Ces nazis français qui voulaient « casser du Marocain » le soir du 14 décembre 2022
Le jour où le Maroc a disputé une place en finale de la Coupe du monde de football face à la France, un groupuscule d’extrême droite français fomentait une attaque contre les supporters marocains présents à Paris. « Libération » dévoile aujourd’hui les détails de l’affaire.
C’est l’histoire d’un drame qui n’a pas eu lieu, que détaille l’édition datée de ce 5 mai 2023 du quotidien français Libération. Il n’empêche : l’affaire aurait pu très mal tourner, étant donné le profil et les antécédents des personnes impliquées.
Rappel des faits : le 14 décembre 2022, au terme d’un parcours sportif historique, la sélection marocaine dispute – ce qu’aucune équipe africaine n’a jamais accompli avant elle – la demi-finale de la Coupe du monde de football face à la France, tenante du titre. L’événement est avant tout une fête pour les supporters des deux pays, même si le conflit de loyauté n’est pas loin pour certains binationaux ou Marocains ayant grandi dans l’Hexagone.
Esprits malades
Mais pour une poignée de personnes dont la passion du football est loin d’être la première motivation, cette soirée est celle de la colère. Comme toujours lorsqu’une équipe africaine, notamment maghrébine, dispute un match important et que les supporters affichent leurs couleurs et chantent leur fierté dans les bars ou les rues de France, une minuscule frange de racistes ne décolère pas. Des drapeaux marocains sur les Champs-Élysées ? Pour une poignée d’agités violents, l’image est intolérable. Sans même parler d’une hypothétique élimination de l’équipe de France par celle du Maroc, dont on imagine mal ce qu’elle aurait pu provoquer chez quelques esprits malades.
Fuck Maroc, Paris est à nous, Division Martel
Parmi ces extrémistes, une poignée de jeunes gens décide de passer à l’acte et, pour reprendre les termes employées sur l’une des messageries qu’ils utilisent pour communiquer et à laquelle Libération a eu accès, de lancer la « mobilisation générale pour défendre [le] drapeau face aux hordes de Marocains ». L’appel, lancé par une figure bien connue de l’extrême droite parisienne, un activiste de 24 ans violent et déjà condamné nommé Marc de Cacqueray-Valménier, circule sur la messagerie Telegram et parvient à fédérer une quarantaine de gros bras.
Surveillance policière
Rendez-vous est pris dans le XVIIe arrondissement, à proximité des Champs-Élysées, où les supporters ont l’habitude de se réunir après les matchs. L’idée est de se retrouver par petits groupes afin de ne pas trop éveiller les soupçons, de regarder la demi-finale ensemble puis, supposent les enquêteurs, d’aller à l’affrontement avec des supporters des Lions de l’Atlas. La police se base notamment sur une photo trouvée dans le téléphone de l’un des membres du groupe, un ancien militaire, photo représentant l’Arc de triomphe orné de la mention « Fuck Maroc, Paris est à nous, Division Martel ». Soit un petit condensé de slogans et de thèmes obsessionnels des groupuscules d’extrême droite radicaux.
Ce que le commando ignore, c’est qu’il est déjà surveillé par la police et que les groupes supposément secrets et cryptés sur lesquels il échange des messages se voulant allusifs sont scrutés par plusieurs équipes d’enquêteurs. Sans compter qu’avec leur look particulièrement peu discret – vêtements intégralement noirs, capuches, visages masqués… -, ils ont été repérés par les caméras de surveillance du métro parisien. Peu après 22 heures, les projets de ratonnade tournent court : à la sortie du bar du XVIIe arrondissement dans lequel ils avaient regardé la rencontre, Cacqueray-Valménier et ses amis sont appréhendés par un gros dispositif policier, composé de membres des compagnies de sécurisation et d’intervention et d’unités de la BAC, la brigade anticriminalité.
« Fichées S »
Au total, 38 personnes sont interpelées, et il s’avère que près de la moitié d’entre elles sont « fichées S », c’est-à-dire enregistrées comme susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État. Peu avant d’être appréhendé, l’un des individus a tenté de se débarrasser d’un sac à dos sur lequel les policiers mettent la main. À l’intérieur, raconte Libération, ils découvrent « tout le nécessaire à une future descente musclée : cagoules, gazeuses, sprays lacrymo, ceintures en métal, poings américains, bâtons téléscopiques et fumigènes ». Certains membres du groupe sont aussi équipés de gants plombés, protège-dents, coudières, genouillères et autres coquilles.
Des nazis des temps modernes
Lors des interrogatoires et des perquisitions, les policiers auront l’occasion de confirmer le profil politiquement très marqué des membres du commando. Présents sur des groupes de discussion consacrés à Hitler, ou anciens membres de groupuscules interdits suite à des actes de violence tels que les Zouaves Paris ou le GUD, plusieurs des hommes interpelés entreposent à leur domicile divers armes et ouvrages racistes, négationnistes et antisémites. « Des nazis des temps modernes », résume un agent des renseignements en charge de l’affaire.
Sept d’entre eux seront jugés au mois de septembre prochain pour « port d’armes prohibées » et « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ».
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