L’arnaque au pèlerinage au cœur du nouveau film de Kim Chapiron

Avec « Le Jeune Imam », Kim Chapiron signe un quatrième long-métrage, coécrit avec Ladj Ly, sur les arnaques aux voyages organisés à la Mecque. Bien que seulement effleuré, le sujet a le mérite d’être exposé.

De retour du Sénégal, Ali, interprété par Abdulah Sissoko, s’improvise organisateur de pèlerinages à la Mecque. © SRAB Films

eva sauphie

Publié le 30 avril 2023 Lecture : 3 minutes.

Ali est un pré-ado qui ne tient pas en place. Accusé à raison d’un larcin commis chez l’un de ses voisins, dans une cité de la banlieue parisienne où il vit avec sa sœur et sa mère, il est envoyé par cette dernière dans un village reculé du Mali (le film a été en partie tourné près de Thiès, au Sénégal). Objectif, se recueillir dans la religion auprès du chef de village pour gagner en sagesse.

Adulte et de retour au quartier, le jeune repenti doit alors s’intégrer et trouver un travail. Mais il ne connaît que la théologie et l’histoire de l’Islam. Si bien qu’il éjecte rapidement l’ancien calife et s’impose bientôt comme le représentant d’une nouvelle génération d’imams auprès des fidèles du quartier, à grand renfort de com et de sermons nourris aux réseaux sociaux. Happé par la soif de reconnaissance et par un certain pouvoir, Ali, personnage ambivalent aux intentions souvent douteuses qu’il en viendrait presque à desservir le propos du film, s’improvise organisateur de pèlerinages à la Mecque, ville sainte de l’Islam, située en Arabie saoudite.

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Pèlerinage à la Mecque, le sacrifice d’une vie

Le Hajj, l’un des cinq piliers de l’Islam, est un devoir religieux qui doit être accompli au moins une fois au cours de la vie du fidèle, si ses conditions physiques et financières le lui permettent. Pour des millions de musulmans, cette expédition religieuse, qui a un coût compris entre 5 000 et 7 000 euros, est souvent le sacrifice d’une vie. À cette occasion, des visas leur sont légalement délivrés par des agences de voyages spécialisées, accréditées par le ministère saoudien. Mais en France, des structures non agréées profitent des difficultés logistiques et financières que rencontrent les pèlerins pour s’enrichir illégalement. En 2019, entre 2 000 et 5 000 musulmans auraient été victimes d’annulation de leur séjour, faute de visas valides juste avant leur départ.

Avec 6 millions de musulmans en France, Kim Chapiron met ici en exergue un sujet qui touche au phénomène de société. Et qui a le mérite d’être exposé. « On est allés écouter les khutba du vendredi, on a récolté, à travers la voix des fidèles, des regards sur le monde. On a reçu des conseils et beaucoup de soutiens de la communauté, raconte le fondateur du collectif Kourtrajmé qui a fait appel à son camarade de la première heure Ladj Ly (Les Misérables), pour l’écriture du scénario. Mais je me concentre ici sur l’apprentissage de la guidance de cette nouvelle génération qui mêle monde religieux et mutations technologiques. C’est un sujet que l’on a jamais vu au cinéma, qui fait partie des nouveaux récits », argumente-il. Sauf que le réalisateur français court ici après deux sujets à la fois, celui de la religion d’un côté, et de « l’histoire intime qui lie Ali à sa mère », de l’autre. Mais il n’assume aucune de ses deux histoires, ni la grande – les défaillances du tourisme religieux – ni la petite, qui manque ici de profondeur.

« C’est avant tout une histoire de filiation, de blessures au sein d’une famille. On a voulu parler de ces femmes qui ont traversé l’immigration pour arriver jusqu’en France et qui n’ont jamais eu l’espace d’exprimer une quelconque souffrance. Ali ressent la réalité de sa mère. C’est un film en hommage aux mamans. L’Islam est le décor du film. »

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Dommage de s’attacher à une pratique religieuse, pourtant stigmatisée en France, et de ne pas aller jusqu’au bout de son intention. « On a surtout voulu banaliser la notion d’imam, l’alléger de sa charge, pour la mettre sur le même plan que celle du prêtre ou du moine », justifie le réalisateur en citant les propos de l’islamologue Rachid Benzine, dont il s’est entouré pour documenter son film. Voilà bien le principal mérite de ce quatrième long-métrage, qui tente en vain de toucher à l’universel.

Le Jeune Imam de Kim Chapiron, en salles le 26 avril en France, et début mai au Sénégal.

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