Ce que l’on sait de l’attaque contre les pèlerins juifs à Djerba
Déjà visé par un attentat en 2002, le traditionnel pèlerinage de la Ghriba en Tunisie est à nouveau endeuillé. L’assaillant, qui a été abattu, est un ancien membre de la Garde nationale connu pour ses sympathies islamistes.
Les festivités du pèlerinage de la Ghriba à Djerba touchaient à leur fin quand, en début de soirée le 9 mai, une attaque menée par un homme isolé a fait de la fête un drame. Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, le bilan est d’un mort et cinq blessés dans les rangs des forces de sécurité, de quatre blessés parmi les civils et de deux morts parmi les fidèles, un Français de 42 ans et un Tunisien de 30 ans, membres de la même famille.
Des tirs entendus aux alentours de 20 heures dans les environs de la synagogue de la Ghriba, le plus ancien lieu saint de la tradition juive en Afrique du Nord, avaient mis en alerte les forces d’intervention, les organisateurs et le millier de pèlerins encore présents sur les lieux. Une situation tout à fait inattendue dans une zone sensible, placée sous haute sécurité.
Extrémiste religieux
La confusion a régné pendant quelques heures, d’autant que les réseaux sociaux se sont emparés de l’incident et que chacun y allait de son information, bien souvent erronée. Le journaliste Riadh Jrad, connu pour sa proximité avec le pouvoir, s’est ainsi risqué à assurer qu’il ne s’agissait que d’un règlement de comptes entre deux membres de forces de l’ordre. Il a été démenti par un communiqué du ministère de l’Intérieur qui confirmait l’attaque et retraçait sa dynamique.
L’auteur de l’attentat est un jeune agent de la Garde nationale maritime, suspendu de ses fonctions pour son extrémisme religieux. Il s’est présenté, vêtu de sa tenue, sur son ancien lieu de travail, au port de pêche d’Aghir (est de Djerba), a tué un collègue, lui a dérobé son arme et son quad, avant de prendre la direction de la Ghriba. L’alerte a été donnée aussitôt, sans pour autant préciser que l’individu en uniforme conduisait un quad.
À l’approche de la synagogue, il a été surpris par le dispositif de sécurité déjà déployé qui l’empêchait d’accéder au lieu de culte. Il a alors entrepris de tirer de manière aléatoire pour se défendre et couvrir sa fuite. Il a été abattu par les agents des unités spéciales d’intervention.
Pour le moment, les motivations réelles du jihadistes restent obscures et non revendiquées. A-t-il agi seul ? Était-ce un coup de folie ou une opération organisée ? L’enquête en cours le dira.
Souvenir de 2002
Après un premier moment d’hébétude, beaucoup de pèlerins ont quitté l’île, qui en voiture, qui en avion et jusque tard dans la nuit, ils faisaient part, sur les réseaux sociaux, de leur soulagement d’avoir pu partir rapidement et surtout d’être sains et saufs. Tous ont en mémoire l’attentat de la Ghriba, revendiqué par Al-Qaïda en 2002, qui avait fait 19 morts. Le contrecoup avait été sévère, avec une défection des touristes occidentaux qui a engendré une grave crise du secteur.
Le phénomène se reproduira après les attentas terroristes des années 2013 à 2019, dont celui de l’attaque d’hôtels à El Kantaoui (Centre Est) et celle du musée du Bardo à Tunis en 2015. À chaque fois l’affluence ou la désaffection du pèlerinage donne le ton de la saison.
La Tunisie, qui pensait en avoir fini avec les épisodes sanglants du terrorisme, déchante. Elle va devoir déployer tout son entregent pour préserver une saison touristique qui s’annonçait bonne, et dont le pays a besoin. Cette année, selon les organisateurs, plus de 5 000 visiteurs, essentiellement venus de France, des États-Unis et d’Israël, avaient afflué à Djerba, sans compter la participation de la communauté juive tunisienne qui compte 1 500 âmes.
Beaucoup retiendront, outre la présence habituelle de politiques et d’ambassadeurs, que les États-Unis ont non seulement dépêché leur ambassadeur, Joey Hood, à Djerba mais aussi l’ambassadrice Deborah Lipstadt, envoyée spéciale du président Biden pour la lutte contre l’antisémitisme en Amérique et partout dans le monde.
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