Comment en finir avec le papillomavirus en Afrique 

Principale cause de décès par cancer chez les femmes en Afrique subsaharienne, celui du col de l’utérus reste peu combattu. Pourtant, un vaccin existe.

Plus de 95 % des cas de cancer du col de l’utérus dans le monde sont dus au virus du papillome humain (VPH).  © Science Photo Library via AFP

Dr Fatma Guenoune © DR

Publié le 15 juin 2023 Lecture : 5 minutes.

En avril dernier, j’ai rejoint 12 scientifiques et experts en santé publique du monde entier en vue de la publication d’une déclaration mondiale pour l’élimination du cancer du col de l’utérus. Cette initiative soutient la stratégie mondiale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) visant à accélérer l’élimination de ce cancer, ainsi qu’à susciter des engagements politiques et financiers pour garantir l’accès aux vaccins contre le papillomavirus partout dans le monde, et à élargir l’accès aux services de dépistage, de diagnostic et de traitement. 

Les plus riches toujours prioritaires

Pour enrayer la propagation du virus qui est à l’origine de la quasi-totalité des cas de cancer du col de l’utérus, principale cause de décès par cancer chez les femmes en Afrique subsaharienne, des pays comme l’Eswatini (ex-Swaziland), le Nigeria et le Togo ont introduit pour la première fois en 2023 le vaccin dans leurs programmes de vaccination de routine. Le fait qu’un ensemble aussi diversifié de nations africaines adopte la vaccination contre le papillomavirus montre que la communauté internationale a fait du chemin depuis l’arrivée des premiers vaccins contre ce virus sur le marché mondial, il y a plus de quinze ans. Mais malgré des réussites notables au Rwanda, en Gambie et dans d’autres pays du continent, les défis fondamentaux de l’accès au vaccins et de la stigmatisation envers les personnes atteintes du virus persistent.   

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Pour résoudre ces problèmes, les dirigeants nationaux, en collaboration avec des partenaires régionaux et mondiaux de la santé comme Gavi, doivent redoubler d’efforts pour renforcer les capacités nationales et régionales afin de fournir des vaccins à la prochaine génération de femmes. En tant que présidente de la Ligue sénégalaise contre le cancer (Lisca), j’ai pu constater de visu l’efficacité des investissements dans la formation et l’engagement communautaire, en particulier lorsqu’ils sont soutenus par des systèmes améliorés d’approvisionnement, de stockage et de distribution des vaccins.

Pendant la pandémie, nous avons été témoins de l’extraordinaire capacité que nous avons à créer de nouveaux vaccins salvateurs en un temps étonnamment court. Mais nous avons également vu ce qui se passe lorsque les plus riches sont toujours prioritaires. C’est pourquoi il incombe également aux pays à revenu élevé de pousser les laboratoires pharmaceutiques à accroître le volume de production de vaccins au-delà des besoins des plus fortunés.   

Plus de 600 000 nouveaux cas en 2022

La nécessité d’agir rapidement est évidente : le cancer du col de l’utérus reste le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde. Et plus de 95 % des cas de cancer du col de l’utérus dans le monde sont dus au papillomavirus. Rien qu’en 2020, selon les données les plus récentes de l’OMS, on a enregistré plus de 600 000 nouveaux cas chez les femmes et les jeunes filles et 342 000 décès. La menace n’était pas uniformément répartie : 90 % de ces nouveaux cas et de ces décès concernaient des femmes et des jeunes filles vivant dans des pays à faible revenu. Ce chiffre choquant montre que ce sont les filles et les femmes de ces pays qui portent presque exclusivement le fardeau mondial des cancers du col de l’utérus causés par le virus du papillome humain (VPH). 

Réduire cette disparité en Afrique est une question de leadership national et de volonté mondiale

Plus inquiétant encore, les femmes et les filles les plus touchées sont celles qui ont le moins accès aux soins. Les pays à faible revenu ont pris beaucoup de retard sur les pays riches en matière de vaccination, de dépistage et de traitement contre le papillomavirus : près de 60 % des cas de cancer du col de l’utérus surviennent dans des pays qui n’ont pas de programme de vaccination contre ce virus.

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Réduire cette disparité en Afrique est une question de leadership national et de volonté mondiale. Le fait que le VPH soit une maladie sexuellement transmissible complique la tâche dans les régions du monde où les discussions sur la santé des filles et la santé sexuelle sont encore taboues. Il faudra engager et mobiliser les communautés locales et, dans ce domaine, les investissements et l’infrastructure de l’initiative Covid-19 peuvent être mis à profit. 

Concurrence des pays à revenu élevé

L’extension de la vaccination et du dépistage est également une question de volonté mondiale. Les pays à faible revenu qui ont déployé d’énormes efforts pour poser les bases d’une vaccination dans des communautés parfois sceptiques sont souvent incapables de garantir l’accès aux vaccins dont ils ont besoin. L’un des principaux facteurs à l’origine de ce problème est le fait que les pays à faible revenu, comme de nombreux pays d’Afrique, sont en concurrence avec les pays riches pour l’approvisionnement en vaccins contre le papillomavirus.

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Le mois dernier, Gavi a annoncé un nouveau financement de 142 millions de dollars pour la prévention du cancer du col de l’utérus qui bénéficiera à au moins cinq pays africains, ce qui est une nouvelle bienvenue. En 2021, alors que plus de 85 % des pays à revenu élevé avaient introduit le vaccin contre le papillomavirus dans le calendrier national de vaccination, moins de 25 % des pays à faible revenu et moins de 30 % des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure l’avaient fait. 

Il est tout simplement inacceptable qu’au bout de quinze ans, les fabricants de vaccins n’aient pas intensifié leurs efforts pour répondre aux besoins de santé des jeunes filles en Afrique et dans le monde entier. La communauté internationale doit exiger mieux et faire plus pour que chaque jeune fille, quel que soit son lieu de naissance, ait accès au vaccin contre le papillomavirus. Pour changer cette trajectoire, les fabricants doivent agir davantage et de toute urgence. L’augmentation de la production nécessite de longs délais et les fabricants de vaccins contre le VPH, comme Merck et GSK, doivent investir non seulement dans l’augmentation, mais aussi dans la répartition de la capacité de production sur le continent africain afin de mieux répondre aux besoins de santé de la population. 

 Signal d’alarme

Le Covid-19 a été, pour beaucoup, un signal d’alarme sur les lacunes dans les systèmes de financement et de combat contre les maladies dans le monde. Pis encore, les perturbations du système éducatif ont eu des répercussions considérables sur l’accès des jeunes filles au vaccin contre le papillomavirus, qui est souvent administré en milieu scolaire. Malgré tout, les résultats de la pandémie peuvent encore être transformés.

Cette transformation ne pourrait avoir plus d’incidence nulle part ailleurs que dans la lutte pour rendre les vaccins contre le papillomavirus accessibles aux jeunes filles. Il appartient maintenant à nos dirigeants et à nos partenaires des secteurs public et privé – partout dans le monde – de s’engager à soutenir les principes de la déclaration mondiale pour l’élimination du cancer du col de l’utérus et assurer un avenir sain aux filles et aux jeunes femmes, quel que soit le pays.  

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