« Ana Bidaoui » ou comment réconcilier les Casablancais avec leur ville
Ce documentaire diffusé sur la chaîne marocaine 2M, réalisé par Nour-Eddine Lakhmari et produit par Ali’n Productions, nous plonge dans l’histoire de cette ville mal-aimée, dont on découvre la richesse préhistorique et l’importance stratégique millénaire.
Répondant à un appel à projets de la chaîne 2M, la série documentaire « Ana Bidaoui » : À la redécouverte de Casablanca, produite par Ali’n Productions éclaire d’un œil nouveau les spectateurs sur la ville de Casablanca. Écrite par Rita El Quessar et réalisée par Nour-Eddine Lakhmari – après son film désormais culte Casanegra –, la saga se découpe chronologiquement en quatre épisodes de cinquante-deux minutes chacun qui racontent l’histoire souvent méconnue de ce monstre urbain, dont on associe, à tort, l’expansion urbaine à la période coloniale.
« Ville bruyante et laide »
La série a été diffusée chaque dimanche à 22 heures, depuis le 4 juin, dans la rubrique Des histoires et des hommes de la deuxième chaîne marocaine. Son premier épisode a été projeté en avant-première le 30 mai au parc de la Ligue arabe, devant une assemblée de personnalités de la scène politique ou du monde culturel de la « ville blanche ».
Désormais disponible sur YouTube, et cumulant déjà près de 30 000 vues, « Ana Bidaoui » retrace les origines de cette cité millénaire développée autour d’un port stratégique. Alors que le deuxième épisode porte sur le protectorat français jusqu’aux débuts du Mouvement national, et aborde le rayonnement de la ville en matière d’urbanisme ; le troisième, la période de l’indépendance dès l’âge d’or, jusqu’aux années de plomb ; et enfin, le quatrième, la ville au présent telle que la perçoivent ses propres habitants.
C’est un mélange de genres, alliant archives inédites, témoignages et voix off d’un personnage fictif servant de fil rouge narratif
À l’origine du projet : une Casablancaise qui s’interroge sur ses origines et sur l’histoire de la ville qui l’a vu naître. « Au départ, nous voulions répondre au désir de la chaîne de réaliser un documentaire qui met en valeur le patrimoine marocain », explique la scénariste. Mais au lieu de proposer un film classique, sur l’une des villes impériales, elle fait le choix de dépeindre cette ville « mal-aimée, bruyante, que les Casablancais eux-mêmes qualifient de laide ». Elle confie s’être finalement « prise de passion pour [sa] propre histoire ».
Déclaration d’amour
Trois ans de travail ont été nécessaires pour réaliser ce documentaire, entre la recherche, l’écriture, le tournage et le montage. Le résultat est un mélange de genres, alliant documents d’archives inédits, témoignages de spécialistes et voix off d’un personnage fictif servant de fil rouge narratif.
« Je viens aussi de la fiction », précise Rita El Quessar. « Je voulais donc naturellement proposer un documentaire romancé. C’est pourquoi avec Nour-Eddine Lakhmari, nous avons mis en place un procédé original afin de combiner mon scénario intentionnellement personnel à son sens de l’esthétique si particulier, que l’on retrouve notamment dans Casanegra. Il est l’un des rares, avec ce film, à avoir montré la part sombre de cette ville. »
C’est donc à travers les souvenirs d’enfance de ce protagoniste imaginaire, seul acteur de la série, et à ses prises de conscience lorsqu’il se confronte à ses propres préjugés concernant sa ville natale que nous remontons le temps. Depuis les premières traces préhistoriques, jusqu’au bombardement de 1907, en passant par le passé pirate de l’ancienne « Anfa », architectes, archéologues, historiens et autres passionnés racontent Casablanca avec une tendresse qui se devine dans la voix.
« Mais ce film n’a aucune prétention didactique ou scientifique. C’est définitivement une déclaration d’amour à Casablanca. », proclame Rita El Quessar. À ceux qui accusent le film d’idéaliser « une ville poubelle », elle répond que c’est « un travail de mémoire nécessaire », mais surtout l’occasion « de se rêver soi-même ».
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