L’essence trop chère pour les Nigérians, le pétrole pas assez pour l’Opep
À deux jours d’une réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, le prix de l’essence flambe au Nigeria. Le nouveau président est hostile aux subventions sur le carburant.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 3 juin 2023 Lecture : 2 minutes.
Tant prôné par les militants d’une société décarbonée, le règne de l’après-pétrole n’est pas encore arrivé, si l’on en croit la nervosité que provoquent toujours les prix de l’essence. Comme il l’avait promis en campagne électorale, le président du Nigeria, à peine investi, vient d’annoncer, le 29 mai, la fin des subventions sur le carburant.
Bola Tinubu souhaite faire économiser annuellement une dizaine de milliards de dollars au gouvernement. Une somme qu’il compte réinvestir dans les infrastructures publiques, l’éducation, les soins de santé et l’emploi. De quoi offrir une respiration au Nigeria, où l’administration sortante laisse une dette de 77 000 milliards de nairas (155,5 milliards d’euros)…
Dans un pays dont les 200 millions d’habitants – aux deux tiers dans une pauvreté multidimensionnelle – consommeraient quotidiennement 70 millions de litres de carburant, l’annonce du nouveau chef de l’État ne pouvait pas passer inaperçue. Instantanément, entre panique et spéculation, le pays a vu se multiplier les files d’attente aux stations-service, et les prix à la pompe ont logiquement commencé à flamber.
Triplement des tarifs
Les publications spécialisées annoncent que les tarifs pratiqués auraient déjà presque triplé. Le réseau Bloomberg a ainsi déclaré avoir constaté, le 31 mai dans un centre commercial du Nigeria, des prix passés, en une seule journée, de 184 nairas le litre (0,37 euro) à 488 nairas (0,98 euro). Et l’équipe de communication du président de préciser que les subventions n’arriveraient à échéance qu’à la fin de juin, comme cela a été budgétisé par l’administration précédente.
Ainsi va le paradoxe d’un pays qui produit du pétrole, sans disposer des infrastructures suffisantes pour le raffiner et en extraire le carburant. Et le Nigeria n’est pas le seul à pâtir de cette incongruité. La presse du Bénin voisin annonce, depuis le 31 mai, que le prix de l’essence « frelatée » –communément appelée kpayor – a presque doublé chez les vendeurs informels des grandes villes du fait de la décision nigériane. Plusieurs petits vendeurs auraient déjà fermé boutique, étranglés par les exigences des grossistes. Pour l’heure, les stations-service béninoises n’auraient pas encore cédé à la hausse des prix…
Si la situation énergétique nigériane n’est pas sans conséquence à l’international, les préoccupations des uns ne sont pas toujours celles des autres. Ainsi, avant sa réunion du 4 juin, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ne s’inquiète pas d’une flambée des tarifs de l’essence, mais plutôt de prix du pétrole actuellement orientés… à la baisse.
Si la logique devait s’appliquer, une baisse de la production devrait être au moins envisagée. Éventuellement décidée, elle aurait pour objectif de faire remonter les cours. Quels tarifs découvrirait alors l’automobiliste nigérian à la pompe ?
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