« Safi », la chanson du Burkinabè Blem qui a mis le feu aux poudres féministes
Saisi par un collectif de féministes, l’organe burkinabè de régulation des médias a interdit la diffusion de la chanson « Safi », pourtant nominée, le lendemain, aux trophées nationaux de la musique.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 13 mai 2023 Lecture : 2 minutes.
Dans un communiqué daté du 11 mai, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso évoquait la chanson polémique Safi de l’artiste musicien Blem. L’organe de régulation des médias avait été saisi par le Collectif des féministes du Burkina Faso, qui jugeait le titre « attentatoire aux valeurs morales et éducatives, à la pudeur, aux bonnes mœurs et à la dignité de la personne humaine, notamment celle de la femme ». Après une session extraordinaire, le Collège des conseillers du CSC indique avoir « relevé des propos de nature grossière et obscène ainsi que d’autres manquements relatifs à la discrimination raciale ou basée sur le handicap ».
Ainsi, le Conseil « invite tous les responsables des médias à prendre des dispositions idoines afin de s’abstenir de diffuser » cette œuvre à compter du 11 mai 2023. « Invitation » ? Que la cordialité du terme ne trompe pas. Le communiqué du CSC conclut que les contrevenants « s’exposeront aux sanctions en vigueur prévues par la loi en la matière »…
« Apologie du viol »
Même en prenant toutes les précautions, en matière de traduction de la langue mooré vers le français, et même en édulcorant le niveau de langage, il apparaît clairement que la fiction scandée par le chanteur évoque une jeune femme que le narrateur aurait tenté de séduire en vain, mais dont les faveurs sexuelles seraient subitement devenues « gratuites » pour cause de folie.
Une démence pour laquelle le personnage « rend grâce à Dieu », froissant potentiellement les « handicapés » évoqué par le CSC, de même qu’une communauté étrangère à laquelle il est suggéré que la dénommée Safi aurait, avant son trouble, accordé des faveurs décrites, au premier degré, comme scatologiques. Et le clip d’enfoncer le clou de paroles qui évoquent que la vertu de la jeune femme passerait aujourd’hui de mains en mains. « Une apologie du viol » pour le Collectif des féministes du Burkina Faso…
Théorie complotiste ?
« Affligé » et « peiné » par la campagne de dénonciation, Moktar Kaboré – le vrai nom de Blem – affirme que son langage cru sied aux « jeunes », à « leur époque », de même qu’il puise dans un lexique qui, s’il est choquant, « vient du dictionnaire ». Une manière d’esquiver le fond du propos ? Sur ce point, l’artiste insiste : l’objectif est de « dénoncer la vie facile que veulent s’offrir les filles, comme avoir de l’argent, rouler dans de grosses voitures et voyager ».
Si Blem se dit prêt à « reprendre » éventuellement « la chanson en enlevant les mots qui choquent et dévalorisent la femme », il surfe également sur une théorie vaguement complotiste. Nominé dans les catégories « révélation » et « espoir » par le commissariat général des Kundé – les plus célèbres trophées burkinabè de la musique –, le chanteur s’étonne du calendrier des plaintes, trois mois après la sortie du clip, mais à quelques heures de la cérémonie qui se déroulait ce vendredi 12 mai.
En interview, il a déclaré qu’il était « peut-être un candidat menaçant » pour les artistes préférés des plaignantes. Le langage de la drill va souvent de pair avec l’egotrip… À l’heure du streaming, peut-être la polémique aura-t-elle boosté l’audience du présumé misogyne. Son « affliction » pourrait se traduire en droits d’auteur…
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