Champions africains de la tech : « Au début, dans les start-up, il faut parier sur les compétences »

Partenaire d’un des fonds les plus dynamiques du continent, l’investisseur japonais Ryosuke Yamawaki décrit sa méthode pour repérer les futurs champions de la tech africaine.

Ryosuke Yamawaki, du fonds nigériano-japonais Verod-Kepple Africa Ventures. © Montage JA : DR

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Publié le 27 avril 2023 Lecture : 4 minutes.

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Les 20 futurs champions de la tech africaine

Fintech, e-commerce, healthtech… Dans quels secteurs les start-up africaines les plus prometteuses se distinguent-elles ?

Sommaire

LES 20 FUTURS CHAMPIONS DE LA TECH – Parallèlement à notre enquête sur les futurs champions de la tech, nous n’avons pas résisté à mettre également sur le gril ceux qui nous ont servi de source : les investisseurs. Pour ce faire, nous avons soumis un questionnaire à une douzaine de fondateurs de start-up africaines ayant déjà levé au moins cinq millions de dollars, afin de déterminer qui, parmi ces acteurs clés de l’écosystème, était celui dont la réputation, les choix d’investissement et le sérieux en matière de due diligence méritait le titre de « VC préféré des start-up ».

Devant les mastodontes américains Y Combinator et Partech Partners, c’est le fonds nigériano-japonais Verod-Kepple Africa Ventures qui a, d’un cheveu, raflé la mise. L’ex-japonais Kepple Africa Venture, qui se concentrait jusqu’ici sur des jeunes pousses au stade de pré-amorçage ou d’amorçage, s’est en effet récemment allié au capital-risqueur nigérian Verod Capital Management pour créer un fond dédié aux premières levées (pré-série A et série A), avec des tickets compris entre 1,5 et 3 millions de dollars.

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Présent au capital de Nawy et Chari, le VC mené par Satoshi Shinada et Ryosuke Yamawaki s’est récemment renforcé avec l’arrivée d’Ory Okolloh, ex-Google et fondatrice de l’application Ushaidi. En tant que partenaire, elle devra notamment participer à la féminisation d’un secteur qui soutient encore trop rarement les femmes entrepreneures. Passionné par l’Afrique depuis ses 20 ans, le trentenaire Ryosuke Yamawaki a accepté de commenter notre liste des 20 futurs champions de la tech, et nous donne quelques clés sur son activité. Il répond à nos questions depuis Nairobi où il est installé depuis cinq ans.

Jeune Afrique : Les start-up qui développent des solutions pour le climat sont absentes de notre liste, alors qu’elles représentent 18 % des investissements en Afrique, selon Partech. Catalyst Fund et la fondation GSMA ont d’ailleurs récemment créé des fonds dédiés. Comment expliquez-vous ce résultat ? Ce secteur vous intéresse-t-il ?

Ryosuke Yamawaki : À l’heure actuelle en Afrique, peu de start-up de ce segment ont généré des revenus importants parce que la plupart n’ont même pas encore lancé commercialement leur produit ou service. Il est donc assez logique qu’aucune n’ait intégré votre sélection. De plus, cette industrie implique de lourds investissements et une rentabilité qui sera probablement lente à venir.

Mais il est logique qu’elle fasse couler d’encre et doive être surveillée. Pour deux raisons essentiellement. La première, c’est que l’action climatique devient peu à peu le centre des discussions dans l’arène mondiale. En particulier en ce qui concerne les crédits carbones, dont les transactions augmentent de façon exponentielle ces derniers temps. Or l’Afrique est en passe de devenir une région qui crée et exporte des crédits carbones. La seconde est que le cadre adopté au niveau mondial incite les pays africains à s’y engager, malgré une certaine mise à l’écart du continent dans les discussions sur la réglementation internationale.

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Votre premier fonds, Kepple Africa Ventures, a investi dans plus de cent start-up du continent depuis 2018, soit plus d’une transaction par mois. Comment parvenez-vous à repérer, analyser et conclure aussi rapidement vos contrats ?

Nous avions pris l’habitude de parier sur les fondateurs plutôt que sur les documents fournis sur leur entreprise. Il nous est même arrivé de nous décider dans les deux semaines qui suivait la première rencontre avec un entrepreneur. Mais cela fonctionne uniquement pour les investissements de pré-amorçage ou d’amorçage. À ce niveau de développement, les modèles d’affaires que nous analysons ont de grandes chances de changer en cours de route.

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Au stade de l’amorçage, parier sur des compétences et un savoir-être est moins incertain que de parier sur des prévisions chiffrées. On cherche à voir si le ou les fondateurs seront à même de gérer plusieurs épreuves plus ou moins difficiles, de la gestion des relations humaines aux éventuels licenciements, en passant par les prises de parole publiques ou des changements radicaux de modèles d’affaires.

Lorsque vous rencontrez un entrepreneur, combien de temps dure la réunion et quelle est la teneur de la conversation ?

Les rencontres durent en principe une heure. La première se fait normalement en ligne, particulièrement depuis la pandémie. Mais nous veillons toujours à nous rencontrer en personne après la première réunion. A ce rendez-vous, nous cherchons à comprendre si le fondateur a la capacité d’identifier ce que nous appelons « la douleur et/ou le gain » [« pain gain » en anglais, NDLR].

Il s’agit de voir si le concept répond à un point de friction dans la vie quotidienne si « douloureux » que les clients sont prêts à payer pour s’en débarrasser. Ou d’identifier que le produit ou le service apporté par l’entreprise offre un bénéfice émotionnel ou financier suffisant pour déclencher un achat. Cette aptitude nous paraît la condition la plus importante pour construire une entreprise solide. Peu importe qu’elle soit clairement formulée lorsque nous rencontrons des entrepreneurs, nous devons au moins percevoir que leur concept répond à ce critère ou qu’ils ont la capacité d’identifier rapidement cet élément.

Tiendrez-vous le même rythme d’investissement avec votre nouveau fonds, Verod-Kepple ?

Non. Ce fonds, qui est réservé à des transactions en pré-série A ou série A, nécessite des analyses plus approfondies avec un processus de décision en deux phases. Un premier comité d’investissement passe en revue les dossiers et approuve le concept par vote des associés. Nous envisageons de réaliser 20 opérations dans le cadre de la création d’entreprises. Nous ferons également du follow-on [réinjecter des capitaux dans des entreprises faisant déjà partie de leur portefeuille, NDLR] en fonction du succès de nos start-up. Nous pourrons éventuellement faire des séries B, mais le premier point d’entrée est la série A.

Quels sont vos critères de sélection pour ce fonds ?

Une condition sine qua non est que l’entreprise génère déjà des revenus. Le marché visé doit être important. Pour le reste, nous pouvons investir dans tous les secteurs et dans tous les pays en théorie avec une attention particulière à l’Égypte, au Kenya et au Nigeria.

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