En Algérie, Amar Bendjama, du placard à l’ONU

Ancien ambassadeur brutalement relevé de ses fonctions en 2016 après un coup de sang de Saïd Bouteflika, ce diplomate de carrière a été nommé représentant de l’Algérie à l’ONU pour défendre, entre autres, la « cause sahraouie ».

Amar Bendjama, alors ambassadeur d’Algérie en France, à Nice, le 30 janvier 2015, aux obsèques d’Hervé Gourdel, assassiné près de Tizi Ouzou par des jihadistes. © Jean-François OTTONELLO/MAXPPP

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Publié le 28 avril 2023 Lecture : 4 minutes.

Il est des diplomates dont la mise au placard peut durer une éternité avant qu’ils ne soient admis à une paisible et confortable retraite. Amar Bendjama aurait aisément pu figurer dans cette catégorie, sa carrière ayant brutalement connu un coup d’arrêt, un jour de décembre 2016, au moment où il s’y attendait le moins.

Le lundi 5 décembre, Amar Bendjama, ambassadeur d’Algérie en France depuis l’été 2013, réunissait en effet ses collaborateurs au 5 rue de Lisbonne, à Paris, pour leur annoncer qu’il avait été relevé de ses fonctions. De retour à Alger le 1er janvier, il sera admis à la retraite d’office dix jours plus tard.

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Un prétendu crime de lèse-majesté

Il n’est pas dans les usages diplomatiques algériens de justifier et de commenter le renvoi d’un ambassadeur. Qui plus est lorsque celui-ci a occupé le prestigieux poste parisien. La faute d’Amar Bendjama ? Un prétendu crime de lèse-majesté. Saïd Bouteflika, alors puissant conseiller à la présidence, avait en effet ouï dire que Bendjama, lors de son passage au consulat d’Algérie à Marseille, avait ordonné que l’on décrochât le portrait officiel du président de la République. Une fausse accusation qui avait suffi à coûter son poste au diplomate.

La grande amitié qui liait Amar Bendjama au Premier ministre de l’époque, Abdelmalek Sellal (qui croupit aujourd’hui en prison), que le clan présidentiel soupçonnait, là encore à tort, de viser la succession d’Abdelaziz Bouteflika, n’avait pas non plus arrangé les affaires de Bendjama. Adieu donc Paris, bonjour le placard à Alger

Devoir de réserve et discrétion monacale

Depuis son retour au pays en janvier 2017, Amar Bendjama a strictement observé le devoir de réserve auquel il est tenu, se montrant d’une discrétion monacale. Sa mise au placard aura duré six ans et demi avant que le vent ne tourne en sa faveur avec l’arrivée d’Ahmed Attaf à la tête du ministère des Affaires étrangères, en mars dernier, en remplacement de Ramtane Lamamra.

Attaf et Bendjama étant des amis de longue date – diplômés de l’ENA, promotion 1975, la même qu’un certain Ahmed Ouyahia –, le premier a proposé le nom du second pour le poste d’ambassadeur d’Algérie auprès de la mission permanente de l’ONU, auquel il sera nommé par décret présidentiel le 11 avril.

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C’est en quelque sorte un retour aux sources pour Amar Bendjama, qui a été ambassadeur adjoint à l’ONU entre 1989 et 1991. Et c’est d’ailleurs l’une des raisons de sa désignation.

« Un peu bourru, mais en réalité sensible »

Âgé de 72 ans, ce natif de Skikda (dans l’Est) a fait une longue carrière dans la diplomatie. Ses anciens collègues et connaissances le décrivent comme un homme doté d’une excellente formation, aux compétences avérées et « un ambassadeur qui sait constituer et animer une équipe » de collaborateurs. « Il a un caractère un peu bourru, d’apparence sanguin, mais en réalité, il est sensible aux épreuves personnelles des diplomates et des personnels », confie l’un de ses amis.

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Un autre proche raconte que, peu de temps après sa révocation et son admission à la retraite en janvier 2017, Amar Bendjama a décliné une décoration de la France, que lui avait proposée Bernard Emié, alors ambassadeur de France à Alger. « Il n’a même pas consulté sa hiérarchie quand il a dit non », ajoute ce proche.

Bendjama a rejoint le ministère des Affaires étrangères en 1975, où il gravira les échelons avant de devenir ambassadeur à Addis-Abeba et à Londres, après son passage à la mission de l’ONU à New York. La période qui l’a sans doute le plus marqué est celle durant laquelle il fut le collaborateur direct d’Ahmed Attaf en tant que secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, entre 1996 et 2000.

La question sahraouie : une priorité

La confiance, l’amitié et la complicité qui lient les deux hommes depuis les bancs de l’ENA ont beaucoup pesé dans sa nomination à New York. « Ahmed Attaf veut exercer une autorité directe sur les grands postes diplomatiques, avance un proche. Le dossier du Sahara occidental est à cet égard une priorité. »

C’est peu dire que la question sahraouie est une priorité de la diplomatie algérienne. Elle l’est encore davantage depuis la rupture des relations avec le Maroc, en août 2021. Le président Abdelmadjid Tebboune ne manque d’ailleurs jamais l’occasion, à chacune de ses apparitions médiatiques, de réaffirmer le soutien indéfectible de son pays à la « cause sahraouie » et de défendre l’option du référendum sous l’égide des Nations unies comme unique solution pour régler ce conflit qui dure depuis quarante-huit ans.

Au sein de la mission permanente de l’ONU, à New York, Amar Bendjama aura donc pour principale mission de défendre ce dossier et devra croiser le fer avec son homologue marocain, Omar Hilale, dont chaque sortie médiatique a le don d’ulcérer les dirigeants algériens.

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