Touadéra déploie son cryptorêve avec la « tokenisation » des ressources centrafricaines
Le 29 mai, l’Assemblée nationale de la République centrafricaine a adopté un projet de loi qui permettra la vente en ligne de titres numériques de propriété foncière.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 mai 2023 Lecture : 2 minutes.
La création de la cryptomonnaie centrafricaine Sango Coin avait suscité, en juillet dernier, railleries et inquiétudes. Elle avait ensuite essuyé un veto humiliant de la Cour constitutionnelle, qui s’était dite opposée à ce que l’on puisse obtenir la nationalité du pays ou un terrain en échange d’un investissement dans cette devise.
À l’heure où certains observateurs voient dans le projet de référendum constitutionnel du chef de l’État un cheval de Troie d’une candidature à un nouveau mandat présidentiel, Faustin-Archange Touadéra continue de miser sur la technologie blockchain. Objectif : faire évoluer l’économie nationale hors des sentiers battus de la régulation des banques centrales…
Ce 29 mai, l’Assemblée nationale a adopté, par acclamation, le projet de loi sur la « tokenisation » des ressources naturelles. Ce néologisme, qui donne son nom à la loi, désigne le système qui permet la valorisation et la matérialisation des actifs réels dans le monde digital. Sont concernés, dans le cas de la Centrafrique, de potentiels titres numériques de propriété foncière qui pourraient être vendus en ligne. Ceux-ci concerneraient de riches ressources forestières, minières, agricoles ou encore pétrolières. La plateforme Sango permettra de créer en ligne une société de droit centrafricain.
Ressources bradées ?
Après avoir été, il y a un an, le premier pays africain à adopter le bitcoin comme monnaie légale, la Centrafrique fait le pari que la tokenisation sera synonyme de simplification administrative, d’indépendance vis-à-vis des institutions financières internationales, et de réduction de la corruption.
Pour l’opposition, c’est justement à davantage de corruption que pourraient conduire la simplification administrative et l’absence de contrôle des systèmes financiers internationaux. Des députés dénoncent un possible « bradage des ressources naturelles à toute la pègre de la planète », ainsi qu’un vote acquis dans la précipitation, le dernier jour de la session ordinaire de l’Assemblée.
Dans cette « tokenisation » à marche forcée, d’autres observateurs, moins politisés, voient une bonne dose de populisme prétendument branché et le désarroi des autorités face à une économie dévastée par des années de violences. Disposant de nombreuses richesses (uranium, or, diamant, bois ou pétrole), la République centrafricaine occupe le 188e rang sur 191 dans le classement du Pnud en termes d’indice de développement humain (IDH). Rufin Benam Beltoungou, le ministre des Mines, se dit pour sa part certain que cette « expérience pionnière » inspirera d’autres nations.
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