Les compagnies aériennes africaines se révoltent

Pour les compagnies aériennes africaines, réunies au Kenya les 25 et 26 novembre, ne tenir que 20% des liaisons intercontinentales partant d’Afrique n’est plus acceptable. La liste noire européenne non plus.

Ethiopian Airlines a enregistré une nouvelle hausse de 25 % de son trafic passager en 2012. © AFP

Ethiopian Airlines a enregistré une nouvelle hausse de 25 % de son trafic passager en 2012. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 27 novembre 2013 Lecture : 5 minutes.

À Mombasa, au Kenya, l’heure était à la mobilisation générale pour que les transporteurs aériens du continent regagnent du terrain face à leurs concurrents d’Europe et du Moyen-Orient. « Nous ne représentons que 3 % du trafic mondial et 20 % des liaisons intercontinentales partant d’Afrique, ce n’est pas acceptable. Et la situation est encore pire dans les pays francophones, dans lesquels Air France garde une position dominante », a lancé le zimbabwéen Elijah Chingosho, secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), en guise de mot d’ordre aux participants à la 53e assemblée générale de son organisation.

Le prix du carburant représente 40 à 50 % des coûts d’opération des avions africains contre 30 % ailleurs dans le monde.

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Situation financière préoccupante

Plus de 370 participants avaient fait le déplacement dans la seconde ville du Kenya, sur les bords de l’Océan indien, pour réfléchir aux moyens de reprendre l’offensive, alors que la situation financière de plusieurs compagnies reste préoccupante, particulièrement en Afrique francophone.

Parmi les figures du secteur présentes à Mombasa, les deux grands rivaux d’Afrique de l’Est : Titus Naikuni, patron depuis 12 ans de Kenya Airways, président de l’Afraa et hôte de la manifestation, et Tewolde Gebremariam, président d’Ethiopian Airlines, très offensif sur le continent, qui vient de prendre 49 % des parts dans Malawi Airlines pour se développer en Afrique australe. Monwabisi Kalawe, nommé en avril dernier PDG de South African Airways, avait aussi fait le déplacement à Mombasa.

Performances

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Pour faire progresser leurs volumes de passagers – en hausse de 5,3 % en Afrique -, et améliorer leurs performances financières et techniques, les compagnies africaines ont creusé ensemble plusieurs pistes. Quatorze compagnies ont d’ores et déjà rejoint le groupe d’achat conjoint de kérosène, qui leur permet d’améliorer leur pouvoir de négociation face aux pétroliers. Un point crucial quand on sait que le prix du carburant représente 40 à 50 % des coûts d’opération des avions africains contre 30 % ailleurs dans le monde.

Les transporteurs ont également étudié les moyens de pousser les gouvernements africains à diminuer les taxes sur leur secteur. En 2013, la Côte d’Ivoire, le Ghana et l’Angola ont accepté de les revoir à la baisse, mais il reste encore beaucoup à faire. « Nous voulons aussi pousser les États à une égalité de traitement entre opérateurs africains et étrangers, ce qui n’est pas le cas actuellement. Certains pays favorisent les compagnies européennes et du Golfe qui leur promettent des touristes ou des appuis techniques », indique Enok Teferra, vice-président d’Ethiopian Airlines en charge de l’international.

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Nouvelles technologies

Autre chantier important sur lequel se sont penchés les cadres du secteur aérien africain, celui de la mise en place des nouvelles technologies aussi bien pour la distribution des billets que pour les différentes étapes franchies par un passager, de son enregistrement jusqu’à sa sortie de l’aéroport d’arrivée. Des systèmes de gestion qui améliorent la qualité de service, y compris en cas de problème. « Ne nous y trompons pas, avertit Djibril Tabouré, du distributeur APG, si les compagnies européennes sont souvent préférées aux transporteurs africains, c’est parce qu’en matière de qualité de service, elles sont bien meilleures. Dès qu’un passager a un problème quand il voyage avec une compagnie africaine, il n’y a plus personne pour lui répondre », regrette-t-il.

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Sur les compagnies aériennes africaines :

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Si la sécurité n’a pas été le thème central de l’assemblée générale de l’Afraa – contrairement aux années précédentes -, Elijah Chingosho a rappelé la nécessité pour les compagnies africaines de respecter les standards internationaux et la possibilité d’être aidé pour cela par les plus grandes compagnies du continent. « D’ici à 2015, il ne devra pas y avoir une compagnie membre de l’Afraa qui ne soit pas conforme aux standards internationaux Iosa [NDLR : Iata Operational and Safety Audit (IOSA) est la première norme mondiale pour la vérification de la sécurité des procédures d’exploitation des transporteurs aériens] ! « , prévient Elijah Chingosho.

Liste noire

Le secrétaire général de l’Afraa a toutefois réitéré sa vive opposition à la fameuse « liste noire de l’Union européenne », vue comme protectionniste et ruineuse pour l’image, qui interdit l’entrée du Vieux continent aux compagnies dont l’aviation civile nationale est mal notée.

Fait nouveau, il a été rejoint dans sa critique par Tony Tyler, le puissant secrétaire général de l’Association internationale des transporteurs aériens (Iata) : « La manière dont est élaborée la liste noire de l’Union européenne n’est pas transparente. Elle jette l’anathème sur l’ensemble des compagnies africaines, y compris celles qui font des efforts. Elle ne les aide pas à progresser en matière de sécurité », a-t-il affirmé à Mombasa.

Taille

Reste un point crucial, pour que les compagnies du continent résistent efficacement à leurs concurrents, celui de leur taille. En dehors de Kenya Airways, la Royal Air Maroc, South African Airways et Egyptair, peu de transporteurs peuvent réaliser des économies d’échelle, adhérer à des alliances internationales comme Star Alliance et Sky Team… et rivaliser avec les plus grands. « Le transport aérien africain ne peut pas continuer à avancer avec des petites compagnies. Elles ne pourront pas survivre dans l’environnement concurrentiel tel qu’il est aujourd’hui », estime Titus Naikuni, de Kenya Airways.

Une situation particulièrement vraie en Afrique de l’Ouest : « Il y a trop de groupes aériens dans cette région. La plupart d’entre eux naissent et meurent en l’espace de quatre ans. Pire, leur management est instable, ce qui empêche d’avoir une stratégie durable et claire », regrette Abderrahmane Berthé, qui préside Air Burkina, après avoir dirigé Air Mali, dont les opérations sont aujourd’hui suspendues.

Après Ethiopian Airlines, qui a lancé le transporteur régional Asky depuis Lomé, Kenya Airways pourrait aussi être tenté de s’implanter davantage dans cette région : Titus Naikuni se rend à Abidjan le 5 décembre 2013. Le signe d’une nouvelle phase de concentration dans le secteur ?

Mise à jour du 27 novembre 2013 (17:00 CET) : Elijah Chingosho est de nationalité zimbabwéenne et non tanzanienne comme indiqué précédemment. 

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