Au Soudan, l’évacuation des ressortissants étrangers commence

La France, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays ont évacué ce dimanche leurs ressortissants ou leur personnel diplomatique du Soudan, où les combats meurtriers entre l’armée d’Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires de Mohamed Hamdane Daglo font rage depuis plus d’une semaine.

Une fumée noire s’élève de l’aéroport international de Khartoum, au Soudan, le 20 avril 2023. © AFP

Publié le 23 avril 2023 Lecture : 4 minutes.

Depuis le 15 avril, les deux généraux au pouvoir, Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdane Daglo, se sont lancés dans une guerre sans merci, qui a fait plus de 420 morts et 3 700 blessés, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et a déplacé des dizaines de milliers de personnes vers d’autres États du Soudan ou hors des frontières, au Tchad et en Égypte. Le pape François a appelé au « dialogue » face à la « grave » situation dans le pays. Les violences, principalement à Khartoum et au Darfour (ouest), ont entraîné la mobilisation de plusieurs pays pour évacuer leurs ressortissants.

La France a annoncé, le dimanche 23 avril, avoir commencé une « opération d’évacuation rapide » de ses ressortissants et de son personnel diplomatique. Des ressortissants européens et venant de « pays partenaires alliés » sont également pris en charge. Samedi, l’Arabie saoudite avait évacué 91 Saoudiens et une soixantaine de ressortissants de 12 autres pays vers Jeddah, sur la mer Rouge. Sur des images vidéo, des convois de dizaines de véhicules blancs de l’ONU sortaient dimanche de Khartoum, tout comme de nombreux cars, et se dirigeaient vers Port-Soudan, dans l’est du pays.

Les acteurs internationaux auront moins de poids quand ils auront quitté le pays

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Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a lui aussi annoncé l’évacuation du personnel diplomatique du Royaume-Uni et de leurs familles. « Les forces armées britanniques ont procédé à une évacuation complexe et rapide dans un contexte d’escalade de la violence et de menaces à l’encontre du personnel de l’ambassade », a tweeté Rishi Sunak. L’Italie a indiqué qu’elle allait tenter d’évacuer dimanche ses ressortissants, tout comme la Turquie et d’autres pays.

Le président américain Joe Biden avait annoncé plus tôt que l’armée avait « mené une opération pour extraire le personnel du gouvernement américain de Khartoum ». Un « peu moins d’une centaine » de personnes, dont plusieurs diplomates étrangers, ont été évacuées au moyen d’une opération héliportée, a précisé un haut responsable du département d’État, John Bass. Mais pas les autres ressortissants américains, qui seraient plusieurs centaines au Soudan, dont l’évacuation n’est pas prévue « pour le moment ».

Les Soudanais redoutent le pire

Pour le chercheur Hamid Khalafallah, « réclamer des couloirs sécurisés pour évacuer les ressortissants étrangers sans réclamer en même temps la fin de la guerre serait terrible ». « Les acteurs internationaux auront moins de poids quand ils auront quitté le pays : faites ce que vous pouvez pour partir en toute sécurité mais ne laissez pas les Soudanais derrière sans protection », plaide ce spécialiste du Soudan. Car à Khartoum, les cinq millions d’habitants redoutent désormais le pire : sans eau courante et électricité quasi en continu depuis le début des combats, avec des réseaux téléphonique et internet souvent défaillants, ils craignent un regain de violence après le départ des étrangers.

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Selon des témoignages, combats et tirs secouent encore dimanche la capitale et ses banlieues. Des avions de combat les survolent alors que leurs raids – couplés aux canons des blindés des paramilitaires – ont déjà détruit ou obligé à fermer « 72% des hôpitaux » dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins. Dans les rues, les affrontements ont laissé des traces : des lampadaires gisent au sol, des magasins incendiés fument encore. Ici, une banque a été éventrée. Là, malgré tout, un mécanicien tente de garder son échoppe ouverte au cas où un des très rares passants aurait besoin de ses services.

Risque régional

Le conflit a éclaté le 15 avril entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Les hostilités ont éclaté après qu’ils ont été incapables de s’accorder sur l’intégration des FSR aux troupes régulières, après des mois de négociations politiques sous égide internationale.

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Vendredi, l’armée et les FSR avaient annoncé, séparément, un cessez-le-feu de trois jours pour l’Aïd el-Fitr, la fête qui marque la fin du ramadan. Les deux se sont toutefois aussitôt accusés de violer la trêve. Alors que les deux camps se livrent aussi à une guerre de l’information, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats depuis le premier jour du conflit, qui menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts.

Cette semaine, l’Aïd el-Fitr a eu un goût amer pour les habitants de Khartoum. On célèbre habituellement cette fête « avec des pâtisseries et des cadeaux pour les enfants », mais cette année, ce sont « des coups de feu et l’odeur de la mort », confie l’un d’eux, Sami al-Nour. Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, personne ne pouvant se rendre dans l’immédiat dans cette région. Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une « situation catastrophique », que l’arrêt des opérations de la plupart des organisations humanitaires va aggraver.

(avec AFP)

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