newsletters de référence comme « Africa : The Big Deal ».

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Les fintech, stars incontestées

En matière de distribution sectorielle d’abord, le secteur des fintech – qui a capté 39 % des capitaux investis dans la tech africaine en 2022 selon Partech – reste particulièrement apprécié des investisseurs. Qu’elles prennent la forme de pure néobanque, de solutions de gestion d’entreprises pour petits marchands, de plateforme de transfert d’argent multicanal ou d’outils simplifiant le recouvrement, ces jeunes pousses représentent 30 % de notre sélection. Entre les promesses d’inclusion financière à marche forcée et de digitalisation des transactions en liquide, le secteur transforme rapidement et réellement la vie quotidienne des populations, tout en sécurisant des revenus confortables.

Autre modèle plébiscité ces deux dernières années par les VC : l’e-commerce. Cinq start-up de ce secteur figurent dans notre liste, soit 25 % des noms cités. La majorité d’entre elles s’adressent au marché des professionnels. Sans doute car ces derniers ont l’avantage de disposer d’un pouvoir d’achat plus important et de besoins plus facilement identifiables que les consommateurs finaux. En témoignent les difficultés rencontrées par des entreprises comme Jumia à atteindre et satisfaire cette clientèle tout en dégageant des marges acceptables.

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À l’image de ces derniers mois, qui ont vu d’importants tours de table se conclure pour des entreprises comme Turaco au Kenya (10 millions de dollars levés en septembre 2022) ou JetStream Africa (13 millions de dollars levés en janvier 2023) au Ghana, la santé (Healthtech) et les solutions relatives aux transports et à la logistique ont le vent en poupe auprès des investisseurs. La présence de cinq d’entre elles parmi les start-up les plus prometteuses du continent confirme  l’existence d’une tendance de fond.

Enfin, preuve que l’agnosticisme est de mise au sein de notre panel d’investisseurs, ces derniers n’ont pas hésité à mentionner quelques sociétés évoluant dans des secteurs de niche, comme les ressources humaines ou la sécurité.

Le Nigeria, les femmes et les serial-entrepreneur à l’honneur

En revanche, un certain conservatisme géographique demeure. Principale destination des capitaux investis en 2022 dans l’écosystème, le Nigeria rafle la mise en affichant neuf de ses représentants dans notre liste (45 %), tandis que l’Égypte (trois start-up citées) arrive deuxième et le Kenya troisième avec deux représentants, ex-aequo néanmoins avec le Sénégal et le Maroc.

L’espace francophone, et plus précisément la région Uemoa, paraît quant à lui de plus en plus perçu comme un marché unique par les investisseurs africains et surtout étrangers. L’effet Wave, ainsi que le plaidoyer martelé par Tidjane Dème et Cyril Collon de Partech Africa en faveur de cette conception, sont passés par là. Il n’est donc pas étonnant qu’une start-up ivoirienne soit présente dans notre sélection.

Au final, deux étrangetés apparaissent malgré tout dans notre sélection. D’une part, aucun représentant sud-africain n’est présent, bien que le pays ait capté 11 % des fonds injectés dans les start-up en 2022. Ce qui peut s’expliquer, selon un investisseur interrogé, par une tendance des investisseurs sud-africains à préférer le marché local. D’autre part, l’absence du secteur de la « cleantech », modèle d’affaires qui répond à un besoin d’adaptation des populations ou des entreprises aux changements climatiques et a capté 18 % des sommes investies dans la tech africaine en 2022. Une anomalie décryptée par Ryosuke Yamawaki, partenaire chez Verod-Kepple Africa Venture, dans son interview.

Mais les résultats de notre enquête révèlent surtout à quel point les VC sont attentifs aux parcours des fondateurs. Bien plus que la formation, l’expérience séduit et suscite la confiance. Parmi nos 20 futurs champions, plusieurs sont des vétérans de l’entrepreneuriat et ont déjà créé puis revendu ou fermé une première entreprise. À défaut, une expérience au sein d’une jeune pousse africaine devenue success story, tels Andela, Kobo360 ou Jumia, ou chez l’un des géants de la tech internationale comme Uber ou Google, est également prisée.

Fait rare dans une industrie qui néglige encore la parité femme-homme dans ses décisions d’investissements, 20 % de nos start-up sont fondées ou cofondées par une femme. Angle mort des VC, les start-up créées par des femmes n’ont concerné que 2,4 % des investissements en 2022 selon « Africa : The Big Deal ».

Un futur en demi-teinte

Mais qu’en sera-t-il du futur de nos champions dans le contexte actuel de sobriété financière chez les VC, imposée par l’inflation et l’élévation des taux directeurs des banques centrales ? C’est leur souplesse et leur capacité  – ou non – à s’adapter aux contraintes quotidiennes dans la frugalité qui en jugera.

L’écosystème africain connaît actuellement un fort ralentissement selon « Africa: The Big Deal » qui note qu’au premier trimestre de 2023, 126 transactions de plus de 100 000 dollars ont été conclues à travers le continent, soit une baisse de 30 % en glissement trimestriel et de 50 % en glissement annuel. Une réduction qui commence déjà à faire des victimes, à l’image de la solution nigériane de paiement en cryptomonnaie, qui a cessé son activité en avril. Ou du livreur kényan Kune Foods, qui a mis la clé sous la porte en juin 2022.

Paradoxalement, plusieurs investisseurs ont bouclé d’importants fonds ces derniers mois. Et – bonne nouvelle pour nos champions – la plupart se concentrent sur des tickets en série A ou B. TLCom a par exemple conclu son deuxième fonds Tide Africa à 150 millions de dollars. Partech Africa, a dépassé ses objectifs pour son nouveau fonds de 245 millions d’euros. Verod-Kepple, quant à lui, a d’ores et déjà annoncé vouloir injecter 100 millions de dollars dans l’écosystème d’ici à 2029.

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