Au Mali, le ministre de l’Énergie victime des coupures d’électricité intempestives
Lamine Seydou Traoré a démissionné le 31 mai. Depuis plusieurs mois, les populations dénonçaient les lourdes perturbations du réseau électrique du nord au sud du pays.
Des heures de coupure, des quartiers entiers privés de courant et des localités plongées dans le noir… Alors que le pic de chaleur s’apprête à laisser place à la saison des pluies et à son lot de dégâts matériels, y compris sur les infrastructures électriques, les perturbations intempestives du réseau d’électricité compliquent le quotidien des Maliens dans tout le pays.
Dès le mois d’avril, les habitants de Gao dénonçaient « des coupures [pouvant] durer jusqu’à quatre ou cinq jours » et plusieurs nuits passées « [à patienter] dans le noir ». À plus d’un millier de kilomètres de là, près de la frontière sénégalaise, la société civile de la commune de Kéniéba assure ne plus avoir d’électricité depuis janvier dernier.
La grogne a pris une telle ampleur du nord au sud du pays que le ministre des Mines et de l’Énergie, Lamine Seydou Traoré, s’est vu contraint de présenter sa démission dans une lettre adressée au Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, le 31 mai. Dans l’attente d’un remaniement qui pourrait avoir lieu à la suite du référendum constitutionnel du 18 juin, son intérim est assuré par le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou.
« Difficultés administratives »
Quelques jours plus tôt, Lamine Seydou Traoré se pliait à un premier mea culpa public à la télévision nationale. « Je voudrais présenter les excuses de la société EDM [Énergie du Mali, NDLR] au peuple malien […], et les excuses de tous les travailleurs du département de l’énergie pour les désagréments subis par rapport aux perturbations dans la fourniture du service public d’électricité », s’était alors repenti le ministre.
Dans sa lettre de démission, que Jeune Afrique a pu authentifier, le ministre fait valoir « des difficultés administratives » et des « dysfonctionnements institutionnels » entravant la réalisation des chantiers qui lui ont été confiés.
Lamine Seydou Traoré y évoque sa « proposition de réorganisation de la société EDM », que les « demandes d’arbitrage auprès [d’Assimi Goïta] n’ont malheureusement pas suffi à faire aboutir ». « Il y avait d’importantes divergences entre le ministre et le directeur général d’EDM [Koureyssi Konaré] sur la manière de conduire la société vers une sortie de crise. Lamine Seydou Traoré avait fini par réclamer le départ de Konaré, mais il n’a pas eu gain de cause », explique un ancien collaborateur du ministre, sous couvert d’anonymat.
« Le ministre a souhaité faire valoir que la production d’électricité était désormais suffisante. Si on avait suivi le plan du ministre, il n’y aurait plus eu de raison de procéder à des délestages, mais c’est la gestion à la tête d’EDM qui a conduit à la situation que l’on connaît », pointe notre interlocuteur.
Réseau vétuste
À en croire le ministère, la production d’électricité au Mali serait en effet en mesure de répondre à la demande, passée de 400 mégawatts en 2020 à 500 aujourd’hui, selon les chiffres avancés par Lamine Seydou Traoré dans son allocution télévisée. Il avait alors imputé les problèmes de distribution d’électricité à la vétusté du réseau et aux difficultés financières auxquelles est confrontée la compagnie EDM, qui affiche 600 milliards de F CFA de dette.
Autant de chantiers auxquels le gouvernement promet s’être attelé. La subvention allouée à EDM est ainsi passée de 30 à 45 milliards de F CFA et les équipes techniques chargées d’intervenir sur les pannes ont été renforcées, fait-on savoir au ministère.
Récemment, 6 milliards de F CFA de subventions supplémentaires ont été débloqués pour financer le carburant destiné aux centrales thermiques dont « le prix a flambé », précise notre source.
Une quinzaine de mégawatts ivoiriens
Admettant néanmoins avoir constaté une « insuffisance de production, qui a occasionné une dépendance [du Mali à l’égard] des pays étrangers dans la fourniture de l’électricité » lors de sa prise de fonction, en 2020, Lamine Seydou Traoré s’était rendu l’année suivante à Abidjan. L’occasion de demander l’appui de la Côte d’Ivoire, grand fournisseur d’électricité en Afrique de l’Ouest, dont les importations représentaient 27 % du mix énergétique malien en 2019.
Le ministre des Mines et de l’Énergie de Bah N’Daw, président de la transition à l’époque, espérait alors obtenir « 30 mégawatts, extensibles à 50, de fourniture d’électricité, sur les 80 à 100 promis par la Côte d’Ivoire en 2019 », assure-t-on au sein du cabinet du ministre.
Aujourd’hui, l’appui de la Côte d’Ivoire se limiterait à une quinzaine de mégawatts, assure notre source. Gage de la « souveraineté énergétique » retrouvée de Bamako, dit-il, quand certains veulent y voir les conséquences de la crise diplomatique qui a sévi entre Abidjan et Bamako ces derniers mois.
Depuis la visite de Lamine Seydou Traoré en Côte d’Ivoire, « le putsch dans le putsch » mené par le colonel Assimi Goïta et ses camarades en mai 2021 a fortement contrarié l’essentiel des pays membres de la Cedeao, au premier rang desquels la Côte d’Ivoire. La détention, pendant six mois, de 49 soldats ivoiriens au Mali, accusés par Bamako d’être des mercenaires, n’a par la suite rien arrangé.
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