Les familles de détenus tunisiens en appellent à la Cour africaine des droits de l’homme

Les proches d’une partie des opposants, journalistes et hommes d’affaires emprisonnés depuis février se tournent vers la juridiction continentale, estimant que les prisonniers n’ont pas les moyens de faire valoir leurs droits dans leur propre pays.

Yusra Ghannouchi (à d.) et Kaouther Ferjani (à g.), filles de personnalités tunisiennes détenues depuis février pour des raisons politiques. Ici lors d’une interview à Nairobi, le 23 mai. © Tony KARUMBA / AFP.

Publié le 24 mai 2023 Lecture : 3 minutes.

Les familles de membres de l’opposition tunisienne arrêtés ont déposé ce 24 mai une plainte devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) pour demander la libération immédiate de leurs proches. Depuis le début de février, les autorités tunisiennes ont incarcéré plus de vingt opposants et des personnalités, parmi lesquelles des ex-ministres. Cette répression a été condamnée par la communauté internationale et par les groupes de défense des droits humains.

Rached Ghannouchi, l’ancien président du Parlement et l’un des principaux opposants au président tunisien Kaïs Saïed, qui a dissous le Parlement en juillet 2021 et s’est arrogé les pleins pouvoirs, figure parmi les personnes détenues. Âgé de 81 ans, le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, avait été arrêté en avril, et condamné le 15 mai à un an de prison pour « apologie du terrorisme ».

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Pour sa fille, Yousra Ghannouchi, 45 ans, qui vit en Grande-Bretagne, les accusations portées contre l’ancien président du Parlement tunisien sont « politiquement motivées et fabriquées » et font partie d’une tentative de Saïed pour « éliminer l’opposition », a-t-elle déclaré. Le chef de l’État avait de son côté affirmé que les personnes détenues étaient des « terroristes » impliqués dans un « complot contre la sûreté de l’État ».

« Nous ne nous tairons pas »

Ces arrestations et condamnations ont été qualifiées par les opposants de « coup d’État » et de retour à un régime autocratique dans la seule démocratie qui a émergé à la suite des soulèvements des Printemps arabes il y a plus de dix ans. Dans le cadre d’une campagne mondiale pour demander leur libération, les proches de Ghannouchi et de plusieurs autres opposants emprisonnés ont donc déposé une plainte devant la CADHP.

« Nous espérons que cela conduira à leur libération et à la justice pour eux », a affirmé le 23 mai Yousra Ghannouchi à Nairobi, à la veille d déplacement à Arusha, en Tanzanie, où se trouve la Cour. « Ils ne se taisent pas et nous ne nous tairons pas », a-t-elle poursuivi.

Yousra Ghannouchi, comme plusieurs autres proches de détenus, a également appelé les États-Unis, l’Union européenne et la Grande-Bretagne à imposer des sanctions ciblées contre Saïed et plusieurs ministres qui sont « tous impliqués dans des violations des droits humains ». « Ils essaient de défendre leurs dossiers en Tunisie mais toutes les portes ont été fermées », a déclaré Rodney Dixon, avocat de Ghannouchi et de cinq autres personnes emprisonnées.

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Dixon a déclaré que les proches souhaitaient saisir la justice pour constater que les emprisonnements étaient contraires à la charte africaine des droits humains et obtenir leur libération. « Il n’y a pas de justice par le biais du système là-bas […], c’est pourquoi ils doivent venir » devant la Cour africaine, a-t-il affirmé, précisant que les détenus n’avaient pas régulièrement accès à des avocats et avaient du mal à obtenir des soins médicaux appropriés. L’avocat a également déclaré qu’une « allégation de torture » sur un détenu sera soulevée devant la Cour.

Le cas Ghannouchi

Yousra Ghannouchi s’est en particulier dite inquiète pour la santé de son père, car il souffre d’hypertension et « ce n’est plus un jeune homme ». L’ancien président du Parlement a été emprisonné à deux reprises dans les années 1980 pour activités politiques clandestines, avant de s’exiler pendant 20 ans puis de revenir après le renversement du dictateur Zine El Abidine Ben Ali lors de la révolte du printemps arabe de 2011.

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La Tunisie est l’un des six pays du continent à avoir pleinement adhéré à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. En septembre 2022, cette dernière avait rendu une ordonnance sévère à l’égard du pouvoir de Kaïs Saïed, dénonçant en particulier certaines lacunes présentes dans la nouvelle Constitution, l’absence d’institutions telles qu’une cour constitutionnelle et diverses atteintes aux droits des citoyens.

(avec AFP)

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