Bethlehem Tilahun Alemu à l’aise dans ses baskets

Elle a 33 ans, est éthiopienne et déjà reconnue dans le monde entier. Rencontre avec Bethlehem Tilahun Alemu, la fondatrice et patronne de SoleRebels, un modèle d’entrepreneuriat social.

SoleRebels, la société de Bethlehem Tilahun Alemu (photo) a été labellisée "commerce équitable" par la World Fair Trade Organization. DR

SoleRebels, la société de Bethlehem Tilahun Alemu (photo) a été labellisée "commerce équitable" par la World Fair Trade Organization. DR

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Publié le 28 novembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Johannesburg en octobre, Guangzhou (Chine) en novembre… En peaufinant ses premiers modèles de chaussures, en 2004, Bethlehem Tilahun Alemu était loin d’imaginer que son idée la conduirait à parcourir le monde quelques années plus tard. Elle a rencontré Bill Clinton et Muhammad Yunus, elle est intervenue à la tribune du Forum économique mondial de Davos, on l’a vue dans le magazine Forbes, sur CNN, et la BBC a parlé d’elle…

Le succès de la jeune entrepreneuse éthiopienne, 33 ans, a été fulgurant. SoleRebels, l’enseigne de chaussures écologiques 100 % éthiopiennes qu’elle dirige, vend ses articles dans le monde entier. Fondée il y a moins de dix ans à Zenabwork, un village délaissé des faubourgs d’Addis-Abeba où Bethlehem a grandi, l’entreprise emploie aujourd’hui près de 300 salariés et exporte 90 % de sa production.

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Lancée il y a dix ans, l’entreprise emploie 300 salariés et exporte 90 % de sa production.

Inspiration

Dans sa boutique flambant neuve d’un centre commercial de la capitale éthiopienne, la jeune femme à la volonté de fer ne cache pas sa fierté face au chemin parcouru par son « bébé ».

« J’ai toujours voulu monter ma propre affaire, assure-t-elle. J’ai puisé mon inspiration dans ce qui m’entourait. Tout – les semelles en pneu, les matériaux, le savoir-faire – était à portée de main. Ma seule innovation a consisté à créer des produits colorés et abordables, et à envisager un négoce à l’échelle mondiale. »

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Ses articles sont fabriqués artisanalement par des ouvriers qualifiés à partir de matériaux locaux : du coton biologique, du jute, ou encore des fibres de koba.

Success-story

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Il y a une dizaine d’années, après quelques expériences dans des fabriques de cuir, la jeune diplômée en comptabilité décide de franchir le pas. Elle investit ses maigres économies et confectionne son premier modèle avec cinq proches, dans un atelier prêté par sa grand-mère. « C’était des tongs : un style, cinq couleurs ! » se souvient-elle dans un éclat de rire.

Malgré des débuts difficiles, celle qui aime rappeler que « tout problème a une solution » parvient à mettre son entreprise sur les rails du profit. Après les tongs suivront les baskets, les sandales, et les mocassins… Les produits sont de qualité et relativement bon marché (entre 40 et 60 euros la paire) pour la clientèle internationale.

Parallèlement à l’ouverture des premiers points de vente à Addis-Abeba, l’énergique chef d’entreprise s’attaque au marché mondial via internet et décroche une première commande sur Amazon. Suivront Urban Outfitters puis Spartoo. SoleRebels, première marque de chaussures labellisée « commerce équitable » par la World Fair Trade Organization (WFTO), commence à se faire un nom. La société ouvre des boutiques à Taiwan, Zurich, Vienne, ou Barcelone. Bethlehem, elle, est sollicitée aux quatre coins de la planète pour raconter sa success-story.

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Sociale

De colloques internationaux en entretiens accordés dans son magasin éthiopien, cette bûcheuse insiste sur la dimension humaine de son entreprise. « Pendant des années, j’ai vu les gens travailler dur sans parvenir à sortir de la misère. L’une de mes motivations était de leur permettre de s’enrichir à travers un emploi. » Se définissant comme une « entrepreneuse sociale », Bethlehem souhaite rendre ses salariés « aussi heureux que ses clients ».

À Zenabwork, où l’usine SoleRebels est toujours implantée, les 160 ouvriers permanents touchent en moyenne trois fois plus que leurs camarades employés par d’autres compagnies. Avec leurs familles, ils bénéficient également d’une couverture médicale élargie.

Mariée et mère de trois enfants, Bethlehem se dit aussi très attentive à l’égalité des sexes. Pour elle, les femmes doivent pouvoir gagner leur vie comme les hommes. Elle a donc ouvert à proximité de l’usine une crèche où ses collaboratrices peuvent laisser leurs enfants pendant la journée.

Conditions de travail

Pour cette patronne philanthrope, difficile d’échapper à la comparaison avec les géants mondiaux de l’industrie textile qui viennent en Éthiopie pour profiter d’une main-d’oeuvre trois à quatre fois moins coûteuse qu’en Chine. Huajian, l’un des principaux fabricants mondiaux de chaussures, a ainsi récemment installé une usine près d’Addis-Abeba. Les conditions de travail des ouvriers éthiopiens y laissent souvent à désirer, mais Bethlehem préfère ne pas s’étendre sur le sujet, concédant que « ces gens apportent du travail ».

Le sourire aux lèvres, elle regarde vers l’avenir. En mai, elle a lancé Alemu, une ligne de vêtements et de sacs à son nom, dont le magasin est mitoyen de la boutique SoleRebels, à Addis. Elle va aussi inaugurer, avant la fin de l’année, une marque de chaussures et de sacs en cuir un peu plus haut de gamme.

Ambitions

L’ambitieuse Éthiopienne ne compte pas s’arrêter là, espérant atteindre un chiffre d’affaires annuel de 16 millions de dollars (12 millions d’euros) d’ici à 2016. Pour l’instant, elle tait les revenus dégagés par son entreprise, tout comme les profits… « On ambitionne d’embaucher 600 salariés en plus et d’ouvrir une trentaine de points de vente dans le monde en trois ans », affirme-t-elle, sûre de sa force.

SoleRebels pourrait notamment partir à la conquête du continent. Rien n’est signé pour le moment, mais des discussions avec des partenaires sud-africains, kenyans ou ghanéens sont en cours.

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