Derrière le Maroc et son champion OCP, Kaïs Saïed se lance sur la piste du phosphate
Après avoir rejeté les « diktats » du FMI, le chef de l’État tunisien appelle à la relance de l’industrie des phosphates sinistrée depuis la révolution de 2011.
Le président tunisien Kaïs Saïed a appelé à relancer l’industrie en berne du phosphate, susceptible à ses yeux de générer de revenus permettant à la Tunisie de se passer des emprunts auprès des institutions internationales.
Le chef de l’État a abordé cette question le 26 avril lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, trois semaines après avoir rejeté les « diktats » du Fonds monétaire international (FMI) qui conditionne l’octroi d’un prêt de 2 milliards de dollars à la Tunisie à des réformes économiques et à la levée de certaines subventions étatiques.
« Or non exploité »
Kaïs Saïed a comparé le phosphate dont regorge le sous-sol tunisien à de l’or non exploité. « Notre or est sous terre alors que le pays est confronté à une situation financière difficile », a-t-il dit lors de la réunion, selon une vidéo diffusée par la présidence.
« La qualité du phosphate tunisien est parmi les meilleures au monde et il faut trouver une solution rapide à ce problème. Cette situation ne peut pas durer », a-t-il ajouté. Estimant que la production pouvait atteindre dix millions de tonnes par an, il a affirmé que les revenus générés pourraient « renflouer en grande partie les caisses de l’État qui ne sera plus dans l’obligation d’emprunter de l’étranger ».
Il a en outre dénoncé « la corruption » en grande partie responsable selon lui du ralentissement de la production, citant notamment l’acquisition de wagons pour le transport du phosphate qui « se sont avérés inutilisables sur la voie ferrée existante ».
Région marginalisée
Ancien fleuron de l’économie tunisienne, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) a vu sa production s’effondrer depuis la révolution de 2011, à cause d’un manque d’investissements et de troubles sociaux à répétition pour réclamer emplois et mesures de développement dans la région marginalisée du centre-ouest, où est extrait ce minerai servant à fabriquer de l’engrais.
La Tunisie, qui en produisait 8 millions de tonnes en 2010, n’en extrait plus que 2,7 à 4 millions de tonnes par an depuis. Le pays est passé de cinquième à douzième producteur mondial. En 2020, il a même du importer du phosphate depuis l’Algérie pour subvenir à ses besoins.
L’exploitation du phosphate, censée être une source de revenus, est désormais une charge pour l’État. Le complexe chimique tunisien, qui transforme le phosphate est également en grande difficulté.
Exemple marocain
À l’inverse, au sein du Maghreb, le Maroc via son champion des phosphates OCP offre l’exemple d’une réussite industrielle servant l’essor du pays. Dirigé par Mostafa Terrab et détenu à 94 % par l’État marocain, le groupe aux 18 000 collaborateurs et aux 350 clients à travers le monde figure dans le top 5 mondial des producteurs d’engrais phosphatés, ayant réalisé un chiffre d’affaires record de 114,6 milliards de dirhams en 2022 (plus de 10 milliards d’euros).
Le groupe, qui affiche une capacité de production de 12 millions de tonnes d’engrais par an, prévoit d’investir quelque 13 milliards de dollars d’ici à 2027 pour atteindre les 20 millions de tonnes annuelles, tout en développant les énergies renouvelables, l’ammoniac vert, le dessalement de l’eau de mer mais aussi les produits chimiques spécialisés.
(avec AFP)
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