En Guinée, le RPG réclame le retour d’Alpha Condé au pouvoir
Sonné après le putsch de septembre 2021, peinant à trouver sa place au sein de l’opposition, le Rassemblement du peuple de Guinée redonne de la voix face à Mamadi Doumbouya.
Dans d’autres circonstances, ces manifestations seraient sans doute passées inaperçues. Fin mai, des femmes du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) ont battu le pavé à Siguiri et Kankan, dans cette Haute-Guinée dont Alpha Condé, renversé le 5 septembre 2021, avait fait son fief. Au même moment, c’est à Nzérékoré, en pleine Guinée forestière, que leurs consœurs donnaient de la voix, réclamant à leur tour des mesures contre la vie chère et… le retour de l’ancien président au pays et au pouvoir. Une revendication également martelée le 24 mai par un petit groupe de manifestants devant l’ambassade de France à Conakry.
Si la séquence mérite que l’on s’y attarde, ce n’est pas seulement parce que la junte de Mamadi Doumbouya a proscrit toute manifestation sur la voie publique – quatre personnes ont d’ailleurs été arrêtées à Siguiri et neuf à Kankan, après avoir été accusées de s’être réunies sans autorisation. C’est aussi parce que, depuis la chute de son chef, le RPG avait paru sonné et en retrait.
Dans un communiqué publié en septembre 2021, le parti s’était contenté de « prendre acte » du putsch, d’appeler – du bout des lèvres – au rétablissement « d’un ordre constitutionnel normal », de demander que « l’intégrité physique et morale du président Alpha Condé » soit préservée et que ce dernier soit libéré « rapidement et sans conditions ». À aucun moment en revanche, il n’exigeait le retour au pouvoir de l’ancien chef de l’État.
Dialogue avec la junte
Cela n’a pas non plus été le cas dans les semaines qui ont suivi. Le parti a semblé tourner la page Alpha Condé, plaidant pour la tenue d’élections inclusives, tandis que l’ancien président campait sur ses positions, refusant de signer sa démission. Au sein du RPG, seule une minorité de cadres, emmenés par Mohamed Diané, l’ancien ministre de la Défense, refusaient encore de dialoguer avec la junte – ce dernier dort aujourd’hui en prison, comme tant d’autres anciens barons du RPG.
Il faut dire qu’après le coup d’État, le parti s’est retrouvé dans une position inconfortable, coincé entre les autorités de transition et ses anciens adversaires politiques, qui avaient applaudi l’arrivée au pouvoir de Mamadi Doumbouya après avoir, des mois durant, réclamé la tête d’Alpha Condé, accusé d’avoir indûment fait modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Puis le RPG s’était résolu à adhérer aux Forces vives de Guinée, y retrouvant l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, l’ennemi juré, mais aussi l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré et les militants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).
« Jusqu’à la dernière seconde de 2026 »
Tous n’ont désormais de cesse de dénoncer le virage autoritaire du nouveau régime et de réclamer un retour à l’ordre constitutionnel. Mais il n’y a qu’au RPG que l’on estime, presque deux ans après le coup d’État, que « ce retour à l’ordre constitutionnel signifie le retour d’Alpha Condé au pouvoir ».
« En 2020, après la proclamation des résultats de la présidentielle par la commission électorale et leur confirmation par la Cour constitutionnelle, un mandat de six ans a été donné à Alpha Condé, martèle Taliby Dabo, coordinateur du RPG en Haute-Guinée. Tout militant de notre parti, cohérent avec lui-même, objectif et sérieux, est tenu de réclamer qu’Alpha Condé revienne au pouvoir jusqu’à la dernière seconde de 2026. »
Taliby Dabo a été interpellé dans la soirée du 26 mai, alors qu’il se trouvait à Kankan, où il dirigeait une réunion hebdomadaire du conseil régional du parti, une structure qui rassemble des cadres locaux, dont bon nombre sont aujourd’hui des interlocuteurs d’Alpha Condé, en exil en Turquie.
Messages codés
Contournant la direction nationale du RPG, que tient l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, l’ancien président ne s’astreint plus à la même discrétion que lorsqu’il était encore en Guinée ou que pendant son séjour à Dubaï, où il était parti se faire soigner. À Istanbul, il a retrouvé une certaine liberté et s’adresse fréquemment à ses militants pour les informer de sa santé et transmettre parfois des consignes.
« Nous sommes en contact régulier avec lui, admet Taliby Dabo. Il ne nous appelle pas à la violence, mais à manifester pacifiquement, conformément au mot d’ordre des Forces vives. Il nous a envoyé des messages codés que nous avons bien saisis. C’est pourquoi vous voyez partout la mobilisation de nos sections, sous-sections et comités de base. »
D’où ce brusque regain de mobilisation. « Au début, nous avons craint pour sa vie, reprend le cadre du RPG pour justifier l’inertie du parti après le putsch. En plus, certains avaient fait circuler en Haute-Guinée la rumeur selon laquelle le putsch était un arrangement entre Alpha Condé et son petit [Mamadi Doumbouya]. Puis, on nous a dit que le président était malade, et l’urgence était qu’il aille se soigner. Maintenant qu’il nous a lui-même dit être en bonne santé, nous sommes en droit de réclamer son retour pour qu’il achève son mandat. »
Le coordinateur régional du RPG en Haute-Guinée a été relâché le 29 mai. On lui reproche des faits « d’escroquerie », requalifiés finalement en « abus de confiance » – une histoire d’impayés qui remonte à 2020. Mais Taliby Dabo se dit convaincu que cela n’était qu’un prétexte. « En m’arrêtant au siège du parti, alors que tout le monde connaît mon bureau et mon domicile, ils ont donné une connotation politique à la procédure, fait-il valoir. C’était une façon de démobiliser les militants qui commençaient à se rassembler au siège tous les jours. »
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