Au Cameroun, polémique après une saillie jugée tribaliste sur la chaîne Vision 4
Le professeur de sociologie Claude Abe est accusé d’avoir tenu des propos « ethnicistes », à propos d’une éventuelle réforme foncière.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 23 avril 2023 Lecture : 2 minutes.
« Il faut que les gens retournent chacun chez soi et que des décisions républicaines soient prises dans ce sens. » Prononcée, le dimanche 16 avril, lors de l’émission télévisée Club d’élites de la chaîne privée Vision 4, la phrase, même elliptique, pourrait laisser supposer qu’un « grand remplacement » migratoire se déroulerait au Cameroun.
Claude Abe, professeur permanent à l’Université catholique d’Afrique centrale (Ucac), évoquait une réforme foncière qu’il appelle de ses vœux, certains utilisant, selon lui, le concept de république pour masquer « un projet servant à envahir les uns et les autres et les remplacer dans leur village ». Politiquement incorrects et largement relayés par les réseaux sociaux, les propos clivants ont enfanté deux types de réactions…
Pour les uns, la saillie de l’enseignant est clairement « ethniciste » ou tribaliste. Le cinéaste Jean-Pierre Bekolo, dans une tribune, soutient que « chaque Camerounais est chez lui au Cameroun » et que « si Le Pen est dangereux, le professeur Abe est pire ». Arguant que les propos de ce dernier étaient peu conforme à la pensée chrétienne, des correspondances ont été envoyées au recteur de l’Ucac et à l’archevêque de Yaoundé, pour demander le renvoi de l’enseignant. Une pétition a même été lancée en ligne. Le politologue Manassé Aboya Endong évoque, lui, une « stigmatisation ethnique » qui constitue « un anachronisme intellectuel, doublé d’une faute académique lourde ».
Plainte pour sécessionnisme
Quant au professeur Shanda Tonme, il a saisi le délégué général de la sûreté nationale, le 19 avril dernier, à Yaoundé. Sa plainte évoque « une mise en danger de la sécurité des personnes et des biens, une atteinte à l’unité et à l’intégration nationale, une incitation à la guerre civile, à la destruction des fondements de l’État et de la République », ainsi qu’un « discours sectaire, fractionniste, divisionniste, terroriste et sécessionniste ».
Pour d’autres Camerounais comme l’économiste Dieudonné Essomba, le débat soulevé par le professeur Abe est nécessaire. En phase avec un « véritable ressenti de vastes segments de la communauté nationale », l’enseignant de l’Ucac n’aurait fait que démonter « une fiction de l’unité nationale au bout du rouleau ». Quant au principal intéressé, Claude Abe, il refuse d’envisager un mea culpa, considérant que ses propos ne faisaient allusion à aucune ethnie ni aucune tribu. Et d’enfoncer tout de même le clou, en réaffirmant que les « accusations imaginaires » portées contre lui dévoilent des « projets d’hégémonisme »…
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