Sénégal, RDC, Tunisie… À Cannes, le retour en force du cinéma africain
Si son cru 2022 avait vu le continent sous-représenté, notamment le sud du Sahara, la Croisette met cette année à l’honneur pas moins de douze films africains.
La 76e édition du festival de Cannes s’annonce prometteuse pour l’Afrique, représentée dans sa diversité territoriale et narrative, mais aussi de genre avec deux femmes en lice pour briguer la palme d’Or. La première, Ramata-Toulaye Sy, 36 ans, réalise l’exploit d’intégrer la sélection officielle avec un premier film, Banel e Adama. L’histoire d’un jeune couple qui vit dans un village reculé du nord du Sénégal et qui voit bientôt son idylle menacée par des contraintes liées à la tradition.
Diplômée de la Femis et née à Paris de parents sénégalais, la réalisatrice présente un film entièrement tourné en pulaar, incluant un casting de comédiens et une équipe de techniciens exclusivement sénégalais. Ce projet n’est autre que le prolongement d’un court-métrage baptisé Astel (récompensé du prix spécial du jury au festival de Clermont-Ferrand en 2022), écrit pendant la période de confinement.
Une recette gagnante qui a déjà fait ses preuves avec Atlantique, de Mati Diop, Grand Prix à Cannes en 2019, extension du format court quasi homonyme Atlantiques sorti dix ans plus tôt. Idem pour Ladj Ly avec Les Misérables, prix du Jury à Cannes la même année, et qui est la suite en long-format d’un court-métrage du même nom sorti en 2017.
Les cinémas marocain et tunisien en lumière
La deuxième réalisatrice en compétition officielle n’est pas inconnue du public cannois. En 2017, la Tunisienne Kaouther Ben Hania avait retenu l’attention avec son troisième long-métrage, La Belle et la Meute, sélectionné dans la catégorie « un certain regard ». Présidente du jury de la Semaine de la critique l’année dernière, elle revient cette fois pour présenter Les Filles d’Olfa. Ce film documentaire relate la trajectoire intime d’une Tunisienne, mère de quatre filles, qui découvre subitement la disparition de deux d’entre elles. Afin de combler leur absence à l’écran, la cinéaste a fait appel à deux comédiennes pour lever le voile sur l’histoire personnelle de cette famille. Il y est question d’espoir, de rébellion, de transmission et de sororité. C’est la première fois depuis plus de cinquante ans qu’un film tunisien est en compétition officielle.
Le cinéma nord-africain se distingue aussi dans la section « Un certain regard » avec deux films marocains en compétition, dont un coup d’essai signé Kamal Lazraq qui réalise un thriller casaoui intitulé Les Meutes. Et le documentaire d’Asmae El Moudir, baptisé Kadib Abyad (« La Mère de tous les mensonges »), autour des secrets et souvenirs de famille de la réalisatrice.
Entrées historiques du Soudan et de la RDC
Hors Maghreb, mais toujours du nord du continent, le Soudan fait son apparition pour la première fois sur les écrans cannois. Mohamed Kordofani sera lui-même le premier réalisateur soudanais à fouler le tapis rouge pour présenter son film Goodbye Julia, qui raconte l’histoire de Mona, une chanteuse du nord du Soudan à la retraite et ravagée par la culpabilité après avoir dissimulé un meurtre.
Autre entrée historique, celle de la RDC. Alors qu’En route pour le milliard, de Dieudo Hamadi, devait être le premier film congolais jamais présenté à Cannes en 2020, l’édition de cette année-là avait dû être annulée en raison de la pandémie. Séance de rattrapage donc, avec une belle surprise encore dans la catégorie « Un certain regard », le premier long-métrage du Belgo-Congolais Baloji Tshiani, plus connu pour ses prouesses devant un micro que derrière la caméra – excepté pour la réalisation de clips.
Le rappeur présentera Augure, une fiction autour de la sorcellerie qui est l’une des sources d’inspiration de son style musical, inclassable et ambitieux. Un film de genre donc, tourné en français, en swahili, en lingala et en anglais, à la lisière de l’afro-futurisme et de l’expérience sensorielle, apprend-on, et où la musique tient la place d’un personnage à part entière.
Au total, ce sont pas moins de douze films africains qui seront représentés sur la Croisette en comptant les sélections parallèles. Si la 62e édition de la Semaine de la critique n’inclut, pour la deuxième année consécutive, aucune proposition du continent dans son palmarès, la Quinzaine des cinéastes et l’Association du cinéma indépendant dans sa diffusion (ACID) comptent chacune deux longs-métrages à leur sélection, avec respectivement Déserts, du réalisateur marocain Faouzi Bensaïdi, et Mambar Pierrette, de la Camerounaise Rosine Mbakam d’un côté, Machtat, de la Tunisienne Sonia Ben Slama, et Nome, du Bissau-Guinéen Sana Na N’Hada de l’autre.
76e édition du Festival de Cannes, du 16 au 27 mai 2023
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