En Algérie, le général-major Ali Ghediri à nouveau condamné

Candidat à la présidentielle avortée de 2019, l’officier avait été condamné à quatre ans de prison. Il devait sortir au mois de juin prochain, mais la justice vient d’alourdir sa peine.

Ali Ghediri, à Alger, le 5 février 2019. © Louiza Ammi pour JA

Publié le 22 mai 2023 Lecture : 3 minutes.

La cour d’Alger a alourdi la peine de l’ancien général-major, Ali Ghediri, le condamnant à six années d’incarcération pour « atteinte au moral de l’armée en temps de paix ». Ce qui est un fait assez rare en Algérie puisque généralement, à l’issue des procès en appel, la peine prononcée en première instance est soit reconduite, soit allégée.

Depuis juin 2019, le haut gradé purge une peine de quatre ans à la prison de Koléa pour avoir appelé l’institution militaire, dans une interview au quotidien El Watan fin 2018, à barrer la route au cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika qui se profilait alors.

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Le 13 juin prochain, l’ex-candidat à la présidentielle avortée d’avril 2019 aurait purgé la totalité de sa peine, et aurait pu recouvrer sa liberté. Le verdict de la cour d’appel d’Alger, énoncé dans la nuit du 16 au 17 mai, le maintient donc en prison jusqu’en juin 2025. La justice le prive également de ses droits politiques et civiques pendant cinq ans.

À la barre, l’accusé a récusé le chef d’inculpation « d’atteinte au moral de l’armée ». « On ne fait pas bouger les armées avec des déclarations. Je n’ai fait qu’exprimer une opinion. Je ne pouvais pas rester passif devant ce qui se passait dans mon pays. Nous étions au bord du précipice. On voulait propulser encore une fois [l’ex-président Abdelaziz Bouteflika] sur chaise roulante à la tête de l’État », a-t-il déclaré. Vers 3h00 du matin, l’ex-haut gradé a quitté la salle d’audience et rejoint le lieu de sa détention dans un fourgon de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), sous les encouragements de sa famille.

« Un procès inique »

Ses avocats, qui pressentaient lors du réquisitoire du parquet que l’aggravation de la peine se dessinait, ont dénoncé lors de leurs plaidoiries « un procès inique ». « Le réquisitoire du procureur repose sur un écrit de presse autour duquel on a bâti une histoire qui ne tient pas la route. Rien dans les faits ne cadre avec l’accusation », s’insurge l’un d’eux.

En octobre 2022, après un appel introduit par ses avocats, la cour suprême a annoncé le renvoi du dossier de l’ancien général-major devant la chambre criminelle de la cour d’Alger. Sa défense espérait le voir comparaître à nouveau libre et acquitté. Mais la rapidité avec laquelle la date d’une audience en appel a été fixée a inquiété la défense de Ghediri et ses proches. Son nom ne figurait pas sur le tableau de programmation de la session d’appel affichée en avril dernier, et y a été ajouté par le greffe. « C’est très bizarre. On a créé une session spéciale pour lui », confie un membre de son collectif défense.

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Cette programmation impromptue avait poussé sa famille à soutenir, quelques jours avant le procès, via les réseaux sociaux que « son seul souci est qu’Ali Ghediri retrouve sa liberté », loin de toute ambition politique. À l’origine de cette mise au point, de nombreuses vidéos diffusées sur YouTube qui prêtaient à l’ancien général-major la volonté de renouer avec la politique à sa sortie de prison .

Interpellé à son domicile le 12 juin 2019, l’officier supérieur, qui a été à la tête de la direction centrale des ressources humaines du ministère de la Défense nationale pendant quinze ans, avait initialement été poursuivi pour « participation à la fourniture d’informations qui portent atteinte à l’économie nationale à des agents de pays étrangers », parmi lesquels une certaine Sephora Cohen, et « faux et usage de faux ». Des accusations – qui seront finalement annulées par la chambre d’accusation de la cour d’Alger – étayées, selon l’accusation, par son étrange rencontre avec l’homme d’affaires Hocine Gasmi, en septembre 2018.

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Un encombrant soutien

À l’époque, Gasmi, qui se présentait comme chef de parti, avait proposé au général-major Ghediri, novice en politique et ne disposant d’aucun soutien partisan, raconte ce dernier en audience, de l’aider à collecter les 5 000 signatures de soutien à sa candidature au scrutin présidentiel. Rassuré par la multitude de photos des pontes du système qui ornaient tout un mur du bureau de son interlocuteur, Ghediri avait accepté la proposition.

Problème : selon le dossier judiciaire, Hocine Gasmi est en réalité un repris de justice qui se cachait derrière la fausse identité de Hocine Gouasmi pour créer une formation politique, le Forum de l’Algérie de demain, et approcher de hauts responsables algériens. Lui aussi était sur la banc des accusés lors du procès en appel, et a vu sa peine alourdie : elle est passée de 10 ans à 12 ans de détention.

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