Il faut repenser la résilience pour les pays à faible revenu

Les chocs macroéconomiques ont poussé les partenaires du développement à gérer l’urgence. Pour Rabah Arezki, ancien chef économiste à la BAD, il faudrait que l’aide au développement se concentre sur les déficiences structurelles et climatiques préexistantes afin que les pays à faible revenu puissent se transformer.

L’Afrique australe, dont le Malawi, a dû faire fasse en mars 2023 au lourd bilan humain et aux dégâts causés le cyclone tropical Freddy. © Thoko Chikondi/AP/SIPA

Rabah Arezki © DR
  • Rabah Arezki

    Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cerdi).

Publié le 19 juin 2023 Lecture : 3 minutes.

La série de chocs qui ont frappé l’économie mondiale a particulièrement touché les pays à faible revenu. Leurs conséquences ont été exacerbées par des déficiences structurelles. Le manque de réformes et d’interventions proactives de politique économique de la part des autorités, y compris celles soutenues par les partenaires au développement, a contribué à cette crise du développement.

Cela crée un dilemme en matière d’équilibre entre les interventions à court terme et à moyen terme. En effet, la série de chocs pousse le mode d’intervention vers davantage de financements d’urgence, épuisant ainsi les ressources et dirigeant l’attention vers des interventions plus structurelles. Bien que nécessaire, ce transfert des ressources est problématique. À moyen terme, à mesure que les ressources disponibles se tariront, les déficiences structurelles non résolues rendront perpétuellement les pays vulnérables aux chocs.

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De la résilience à la super-résilience

Dans ce contexte, il est grand temps de repenser la résilience des faibles revenus à la lumière des chocs récurrents et qui s’intensifient. Dans son livre La Société résiliente, Markus Brunnermeier définit la résilience comme la capacité de retour à la moyenne. Les économies doivent être capables de résister aux chocs et de rebondir. Mais pour les pays à faible revenu, revenir à la moyenne n’est pas une option. Le concept de « super-résilience » est plus approprié. Les autorités de ces pays et les partenaires de développement devraient se concentrer sur les déficiences structurelles préexistantes afin qu’ils ne puissent pas seulement rebondir mais se transformer aussi davantage.

Ainsi, l’architecture de financement du développement et les partenaires du développement doivent repenser leur approche pour soutenir les pays à faible revenu. Pour aider à atteindre cette super-résilience, l’architecture de financement du développement devrait créer un continuum entre la tranche de l’aide dite concessionnelle et la tranche des instruments dits fondés sur le marché. Ce continuum garantira le fait que les réformes et les interventions préalables sortent effectivement ces pays de la dépendance à l’aide au développement. Il faut augmenter les financements concessionnels vers ces pays à faible revenu pour assurer un effet de levier fort afin d’attirer les investisseurs privés.

Élaborer un plan de réduction des vulnérabilités

Prenons l’exemple de la super-résilience aux événements extrêmes comme les cyclones ou les tremblements de terre. Dans les pays à faible revenu confrontés à ces chocs, l’aide humanitaire et d’urgence est généralement la réponse de la communauté internationale. Dans une perspective de super-résilience, les interventions préalables devraient pousser ces États à s’éloigner de ces chocs en utilisant des instruments fondés sur le marché.

Le pot d’aide de la communauté internationale servira désormais, au moins en partie, à subventionner le régime d’assurance contre les événements extrêmes. Cette subvention sera conditionnée de façon à ce que les pays à faible revenu divulguent leurs vulnérabilités préexistantes et à ce que l’assureur privé propose des conditions compétitives. Une fois l’assurance accordée, un plan de réduction des vulnérabilités devra être convenu afin que la prime d’assurance soit ensuite réduite, tout comme la subvention des partenaires au développement.

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Vers plus d’autonomie

L’avantage serait que non seulement une plus grande partie de l’argent de l’aide apportée soit utilisée en amont pour réduire les vulnérabilités, et que les transferts a posteriori soient effectués par des acteurs privés. Bien sûr, il existe des chocs non assurables qui, dans certains cas, empêcheront la mise en place de tels instruments fondés sur le marché.

Dans un monde de plus en plus confronté à des chocs qui s’intensifient et se multiplient, les pays à faible revenu ne peuvent s’appuyer uniquement sur une architecture de développement qui n’est que réactive. Pour les accompagner vers une forme de super-résilience, cette architecture de financement doit être orientée vers des instruments qui s’appuient sur le marché, qui stimulent les interventions politiques et la transparence, qui aident à mieux bâtir dans tous les secteurs.

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