Faada Freddy, la leçon de beatbox
De retour avec deux nouveaux morceaux, le chanteur sénégalais revient sur l’origine de ses compositions organiques, « sans concession ».
Quand il était petit, Abdou Fatha Seck – alias Faada Freddy – était un peu « l’idiot » de la famille, selon ses propres mots. « Ils étaient tous intellectuels et scientifiques, et moi j’étais tête en l’air, rêveur. On m’envoyait acheter des chandelles, je revenais avec des bananes », raconte-t-il au téléphone, à l’occasion de son grand retour musical, huit ans après Gospel Journey, pour un nouvel EP. Une première confidence qui nous conduit tout droit à la maison familiale, au Sénégal, dans laquelle il a grandi et commencé à façonner sa voix de soulman rocailleuse.
Stevie Wonder, Aretha Franklin, Fela Kuti…
Les premiers signes de ce timbre à venir datent d’il y a fort longtemps, il n’avait alors que 5 ou 6 ans. Chez lui, on parlait français, mais il se souvient avoir été bercé par l’anglais avec des tubes de la Motown, la voix de Stevie Wonder, les mélodies de Billie Holiday, Aretha Franklin, Otis Redding… Fela Kuti, Michael Jackson et Bob Marley n’étaient jamais loin non plus. « Quand on est enfant on est une éponge, et on retient tout des artistes de son époque », observe-t-il. À force d’écoutes, l’anglais est devenu aussi naturel que le français.
« En cuisine, ma mère chantait et je l’imitais, c’est de là que viennent ces voix de tête », confie Faada Freddy, dont le dernier EP illustre à merveille cette intonation cristalline. Dans la famille, il n’y a ni artiste ni chanteur, mais il a une bonne raison de travailler sa voix, sa grand-mère : « J’en étais amoureux et je voulais chanter pour elle », raconte-t-il.
Jouer sans accompagnement classique, c’est ma manière de faire de la musique bio, ma petite participation à la lutte écologique
Dans sa bibliothèque de souvenirs d’enfance, il y a la musique qu’il entend, celle qu’il chante, mais aussi celle qu’il fabrique de ses mains. « Je me souviens d’avoir créé mes propres instruments. On fabriquait des guitares avec des boîtes de conserve et des bidons d’huile pour faire la caisse, et on complétait avec des planches récupérées chez le menuisier. » C’est ainsi qu’il a commencé à jouer avec des matériaux de récupération.
« À 7 ou 8 ans, j’ai commencé à chanter à l’école, dans la chorale. On m’a dit : “Tu viens en lead”, et c’est là que j’ai compris que je pouvais chanter », se souvient-il. Quelques années plus tard, à l’adolescence, il prend la voie du hip-hop, avec son groupe Daara-J, dont il dit sobrement qu’il devient « populaire ». En parallèle, on s’inquiète de voir « l’idiot de la famille » se lancer dans la musique, avant de comprendre que l’enfant rêveur a trouvé son domaine d’épanouissement. « Quand les gens t’accueillent à l’aéroport comme si tu avais gagné la coupe du monde, qu’ils demandent des autographes à tes frères, qu’on frappe à ta porte… les visions changent ! » sourit-il. Avoir la bénédiction de ses parents est sa plus grande victoire d’artiste.
Sans instrument
En 2015, on le découvre dans un autre épisode de sa vie de chanteur. Un projet solo baptisé Faada Freddy – il est loin d’être seul en réalité –, où la voix est au cœur de l’œuvre. Tables Will Turn et Golden Cages portent la même signature que Gospel Journey : une création 100 % organique, sans technologie. Pas un doigt sur une touche d’ivoire ni paume au contact d’une peau de chèvre tendue.
La seule peau qui sonne, c’est celle des musiciens qui font des percussions corporelles. Tables Will Turn vibre au rythme des beatboxers, fait émerger les basses à base de simples cordes vocales, résonner les poitrines. Ces instruments vivants sont d’ailleurs les mêmes que pour le premier album. Il a mis du temps à les trouver, ils sont bien plus que de belles voix : « Ils me donnent l’impression d’être toujours en famille, on s’éclate comme des enfants sur les routes des tournées. »
L’idée de se passer d’accompagnement classique lui est venue d’une « saturation » de sa pratique musicale. « Je joue de la basse, je la pose ; je prends une guitare électrique, je la pose ; je me mets au piano… Je veux quelque chose de plus naturel. L’humain a créé tout ça, donc au fond, cette musique dort en nous. Je suis sûr qu’on peut faire sans », explique-t-il avant d’ajouter : « C’est ma manière de faire de la musique bio, ma petite participation à la lutte écologique. On utilise moins de déchets, on ne coupe pas d’arbres pour fabriquer d’instruments, on ne perturbe rien de l’ordre naturel », sourit-il.
Introspection créative
Aussi nombreux soient-ils à y faire participer leurs corps, ces deux morceaux sont pourtant nés de la solitude, pendant le confinement. « Quand le Covid est venu nous dire de nous enfermer, de ne plus voir personne et de ne plus sortir, je lui ai répondu : “Tu vas le regretter parce que je vais en profiter pour écrire un album !” » C’est de cette période de restriction, muée en introspection méditative, qu’est né Golden Cages.
« J’avais l’impression qu’on était en cage, mais que ça allait au-delà des quatre murs autour de nous. L’idée de cette chanson est de parler de la façon dont nos esprits peuvent être cloisonnés et nous enfermer dans un engrenage négatif. Si on se dit que le monde n’est pas bon, alors on ne verra pas la beauté du monde. Internet est une autre cage à laquelle je fais référence. Je trouve qu’à force d’être connectés, on en oublie parfois de voir le monde avancer. »
Mais dans cet EP, Faada Freddy apporte aussi une touche d’espoir face aux crises politiques, alimentaires, climatiques, identitaires… avec Tables Will Turn : « Tant que l’humain est là, il doit résister. Sans volonté de prêcher, je veux simplement dire aux gens qui ne voient pas le bout du tunnel de ne pas baisser les bras. Vivre, ça veut dire se battre, chercher la force, se donner les moyens. Pour vivre pleinement, on doit commencer par se donner du courage et essayer de voir le positif. »
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