Sur la question de l’immigration, Édouard Philippe met l’Algérie à l’index
Probable candidat à la prochaine élection présidentielle française, l’ancien Premier ministre jette un pavé dans sa mare idéologique, sur le thème de la politique migratoire.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 6 juin 2023 Lecture : 2 minutes.
Secoué par la contestation spectaculaire d’une réforme des retraites adoptée au forceps, le gouvernement français mise sur une double diversion pour traverser l’orage. Au menu de ses prochains projets de loi remarquables figurent les thèmes de la fin de vie et de l’immigration. Deux sujets qui renvoient indirectement à des considérations identitaires qui suscitent des réactions épidermiques…
Porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le déjà controversé projet de loi immigration a connu un début de parcours chaotique : il a été présenté en Conseil des ministres début février, enterré le 22 mars, exhumé puis repoussé en avril et, enfin, relancé en mai pour présentation en juillet. Le débat vient de faire sortir du bois Édouard Philippe. C’est dans une longue interview à l’hebdomadaire L’Express que l’ancien Premier ministre a dévoilé une position plutôt musclée pour un juppéiste débauché par un macronisme qui se voulait centriste…
« Immigration du fait accompli »
Lapidaire, Philippe se désole que « l’augmentation rapide du nombre d’étrangers en France participe à l’embolie » de « beaucoup » de services publics français. S’il ne déploie pas la pensée d’extrême-droite selon laquelle « les étrangers viennent manger le pain des Français », le discours consistant à dire que les immigrés compromettent certains droits des nationaux est bien ancré à droite de l’échiquier politique. Et même à la droite de la droite des Républicains que ne fréquentait pourtant guère Édouard Philippe lorsqu’il était membre de ce parti.
Manifestement partisan de lever les tabous, il évoque des « non-dits » dont « crève », selon lui, la nation française. Raccrochant visiblement son wagon au train des discours anti-« immigration subie », il dénonce une « immigration du fait accompli ». Il évoque même la « provenance géographique des étrangers » qui aurait changé. « Sur la période 2000-2020, affirme-t-il, la proportion d’étrangers provenant d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne est passée de 39 % à 47 % du total d’étrangers. »
Une évocation qui esquisse un lien entre accueil et identité nationale : « Il nous appartient en tant que nation de dire qui nous sommes. » Et l’interviewé de trouver le moyen de glisser, dans un entretien sur la politique migratoire, la question de « l’obscurantisme religieux », qui, selon lui, « concerne principalement l’islam aujourd’hui ».
Personnalité politique préférée
Mettant plus précisément l’Afrique à l’index, le premier chef de gouvernement d’Emmanuel Macron préconise la dénonciation de l’accord de 1968 avec l’Algérie, « pays avec lequel nous entretenons des relations compliquées ». Cet accord facilite les conditions d’entrée, et de séjour en France, des ressortissants algériens. Et Édouard Philippe de qualifier la guerre des visas d’« instrument important ».
Si l’ancien Premier ministre est actuellement en réserve de la politique nationale, son avis n’est pas anodin. Dans un sondage publié ce 2 juin, le président du parti Horizons reste la personnalité politique préférée des Français. Or, en 2027, Emmanuel Macron quittera la présidence, sans avoir implanté en profondeur sa formation politique Renaissance. Philippe pourrait tirer les marrons du feu…
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