La BEAC ingouvernable depuis le dernier sommet de la Cemac ?

Querelles intestines, polémiques, dysfonctionnements… Ces temps derniers, la Banque des États de l’Afrique centrale a beaucoup fait parler d’elle. Las, la situation a encore empiré depuis la Conférence des chefs d’État de la Cemac de mars, au point de devenir presque intenable. Et dire que le mandat du gouverneur, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, s’achève en janvier 2024…

Siège de la Banque des États de l’Afrique centrale, à Yaoundé, au Cameroun. © Diego Ravier pour JA

Djimadoum Mandekor © DR

Publié le 28 mai 2023 Lecture : 3 minutes.

Dans le communiqué final de la Conférence des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) qui s’est tenue le 17 mars 2023, les chefs d’État recommandaient aux responsables des dix-huit institutions qu’ils venaient de nommer, comme à ceux déjà en place, « d’inscrire leurs actions dans le cadre de la transparence dans la gestion et du renforcement de la collégialité dans les prises de décision ».

L’encre prescrivant la bonne gouvernance et la collégialité dans ses institutions à peine séchée, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) s’est embarquée sur la voie du blocage progressif de son fonctionnement. Selon certaines indiscrétions, le gouverneur, dont le mandat arrivera à terme en janvier 2024, a notamment signé deux décisions avant d’organiser la réunion inaugurale du gouvernement de la BEAC issu du récent sommet de la Cemac.

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Décisions controversées

La première, datée du 3 avril 2023, concerne la nomination d’un conseiller spécial du secrétaire général de la Commission bancaire en Afrique centrale (Cobac), en la personne du directeur général sortant des études, finances et relations internationales.

Cette décision a entraîné une cinglante réaction du nouveau directeur général pour le contrôle général (DGCG), le Camerounais Blaise Eugène Nsom – réaction portée sur la place publique via les réseaux sociaux et dont Jeune Afrique s’est fait l’écho. Le DGCG, se déclarant « garant du respect des textes et du cadre entourant l’intégralité de l’action de la BEAC » et citant la résolution des chefs d’État de la Cemac, a enjoint au gouverneur Mahamat Abbas Tolli de reporter sa décision, considérée comme sans fondement juridique clair et susceptible d’être préjudiciable à un tiers.

La seconde, adoptée le 5 avril 2023, est relative à la publication des candidats admis au concours de recrutement des cadres supérieurs de l’Institut d’émission. Or, cette procédure de sélection de nouveaux fonctionnaires de la BEAC, entamée en mai 2022, avait fait l’objet de longues controverses au sein de l’institution, et débouché sur sa suspension par le Comité ministériel de l’Union monétaire en Afrique centrale, l’organe supervisant, entre autres, le fonctionnement de la BEAC et la nomination de ses dirigeants.

Si cette dernière décision du gouverneur de la BEAC n’a pas fait l’objet d’une réaction connue, elle aurait suscité de la part des autres membres du gouvernement, sur la base des mêmes éléments invoqués dans la lettre du DGCG mentionné plus haut, des mesures pour en empêcher l’application, dont le refus de prendre en charge les frais de ce recrutement.

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Avec le retour du gouverneur d’une longue mission, la première réunion du gouvernement remanié est très attendue, notamment pour discuter du principe de collégialité, présenté comme cardinal par ses nouveaux membres. La pertinence de l’avis juridique émis par la Cour de Justice de la Cemac, en décembre 2022, sur la suspension du concours par le comité ministériel, qui semble donner raison à la position du gouverneur, devrait être également évoquée.

Bonnes pratiques

Le FMI, présent à Yaoundé depuis le 8 avril pour ses entretiens annuels avec les institutions de la Cemac, sera peut-être mis à contribution pour rappeler les bonnes pratiques de gouvernance d’une banque centrale qu’il avait aidé à instaurer en 2009-2010, après le scandale des détournements de fonds au bureau parisien de la BEAC. La notion d’indépendance de la Banque, et non du gouverneur ou du gouvernement, devrait en particulier être revue.

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Cependant, les autorités de la Cemac sont en premier lieu interpelées pour éviter que ne se reproduisent à la BEAC les empoignades qui avaient conduit, début 2010, au remplacement presque intégral du gouvernement dirigé par Philibert Andzembé, auquel avait succédé Lucas Abaga Nchama, unique survivant de cette purge.

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