Au Kenya, l’essor incontrôlé des « Églises » et « pasteurs » autoproclamés

Dans ce pays qui compte plus de 4 000 Églises, les autorités s’inquiètent de l’emprise croissante des extrémistes religieux.

Des chefs spirituels Kaya-Giriama attendent le transport pour se rendre sur le site du charnier de la forêt de Shakahola, près de Malindi, le 24 avril 2023, où se réunissaient les adeptes d’une secte évangélique prônant le jeûne extrême pour « rencontrer Jésus ». © Yasuyoshi CHIBA / AFP

Publié le 26 avril 2023 Lecture : 2 minutes.

La mort d’au moins 90 adeptes d’un culte préconisant un jeûne extrême pour rencontrer Dieu a mis en lumière les dangers des « Églises » et des « pasteurs » autoproclamés au Kenya.

La police a ouvert une enquête sur les agissements de l’Église internationale de Bonne nouvelle (Good News International Church) et dénombre déjà, parmi les victimes dont les corps ont été retrouvés dans la forêt de Shakahola, une majorité d’enfants – un bilan provisoire puisque les recherches se poursuivent dans cette zone située non loin de la ville côtière de Malindi, au nord de Mombasa.

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« Utiliser la Bible pour tuer des gens »

« Ce qui s’est passé à Shakahola marque un tournant dans la manière dont le Kenya gère les menaces à la sécurité posées par les extrémistes religieux, a déclaré le ministre de l’Intérieur, Kithure Kindiki, qui s’est rendu sur les lieux le 25 avril. L’utilisation prétendue de la Bible pour tuer des gens, pour commettre des massacres de masse de civils innocents, ne peut être tolérée. » De son côté, le chef de l’État, William Ruto, a comparé les dirigeants de certains de ces mouvements religieux à des « terroristes » et promis de sévir.

Les autorités religieuses kenyanes ont également réagi. « Ce sont des gens qui ont interprété de façon abusive les écritures au lieu de les utiliser à bon escient », a dénoncé Calisto Odede, évêque de l’Église pentecôtiste Christ Is The Answer Ministries. « Nous devons être capables d’évaluer les messages de certains prédicateurs », a-t-il ajouté.

Les efforts pour mettre en place des garde-fous pourraient toutefois se heurter à une forte résistance. Mgr Odede a rappelé que les Églises indépendantes ont déjà rejeté des propositions de surveillance de la part du Conseil national des Églises du Kenya.

En 2019, le « pasteur » autoproclamé Paul Mackenzie Nthenge, accusé d’être au cœur du « massacre de la forêt de Shakahola », avait décidé de fermer son Église. « Jésus m’a dit que le travail qu’il m’a confié est terminé », avait-il expliqué. Il aurait ensuite emmené ses fidèles dans une forêt voisine, les convaincant de jeûner pour rencontrer Dieu.

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Sermons en ligne

Le Kenya a appris avec horreur et stupéfaction, la semaine dernière, la découverte des premières fosses communes de Shakahola et les enquêteurs s’attendent à en trouver d’autres. Pourtant, selon Stephen Akaranga, professeur de religion à l’Université de Nairobi, il est peu probable que ce « massacre » entraîne une attitude plus ferme des autorités vis-à-vis des sectes. Dans un Kenya a majorité chrétienne, les tentatives de contrôle des questions religieuses ont souvent rencontré une très forte opposition.

Il existe plus de 4 000 Églises au Kenya, un pays d’environ 50 millions d’habitants, selon des chiffres officiels. Certaines incitent les fidèles à s’acquitter de dons financiers, d’autres exercent un contrôle bien plus fort sur la vie des croyants, n’hésitant pas à détourner certains passages de la Bible.

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« La plupart de ces pasteurs autoproclamés n’a jamais mis un pied dans une université de théologie », assure Stephen Akaranga. Pourtant, leurs lacunes ne sont pas perçues par leurs ouailles, dit-il, ajoutant que la plupart de ces Églises indépendantes ont essaimé dans les zones rurales du Kenya « où les gens sont peu éduqués ». Les sermons en ligne ont également contribué à l’essor de ce type de cultes.

(avec AFP)

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