Le Parlement libanais tente d’élire un président… et échoue à nouveau

Réunie ce 14 juin, l’assemblée libanaise a tenté pour la 12e fois de mettre fin à la vacance de pouvoir qui dure depuis octobre 2022. Candidat du Hezbollah contre ancien ministre des Finances, aucun des deux ne disposait des voix suffisantes et aucun nom n’a pu émerger.

Jihad Azour. © Joshua Roberts/IMF Photo/Flickr/Licence CC

Publié le 14 juin 2023 Lecture : 3 minutes.

Le Parlement libanais se réunissait ce mercredi matin pour tenter d’élire un président, sans grand espoir, aucun des deux candidats en lice, un ancien ministre soutenu par le puissant Hezbollah pro-iranien et son adversaire, un économiste, ne disposant des voix suffisantes. Le Liban, en plein effondrement économique, est sans président depuis plus de sept mois. Le pays est dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022. En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite.

Les divergences entre les deux camps se sont récemment aggravées. Plusieurs blocs parlementaires ont annoncé appuyer la candidature d’un responsable du FMI, Jihad Azour, face à l’ancien ministre Sleimane Frangié, soutenu par le Hezbollah chiite.

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Le poids du Hezbollah

« Il est très improbable que cette session aboutisse à l’élection d’un président. Tout comme les précédentes, elle sera un moyen pour les forces politiques de mesurer leur poids électoral », prévenait avant même la tenue du scrutin l’analyste Karim Bitar. « Si Jihad Azour parvient à obtenir plus de 60 voix, cela constituerait », selon lui, « le plus grand revers de fortune pour le Hezbollah », qui domine la vie politique du Liban et dispose d’un puissant bras armé. « Ce serait la première fois qu’on verrait une opposition (…) dépassant les clivages communautaires à l’hégémonie du Hezbollah », et cela conduirait à « redéfinir l’équilibre du pouvoir au Liban », prédisait Bitar.

Le Parlement, où aucun des deux camps ne détient une claire majorité, a déjà tenu 11 sessions sans succès. Tout candidat a besoin de 86 voix sur un total de 128 députés, soit une majorité des deux tiers, pour être élu au premier tour, ce que ni Azour ni son adversaire ne peuvent réunir. Au deuxième tour, 65 voix, soit la majorité absolue, sont suffisantes, mais beaucoup d’observateurs s’attendaient à voir les députés du Hezbollah et de ses alliés empêcher la tenue d’un deuxième tour en sortant de la salle pour empêcher le quorum, comme lors des sessions précédentes.

« Un défi pour personne »

Jihad Azour, qui a suspendu sa mission au FMI pour mener sa campagne, a affirmé qu’il voulait « contribuer à une solution et ne pas être un facteur de crise ». Ancien ministre des Finances (2005-2008), il a assuré que sa candidature ne constituait « un défi pour personne », en réponse au Hezbollah qui l’a qualifié de candidat « de confrontation » et de « défi ». Il a obtenu aujourd’hui 59 voix, contre 51 voix pour son concurrent, l’ancien ministre Sleimane Frangié.

Ce dernier, dont le grand-père a été président du Liban, promettait d’être « le président de tous les Libanais », malgré son alliance avec le Hezbollah et l’amitié qui le lie au président syrien Bachar al-Assad. Comme annoncé, les députés soutenant sa candidature sont sortis après le premier tour pour empêcher la tenue du second.

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« Le président ne peut être choisi que par consensus », expliquait avant même la séance un député du Hezbollah, Hassan Fadlallah. « Nous n’imposons rien aux autres et nous ne voulons pas qu’ils nous imposent » un candidat, a-t-il ajouté.

Risque de vacance prolongée

Face à ce blocage et « en l’absence d’une pression internationale importante », le plus probable est que le pays entre dans une « période de vacance prolongée » qui pourrait durer plusieurs mois, estime Karim Bitar. Lors de la dernière élection présidentielle, le camp du Hezbollah avait paralysé l’action du Parlement pendant plus de deux ans pour imposer l’élection de Michel Aoun, son allié, en 2016.

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Seul pays à s’impliquer réellement dans ce dossier, la France, ancienne puissance mandataire, doit dépêcher à Beyrouth l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, nommé « envoyé personnel pour le Liban » du président Emmanuel Macron. Avant le vote de ce mercredi, Paris avait appelé les responsables libanais à « prendre au sérieux » la session parlementaire et « en faire l’occasion d’une sortie de crise ».

Pour Karim Bitar, l’impasse provoquée par ce nouvel échec pourrait maintenant mener à « des négociations qui aboutiraient à une solution autour d’un troisième homme, et une élection décidée d’avance, comme la plupart des autres scrutins dans l’histoire du Liban ».

(avec AFP)

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