ONU, ambassades, coopération… La Suisse de plus en plus connectée avec l’Afrique
La Suisse siège au Conseil de sécurité onusien depuis le début de l’année. Une illustration de sa volonté d’ouverture à l’international ces dernières années, et en particulier vers l’Afrique.
Entre la Suisse et l’Afrique, les premiers fruits de la coopération
La Confédération helvétique se rapproche de plus en plus du continent. Portés par les minerais, les échanges commerciaux s’intensifient et l’intérêt du secteur privé suisse se développe.
Depuis le 3 janvier 2023, la Confédération suisse occupe une place qui n’avait encore jamais été la sienne sur la scène diplomatique internationale, puisqu’elle siège officiellement en tant que membre non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies à New York. Deux jours plus tard, l’ambassadrice suisse, Pascale Baeriswyl, s’asseyait autour de la grande table ronde, entre la représentante des Émirats arabes unis et celui de la Russie, pour assister à sa première réunion de travail, sous présidence japonaise. Un évènement évidemment qualifié « d’historique » à Berne où l’on attendait cela depuis l’adhésion tardive du pays à l’ONU en 2002.
Durant son mandat, qui s’étend jusqu’à la fin de l’année 2024, la Suisse assurera même par deux fois la présidence tournante du Conseil, d’abord en mai prochain puis en octobre 2024, pour se retrouver ainsi en première ligne du multilatéralisme mondial. Une sacrée évolution pour la Confédération qui a longtemps refusé de s’engager dans de tels cénacles au nom de sa sacro-sainte neutralité. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a bien précisé dès 2013, dans une note interne, que « neutralité et statut de membre du Conseil de sécurité onusien [étaient] compatibles ». La question continue ces dernières semaines de faire des vagues dans la classe politique suisse, notamment au sein de l’Union démocratique du centre (UDC), bien plus conservatrice que son nom ne l’indique.
Neutralité relative
Ses élus nationalistes ne sont pas les seuls à considérer que la Confédération galvaude son identité. Ils se sont en effet trouvé un allié de circonstance avec Vladimir Poutine, le président russe ayant accusé la Suisse, dès mars 2022, de violer sa neutralité en s’alignant sur les sanctions occidentales contre Moscou. Berne a pourtant tergiversé pendant huit longues journées avant de prendre sa décision, et les pays du G7, qui pointent sa mauvaise volonté à traquer les avoirs russes dans le pays, le rabrouent régulièrement. Ils se sont même étranglés en voyant Ignazio Cassis, le chef de la diplomatie confédérale, serrer la main de son homologue russe, Sergueï Lavrov, en septembre dernier, lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Le conseiller fédéral s’est alors retranché derrière une autre valeur refuge chère à son pays, celle de la politique des « bons offices » qui permet à la Suisse de jouer un rôle de médiateur dans la résolution de conflits comme au Mozambique et au Cameroun, ou d’intermédiaire entre deux pays qui n’ont officiellement pas de relations diplomatiques, à l’exemple des États-Unis avec l’Iran ou de la Russie avec la Géorgie.
Prise entre les multiples contradictions du choix politique qui est le sien depuis 1907 et la convention de La Haye, la Confédération suisse donne parfois l’impression de naviguer à vue sur la scène diplomatique, oscillant entre ouverture et repli, entre avancée et recul, au gré de son agenda international. Elle a ainsi accepté, depuis une dizaine d’années, de remettre un peu d’ordre dans les pratiques de sa place financière, régulièrement dénoncées par la communauté internationale ou épinglées par les ONG, en levant un coin de voile sur son secret bancaire. Dans le même registre, elle a également édicté en 2018, un guide des bonnes pratiques dans le négoce des matières premières, complété l’année dernière par de nouvelles dispositions obligatoires en matière de transparence. À l’inverse, la Suisse a rompu en 2021, les négociations alors en cours avec la Commission européenne pour définir les formes de son futur partenariat avec l’Union européenne, déconcertant une nouvelle fois ses voisins européens.
Pour clarifier une position parfois difficilement compréhensible en dehors de la Confédération, Berne s’est fendu en mai 2020 d’une nouvelle stratégie de politique extérieure pour les années 2020-2023, qualifiée de « novatrice » par Ignazio Cassis, dans le sens où elle identifie formellement « les intérêts suisses », qu’ils soient d’ordre diplomatiques, économiques et plus encore sécuritaires. Ce document a été complété l’année suivante par une stratégie spécifique pour l’Afrique subsaharienne, première du nom dans l’histoire de la Confédération. Portant sur la période 2021-2024, « elle doit permettre de fixer un cadre pour mieux saisir les opportunités dans l’une des régions les plus dynamiques et prometteuses de la planète », comme l’expliquait lors de sa présentation le conseiller fédéral aux Affaires étrangères.
Relais stratégiques
Contrairement à l’Amérique latine, où la Confédération annonce « un désengagement progressif d’ici à 2024 », l’Afrique semble bénéficier d’une attention toute particulière à Berne. Dix-huit des quarante-huit pays subsahariens bénéficient aujourd’hui des divers programmes de coopération mis en place par la Suisse, qui dans le même temps continue de tisser sa toile dans la région, où elle dispose de quinze ambassades, neuf bureaux de coopération, deux consulats généraux et un Swiss Business Hub en Afrique du Sud, partenaire privilégié de longue date de la Confédération sur le continent.
À l’heure d’un premier bilan, deux ans après sa présentation, « cette stratégie apporte une vision plus large de l’Afrique », estime Siri Walt, directrice Afrique au DFAE. Notamment grâce à la priorité accordée aux « lionnes économiques » du continent – par analogie aux « tigres » asiatiques –, composées de neuf pays en forte croissance – Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Angola, Afrique du Sud, Kenya, Rwanda, Éthiopie –, et appelées à devenir des relais stratégiques de la Suisse en Afrique. Dans son document, Berne a également introduit de nouveaux thèmes de politique étrangère, tel que la durabilité, en matière d’urbanisation ou de lutte contre le changement climatique, ou la numérisation, « qui va conduire à de profonds changements économiques et sociétaux à travers le continent », affirme Siri Walt. Le Conseil fédéral compte d’ailleurs dans ce domaine sur l’appui des pays africains pour faire à terme de la Genève internationale « le centre mondial de la gouvernance numérique », reprend la « madame Afrique » du département fédéral.
Si le volet migratoire reste une préoccupation de premier ordre pour la Confédération, il n’apparaît pourtant pas officiellement au rang de ses priorités. « Cette question est transverse aux problématiques de paix, de prospérité ou de durabilité qui ensemble doivent contribuer à combattre les causes des déplacements forcés et réduire la pression migratoire », explique le DFAE en introduction à sa stratégie. Le dossier est suffisamment important pour que la Suisse signe des accords bilatéraux de coopération avec l’Angola, le Bénin, le Nigéria et le Cameroun, alors que des négociations sont en cours avec la Côte d’Ivoire, la Gambie et le Soudan.
La Suisse n’a pas non plus perdu son temps sur le plan multilatéral, en approfondissant, conformément aux recommandations de sa stratégie, ses liens avec certaines organisations régionales, comme l’Union africaine ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Au point de faire aujourd’hui l’objet d’un certain consensus en Afrique, où la Suisse « jouit d’une bonne réputation », veut croire Siri Walt. Le pays a en tous les cas été désigné, au sein du Conseil de sécurité, pour gérer avec le Ghana les crises qui secouent actuellement l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.
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