Sénégal : premier check-up

L’économiste Seydi Ababacar Dieng, directeur du laboratoire de recherches économiques et monétaires (Larem) de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Ucad) revient sur la politique économique de Macky Sall, au cours des dix-huit premiers mois de sa présidence.

Seydi Ababacar Dieng est économiste à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. DR

Seydi Ababacar Dieng est économiste à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. DR

Publié le 22 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Dresser un bilan objectif des actions du nouveau régime en matière de politique économique et sociale après un an et demi d’exercice du pouvoir semble difficile étant donné les impondérables délais entre l’annonce des mesures, leur mise en oeuvre, leur intégration dans le comportement des acteurs économiques et sociaux, et l’apparition de leurs premières conséquences, positives ou négatives. En revanche, il est possible d’apprécier la pertinence de ces mesures à l’aune du contexte actuel, ne serait-ce qu’à travers quelques indicateurs conjoncturels.

Ainsi, selon la note de conjoncture du 2e trimestre 2013 de la Direction de la prévision et des études économiques, une large majorité des entrepreneurs estime l’environnement des affaires peu propice et déplore les difficultés d’accès au financement, tandis que plus de la moitié des ménages interrogés constatent une augmentation de leurs dépenses de consommation, en particulier d’électricité. La politique de subvention des prix de l’électricité et des produits pétroliers n’a vraisemblablement pas eu les effets escomptés.

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La politique de subvention des prix de l’électricité et des produits pétroliers n’a vraisemblablement pas eu les effets escomptés

Cette hausse relative du coût de la vie intervient dans un contexte social peu enviable : seuls 27,2 % des sondés ont accès à un service d’assainissement, 29,8 % font deux repas par jour et 57,5 % ont été victimes de délestages. La mise en place de la couverture maladie universelle pour les enfants de moins de 5 ans et de la bourse de sécurité familiale devrait donc atténuer, ne serait-ce qu’en partie, la souffrance des plus pauvres.

L’emploi salarié dans le secteur privé a connu une légère amélioration de 0,7 % entre juin 2012 et juin 2013. Les effectifs de la fonction publique ont crû de 4,7 % entre mars 2012 et mars 2013. Des résultats globalement encourageants, qui demeurent toutefois très en deçà des attentes des populations, notamment les plus démunies.

En matière de gouvernance vertueuse des finances publiques prônée par le nouveau régime, il reste du chemin à faire. L’examen du mémorandum sur les politiques économiques et financières de juin 2013 révèle en effet que, malgré les efforts entrepris, le gouvernement doit « renforcer la gestion des finances publiques et la gouvernance ». Les statistiques de la Direction centrale des marchés publics montrent par ailleurs que le pourcentage de marchés passés par entente directe depuis 2012 demeure fluctuant et parfois élevé. Pour les quatre trimestres de l’année 2012, ce pourcentage d’entente directe est respectivement de 14 % (ancien régime), 10 %, 24 % et 24 % (nouveau régime). En 2013, il est de 13 % au 1er trimestre et 14 % au 2e trimestre.

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Absence de Sanctions

Concernant l’application de la lutte contre la délinquance financière, certains membres de l’opposition voient dans la traque des biens mal acquis un outil de déstabilisation qui leur est particulièrement destiné. Ils estiment que le gouvernement applique une politique de deux poids, deux mesures en leur défaveur. Pour le moment, l’absence de sanctions à l’encontre des responsables fautifs de détournements de deniers publics ou de mauvaise gestion leur donne raison. 

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Des résultats d’audits de structures publiques telles que les universités, en particulier celle de Dakar, sont pourtant disponibles et publiés par certains quotidiens nationaux. En tant que lieu de formation des futurs dirigeants, les universités devraient être exemplaires en matière de transparence, d’éthique et de bonne gouvernance. Le gouvernement doit donc agir avec rigueur s’il veut éviter que sa crédibilité soit entachée.

Doing Business

Enfin, si de prime abord le classement du Sénégal dans le rapport « Doing Business » 2014 est mauvais comparé au précédent (178e rang sur 189 pays, contre 166e sur 185 en 2013), dans l’absolu, le pays a connu une progression régulière.

Mieux, il fait partie des 50 nations qui ont le plus réduit « la distance à la frontière », nouvel indicateur qui donne une idée de l’éloignement d’une économie par rapport à la meilleure performance (la « frontière ») réalisée sur chaque indicateur « Doing Business » depuis 2005. Le Sénégal doit donc s’évertuer à renforcer et élargir son cadre réglementaire pour rendre son environnement des affaires plus attrayant. 

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