À Lomé, 17 pays posent les jalons de l’accès équitable aux engrais (et d’une révolution agricole en Afrique)
Gnassingbé, Bazoum, Embaló… Trois chefs d’État et des ministres d’Afrique subsaharienne ont décidé le 31 mai de prendre des mesures urgentes et fortes pour rendre accessibles aux producteurs les engrais de qualité en vue d’assurer une autosuffisance alimentaire. Une feuille de route a été adoptée qui fixe le cap jusqu’en 2030.
Dans les années à venir, l’Afrique subsaharienne veut rendre l’engrais accessible et disponible à tous les producteurs, petits ou grands. Qu’il soit de source minérale ou organique, il reste pour les États, un produit stratégique, sans frontières, et libre de circuler sans entrave.
Réunis à Lomé à l’occasion d’une table ronde de haut niveau, trois chefs d’État – Faure Essozimna Gnassingbé (Togo), Mohamed Bazoum (Niger, et aussi président en exercice de l’Uemoa), Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau, président en exercice de la Cedeao) – ainsi que des ministres des Finances, de l’Agriculture et des Mines de dix-sept pays d’Afrique ont décidé de se joindre aux partenaires, dont la Banque Mondiale, pour définir une feuille route sur l’accès aux engrais par les agriculteurs locaux en vue d’augmenter les capacités de production.
Encourager les investissements privés
« Je tiens à exprimer l’engagement fort de la Banque mondiale à soutenir les efforts visant à améliorer la santé et la fertilité des sols en Afrique de l’ouest et au Sahel », a déclaré le vice-président pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, Ousmane Diagana, devant les chefs d’État. Ce dernier n’exclut pas, en vue de faciliter l’acquisition des engrais, l’instauration de mécanismes de subventions efficaces avec le secteur privé.
D’ici à 2025, l’institution financière de Bretton Woods prévoit d’augmenter les investissements dans le secteur de 4 milliards des fonds IDA actuellement approuvés et en cours d’exécution à 5,5 milliards de dollars.
« Nous allons soutenir les réformes spécifiques à travers la filière des engrais dans le but de promouvoir un environnement favorable aux investissements privés, et d’améliorer la production locale des engrais surtout dans les pays disposant de matières premières », a-t-il ajouté.
Doubler la production locale
Face aux prévisions alarmistes du « Cadre harmonisé » d’avril dernier qui indiquent une période de soudure, entre les mois de juin et d’août prochains, pour près de 43 millions de personnes dans la région, les États ont davantage intérêt à aller au-delà des engagements politiques pour parvenir à une production locale des engrais en complément aux importations.
En 2023, la capacité de production d’engrais de la région s’élève à 6,2 millions tonnes d’urée, 250 000 t d’engrais phosphatés, 15 millions de t de mélange et 226 000 t d’’organique. Si certains pays sortent du lot de la transformation locale à l’instar du Nigeria, d’autres en revanche concrétisent le lancement de leur usine ou la mobilisation des ressources financières. C’est le cas du Niger, où une usine d’exploitation du gaz et du phosphate en urée et engrais phosphaté verra bientôt le jour, ainsi qu’au Togo avec NutriSource.
Au Burkina Faso, la construction d’un complexe industriel de production d’engrais à base de phosphate d’un coût de 60 milliards de francs CFA a reçu l’adhésion lors des échanges de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui a ouvertement affiché son intérêt pour ce projet. La Banque de développement basée à Lomé apporte, selon le vice président Moustafa Ben Barka, depuis plus de 20 ans, un appui financier à l’Industrie chimique du Sénégal (ICS), qui s’apprête à entamer d’ici 2024, l’exploitation des premières potentialités de gaz en urée.
… et l’importation en groupe
Malgré les capacités de production nationales, la demande apparaît forte et les pays sont confrontés à une importation à des coûts souvent élevés, qui pèsent sur les tarifs de vente aux producteurs. Dans ce lot, les petits producteurs sont quasiment lésés, et ceux qui sont trop peu organisés et disposent de faibles moyens financiers restent tout bonnement sur le carreau. De ce fait, la réunion de Lomé a déclaré pour les États membres de la Cedeao, de l’Uemoa et du Cils l’urgence d’améliorer l’ accès aux engrais minéraux et organiques en facilitant les petits crédits pour l’acquisition des intrants.
Dans une déclaration, les États se sont résolus à éliminer progressivement les droits et taxes sur les engrais et les autres matières premières fertilisantes. Ils s’engagent à simplifier les formalités douanières et administratives des importations afin de réduire les délais d’admission des produits et, par conséquent, de minimiser les coûts.
Enfin, au niveau régional, ils se sont accordés à mettre en place un comité ouest-africain de contrôle de la qualité des engrais qui pourrait, sur le long terme, commander directement en gros les engrais pour les États afin de voir baisser les coûts ; et ainsi apporter des appuis au groupement régional des importateurs pour effectuer en un seul lot les achats auprès des industriels au profit des producteurs.
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