Pétrole : l’Afrique ne doit pas rater le tournant
L’industrie pétrolière est-elle à un tournant de son histoire ? C’est la question posée par Global Pacific & Partners, organisateur de l’Africa Oil Week, la grand-messe annuelle du secteur qui se tient en ce moment au Cap, en Afrique du Sud.
Les récentes et spectaculaires découvertes au large des côtes est-africaines, de même que le possible renouveau de l’industrie pétrolière en Afrique centrale – sans compter les grands espoirs entretenus en Afrique de l’Ouest – pourraient laisser croire que tout va pour le mieux chez les pétroliers africains. Pourtant, les organisateurs de la 20e édition du Africa Oil Week, le grand rendez-vous annuel des professionnels du secteur organisé au Cap (Afrique du Sud) du 25 au 29 novembre, dépeignent une image beaucoup plus pessimiste des perspectives du secteur.
Dans une présentation exhaustive, Babette van Gessel, CEO de Global Pacific & Partners (GPP), a proposé un tour du continent pays par pays. Entre des locomotives traditionnelles qui s’essouflent, des dispositions réglementaires qui se durcissent et une compétition internationale qui s’intensifie, l’Afrique ne peut se reposer sur ses lauriers.
Locomotives en danger
La Libye traverse une période de troubles – on évalue à 6 milliards de dollars les pertes causées par les divers mouvements de contestation qui ont bloqué les ports et les installations pétrolières. Selon GPP, l’octroi de licences prévu pour 2014 paraît en danger. L’autre locomotive nord-africaine, l’Algérie, présente des perspectives immenses, mais peine à attirer de nouveaux acteurs en raison des conditions défavorables qu’elle cherche à imposer.
La place de l’Afrique dans la compétition mondiale ne semble pas assurée.
L’élection présidentielle de 2014 est susceptible de retarder encore un processus d’octroi de licence prévu en 2013, mais déjà reporté une première fois. Le droit de préemption accordé à Sonatrach ne peut qu’éroder la confiance des industriels selon GPP.
Le Nigeria connaît des retards répétés dans l’octroi de ses licences et les élections prévues pour 2015 devraient retarder encore le processus. GPP juge également que les préférences accordées aux locaux ne facilitent pas le climat des affaires pour les industriels. « Les réserves futures restent une fiction, c’est définitivement une période troublée pour le Nigeria », conclut Babette van Gessel.
De façon générale, l’Afrique de l’Ouest semble avoir perdu de son attractivité par rapport à l’Afrique de l’Est, où les découvertes se sont multipliées. Malgré tout, l’éventualité de réaliser de grandes découvertes dans les couches « pre-salt » similaires à celles effectuées au Brésil, a rallumé l’intérêt pour la zone. Mais le processus vient à peine de commencer.
Enfin, en Angola, dernier géant de la production d’hydrocarbures en Afrique, les conditions de plus en plus favorables accordées aux sociétés locales ne sont pas pour encourager les sociétés internationales à s’impliquer davantage selon GPP. « Ce n’est pas un endroit facile pour les juniors », note Babette van Gessel.
Les terres promises
L’Afrique ne manque cependant pas de zones prometteuses. Le Maroc est présenté comme un potentiel candidat, que ce soit pour ses ressources conventionnelles ou bien ses réserves de schiste. Le pays est attractif, notamment en raison de sa « relative stabilité politique ». L’entrée récente de la major britannique BP vient prouver l’intérêt du secteur pour le potentiel du pays. Un peu plus au sud, la Mauritanie reste sous-explorée et pourrait selon GPP réserver d’intéressantes surprises.
Au sud du continent, la Namibie représente un « point chaud » potentiel tandis que l’Afrique du Sud, avec ses immenses réserves de gaz de schiste, pourrait jouer un rôle déterminant dans l’industrie des hydrocarbures africaine. Cependant, GPP souligne que l’environnement réglementaire, notamment une nonuvelle taxation à 20 %, pourrait doucher les velléités d’exploration des majors.
Au large des côtes africaines, Madagascar pourrait réserver des surprises. Récemment, ExxonMobil a relancé ses efforts d’exploration gelés depuis plusieurs années en raison de la crise politique. Cependant, la stabilité politique n’est pas encore garantie.
L’avenir est-il vraiment à l’est ?
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Les nombreuses découvertes à l’est du continent dessinent un brillant avenir pour la région. Mais les défis ne manquent pas : des manifestations ont eu lieu en Tanzanie et au Kenya, et le Mozambique a fait l’objet de nouvelles menaces de la part de la Renamo, une insurrection armée. La proximité du Kenya avec la Somalie pourrait s’avérer problématique, notamment pour le futur terminal pétrolier de Lamu, à quelques encablures de la frontière somalienne.
L’aspect réglementaire, là encore, pourrait décourager les plus petits acteurs du secteur de mener leur effort d’exploration. L’Ouganda présente toujours des difficultés : il n’y a pas eu d’octroi de licences depuis 2007. Il était prévu pour 2013, mais a encore été reporté. Enfin, les deux Soudan ne semblent pas prêt à s’entendre de façon pacifique pour les prochaines années, une perspective inquiétante pour les majors.
En fin de compte, GPP prévient : la concurrence est mondiale et l’Afrique doit prendre garde de ne pas durcir exagérément les conditions fiscales. De même, les politiques de « local content » pourraient selon eux ralentir le développement du secteur si elles sont trop exigeantes. Le nationalisme des ressources naturelles semble prendre une place de plus en plus importante dans le discours politique.
La place de l’Afrique dans la compétition mondiale ne semble pas assurée. « Serions-nous à un tournant ? », s’interroge pour conclure Babette van Gessel qui souligne que les décisions prises en ce moment pourraient avoir des conséquences sur plusieurs décennies.
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