Les appels à manifester se poursuivent au Sénégal, malgré la coupure partielle d’internet

La tension reste vive deux jours après la condamnation d’Ousmane Sonko, alors que les émeutes ont déjà fait au moins 15 morts. Manifestants et internautes parviennent toutefois à contourner le blocage des réseaux sociaux.

Des soutiens d’Ousmane Sonko dans les rues de Dakar, au Sénégal, le 2 juin 2023. © Annika Hammerschlag / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP.

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Publié le 3 juin 2023 Lecture : 3 minutes.

Un jeune homme désarmé, violemment frappé par les forces de l’ordre. Un manifestant maintenu de force devant les boucliers des gendarmes, alors que fusent les jets de pierres. Et des photos de jeunes que leurs proches annoncent morts, asphyxiés par les gaz lacrymogènes ou tombés sous les balles.

Ces images, l’État sénégalais aurait-il préféré qu’elles ne soient pas diffusées ? Depuis jeudi 1er juin au soir, jour l’opposant Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », l’accès aux principales applications de messagerie et aux réseaux sociaux est restreint dans le pays. Les internautes sénégalais peuvent néanmoins utiliser des réseaux privés virtuels, ou VPN, pour contourner ces interdictions, et ils ne s’en privent pas.

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WhatsApp, Facebook, Twitter…

L’observateur mondial d’internet Netblocks a confirmé le blocage de l’accès à certaines plateformes, comme WhatsApp, Twitter, Facebook ou Instagram. « Des données de réseaux en temps réels montrent ces restrictions en vigueur chez le principal fournisseur mobile Orange (Sonatel), avec un effet sur l’opérateur Free (Tigo) », a précisé Netblocks, qui s’est basé sur un échantillon de 120 postes d’observation à travers le pays.

« ‘L’État du Sénégal a décidé en toute souveraineté de suspendre temporairement l’usage de certaines applications digitales par lesquelles se font des appels à la violence et à la haine », a justifié le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, dans la nuit de jeudi à vendredi. Cette suspension temporaire est renouvelée toutes les 24 heures « selon l’évolution de la situation », explique le ministre de la Communication, Moussa Bocar Thiam.

« Les opérateurs ont l’obligation de suivre les réquisitions de l’autorité en vertu de leur cahier des charges, lorsque la sécurité et la défense nationale l’exigent », précise Moussa Bocar Thiam. Cette réquisition s’adresse « à tous les opérateurs », c’est-à-dire Orange, Tigo et Expresso. Le signal de la chaîne privée Walf a également été coupé jeudi « pour empêcher la diffusion d’images et de messages faisant appel à la révolte populaire », a fait savoir le gouvernement.

Situation explosive

Aucun incident majeur n’a été rapporté ce samedi 3 juin dans le pays, où la situation reste néanmoins explosive. Le nouveau bilan des violences s’établit désormais à 15 victimes dans les dernières 48 heures, dont deux membres des forces de l’ordre, selon le ministre de l’Intérieur. C’est déjà plus que le bilan des violences de mars 2021, lors desquelles 14 personnes avaient trouvé la mort.

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Le ministre de la Justice a affirmé jeudi que les conclusions de l’information judiciaire ouverte en 2021 seraient « bientôt rendues ». Plus de deux ans après les faits, aucune information n’a été communiquée sur les circonstances de la mort des 14 victimes.

En 2021 déjà, l’accès aux réseaux sociaux avait été restreint dans les jours qui avaient suivi l’arrestation d’Ousmane Sonko, accusé de viols par Adji Sarr. Cette fois-ci encore, la mesure a entraîné la réaction de plusieurs organisations de droits humains. « Ces restrictions au droit à la liberté d’expression et à l’information constituent des mesures arbitraires contraires au droit international, et ne sauraient être justifiées par des impératifs de sécurité », a indiqué la directrice régionale d’Amnesty International, Samira Daoud.

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Droit fondamental

L’association Africtivistes condamne quant à elle « cette entrave à la liberté d’expression et d’information des citoyens sénégalais et du gouvernement, et exige [sa] levée immédiate ». « Cette restriction représente une violation des droits fondamentaux d’accès à internet, dénonce Demba Gueye, l’un des membres fondateurs du Réseau des blogueurs du Sénégal. Les besoins principaux des Sénégalais, s’informer sur l’évolution de la situation et communiquer avec leurs proches, sont restreints. » Selon lui, certains réseaux privés virtuels ont eux-mêmes été bloqués, « forçant les internautes à passer de VPN en VPN pour pouvoir se connecter ».

D’autres applications peuvent néanmoins être utilisées pour communiquer en-dehors des messages classiques, comme l’application Bridgefy, qui permet de passer par le Bluetooth. « Pour que l’application soit efficace, il faut qu’elle soit téléchargée et utilisée par un certain nombre de personnes », précise Demba Gueye.

Parallèlement, le groupe Anonymous, qui avait déjà attaqué plusieurs sites officiels, a revendiqué le 2 juin une « une cyberattaque massive sur des sites Web très médiatisés du gouvernement sénégalais contre la brutalité policière contre les manifestants ». Le site de la primature était ainsi bloqué le 3 juin dans la journée.

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